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D’un point de vue historique et selon C. Puren (1988), la méthode directe constitue la première méthodologie spécifique à l’enseignement des langues étrangères. Cette nouvelle méthodologie intègre de nombreuses méthodes14.

Cependant, il n'est pas rare de voir des pédagogues employer ce mot en lieu et place du mot « technique ». Ainsi Galisson et Coste (1976) attirent l'attention sur ce contresens :

« On parle de méthode de tableau de feutre15 alors qu'une telle formule est inadéquate puisqu'elle renvoie expressément à une technique ».

Les pédagogues et les didacticiens s'accordent à dire que les spécialistes se consacrent à l'élaboration de nouvelles méthodologies lorsque de nouveaux besoins l'exigent et que de nouvelles attentes sociales voient le jour. Ainsi, par exemple, comme nous l'avons mentionné dans notre première partie, c'est après la deuxième guerre mondiale que la nécessité d'une refonte du système éducatif s'est faite ressentir. C'est ce qu'explique C. Puren (1988 : 98), par le biais du schéma ci-dessous. Ce sont là les principes sur lesquels s'appuie l’élaboration d'une nouvelle méthodologie :

« Nouveaux besoins et nouvelles attentes sociales 

Insuffisance et inadéquation des résultats obtenus par la méthodologie existante

Définition de nouveaux objectifs 

Élaboration d’une nouvelle méthodologie ».16

La méthode directe appliquée à l'enseignement des langues et plus particulièrement à l'enseignement d'une langue étrangère, privilégie l'aspect

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Ce mot est pris ici dans le sens de ensemble de procédés et techniques.

15 Le tableau de feutre est un support fait d’une surface de tissu (flanelle, feutrine, etc.) permettant de déplacer des représentations de personnages ou d’objets en carton floqué. Cet outil pédagogique est utilisé comme support systématique pour l’apprentissage de la lecture.

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« communicatif » et l'échange interactionnel entre l'enseignant et l'enseigné. Pour ce faire, cette démarche prône la mise en contact direct avec la langue cible sans passer par la traduction, afin de plonger l'élève dans un bain de langue.

Sur un plan pratique, les théoriciens expliquent que le cours doit être mené uniquement dans la langue étrangère (langue cible). L'élève ne devra faire intervenir sa langue maternelle à aucun moment de son apprentissage. L'enseignant, de son côté, palliera cette difficulté en utilisant tous les moyens immédiats à sa disposition à commencer par lui-même : déplacements, gestes, mimiques, intonation, puis tables, chaises, fenêtres, tableau, élèves et leurs affaires, pour nommer et décrire l'univers de la classe. Cela revient à dire que cette méthode se sert des objets appartenant à l'environnement de l'élève pour mieux s'ancrer dans la réalité quotidienne.

Pour découvrir le monde extérieur, il utilisera des images, des photos et d'autres objets.

En outre, et il faut le souligner, cette méthode appliquée à l'enseignement du français langue étrangère, se donne comme objectif de faire parler l'élève sans parler de la langue c'est-à-dire en évacuant du discours pédagogique de l'enseignant toute référence métalinguistique.

Schweitzer (fondateur de cette méthodologie), cité par C. Puren (1988 : 122) pose clairement les principes de cette démarche :

« La méthode directe est celle qui enseigne les langues sans l’intermédiaire d’une autre langue antérieurement acquise. Elle n’a recours à la traduction ni pour transmettre la langue à l’élève, ni pour exercer l’élève à manier la langue à son tour. Elle supprime la version aussi bien que le thème ».

Cependant, avec l'apparition des nouvelles technologies et leur utilisation en milieu scolaire, cette méthode est assez vite tombée en désuétude pour être remplacée par la méthode audio-orale qui, nous le verrons, sera elle aussi qualifiée de révolutionnaire en son temps.

D'un point de vue théorique, et comme nous l'avons souligné en introduction à cette partie, la méthodologie directe s’articule autour de plusieurs autres méthodes. Ces méthodes sont définies par J-P. Cuq et I. Gruca (2003 : 164) comme étant :

« L’ensemble des procédés de mise en œuvre d’un principe méthodologique unique ».

C’est en fait cet ensemble de procédés et de techniques de classe visant à susciter chez l’élève un comportement ou une activité déterminée qui constitue

l’organisation interne de ladite méthodologie. Méthodologie qui se veut orale, directe, intuitive, imitative et répétitive, selon Cuq et Gruca (2003 : 165) :

« La cohérence de chaque méthodologie (traditionnelle, directe, audio-orale, audio-visuelle ou autre) repose sur un noyau dur constitué d’un nombre limité de méthodes privilégiées et fortement articulées ou combinées entre elles ».

Rappelons que le mot « méthodes » est pris ici dans le sens de procédés et techniques utilisés. Le noyau dur de la méthodologie directe est constitué des méthodes citées ci-dessous :

• la méthode active (on apprend à parler en parlant et en agissant). • la méthode interrogative (jeu question-réponse).

• la méthode intuitive (il s’agit de deviner pour comprendre).

• la méthode imitative (l’apprenant apprend en imitant l’enseignant).

• la méthode répétitive (la rétention d’information se fait par répétition, par imprégnation jusqu’à « l’assimilation »).

3.2.1. La méthode active

Il est attendu de l'élève qu'il participe activement à la construction de son savoir. Toutes les activités prévues doivent s’inscrire dans cette méthodologie.

3.2.2. La méthode interrogative

La démarche recommandée est la suivante : l’enseignant pose des questions auxquelles répondent les élèves. Cette méthode correspond au schéma :

Question de l’enseignant → Réponses des élèves → Evaluation ou réaction de la part de l’enseignant.

Tout cela dans le but de réemployer les formes linguistiques étudiées et d'en acquérir les structures. Il s’agit donc d’exercices totalement dirigés.

3.2.3. La méthode intuitive

Cette méthode s'appuie sur la capacité de l'élève à saisir des évidences en faisant appel simplement à son bon sens et à son intelligence, autrement dit à sa spontanéité intellectuelle. Ainsi, dans l'apprentissage d'une langue, on considère que l’élève peut accéder au sens des mots directement, sans passer par la langue maternelle. Il est donc obligé de faire un effort personnel pour comprendre, en formulant des hypothèses. Pour ce qui est du sens des phrases et des textes, on met l'accent sur la compréhension globale et non sur la compréhension de mots isolés.

En grammaire, on amène l’élève à raisonner par lui-même à partir d'exemples et à mémoriser les règles grâce à des exercices d'emploi. On ne peut donc séparer cette méthode de la méthode inductive, bien évidemment.

3.2.4. La méthode imitative

L’élève apprend en imitant les sons (l’enseignant étant sa référence orale) par le biais de la répétition intensive et mécanique. Elle s’applique aussi bien à l’apprentissage de la phonétique qu’à celui de la langue en général.

3.2.5. La méthode répétitive

Ce procédé s’appuie sur les principes suivants : l'on comprend en devinant, l'on apprend en imitant et l'on retient mieux en répétant. L’élève est censé mémoriser des notions langagières et des structures linguistiques grâce à des exercices de réemploi permanents et intensifs. De plus et selon les défenseurs de cette méthode, l’appel à l’activité physique de l’élève pour la dramatisation de saynètes, la lecture expressive accompagnée par des mouvements corporels, etc. permettrait d’augmenter la motivation chez l’apprenant. Nous devons signaler que cette méthode a été très critiquée par ses adversaires qui l'ont qualifiée de « méthode des perroquets ».17

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Schéma des constituants de la cohérence interne de la méthodologie directe

Le schéma ci-dessous – emprunté à C. Puren (1988 : 121) – représente l’organisation interne de la méthodologie directe (du « noyau dur » et des autres méthodes complémentaires).

Les constituants de la cohérence interne de la méthodologie directe

Si la méthodologie directe n’a pas pu résoudre tous les problèmes posés par l’enseignement des langues vivantes, reconnaissons qu’elle a cependant posé les jalons de base qui ont engagé l’apprentissage des langues vers la modernité.