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Chapitre 2 - L’approche communicative en didactique du français

1. L’approche communicative

En 1975, le Conseil de l'Europe produit le Threshold Level, (de J.A. Van Ek, publié en 1975) pour l'apprentissage de l'anglais, qui servira de base pour

22Par « notionnel », on n'entend pas structures syntaxiques, formes linguistiques ou situations d'usage mais actes de parole à maîtriser. Les notions sont définies comme l'objet du discours, ce de quoi on parle, les concepts, ce à quoi se réfère le locuteur lorsqu'il s'exprime. Ex : temps, existence, lieu, durée, quantité, fréquence, etc. Ce sont les éléments lexicaux qui doivent donner corps aux fonctions : sans vocabulaire, aucun énoncé ne serait possible. Elles sont donc liées à des formes grammaticales.

23 Le « fonctionnel » n'est pas à confondre avec le « français fonctionnel » (français scientifique et technique). Les fonctions sont l'objectif du discours, ce pourquoi on parle, le besoin d'expression du sujet, la raison de s'exprimer dans une situation donnée. Ex : apport d'information, ordre, conseil, etc. Ce sont des catégories de fonctions de communication. Elles indiquent ce que nous faisons avec le langage, comment nous agissons sur autrui à travers lui. Elles sont basées sur le concept des actes de paroles : savoir demander, promettre, refuser, etc.

l'élaboration, l'année suivante, d'Un «Niveau-Seuil », pour l'apprentissage du français dans une perspective communicative.

Le Niveau-Seuil du Conseil de l'Europe – nous n’entrerons pas dans le détail de l’ouvrage – dresse un inventaire des compétences linguistiques à atteindre pour pouvoir être rapidement fonctionnel dans un pays étranger. Pour la première fois, la langue est découpée, non plus en structures grammaticales, mais en liste de notions et de fonctions définies selon des besoins24 prenant en compte des publics, et selon des objectifs de communication. Il n’y a plus de progression linguistique. Ce qui est premier, ce n’est pas la structure, c’est la fonction ; ce n’est plus la forme linguistique, c’est l’acte de parole.

Dans un article intitulé « Un Niveau-Seuil » paru dans la revue « Le français dans le monde », D. Coste (1977 : 17) souligne à cet effet que ce projet a pour but de forger :

« Un outil de travail […] à la disposition des responsables de programmes d'enseignement des langues, des auteurs de cours et des enseignants de français ».

Dans un ouvrage très récent, R. Tarin (2006 : 169) formule clairement les objectifs d’« Un Niveau Seuil ». Il s’agit :

« - de construire des programmes de formation ; - d’évaluer les méthodes existantes ;

- de concevoir des ensembles pédagogiques adaptés à des publics particuliers, en vue de répondre à des besoins précis, et d’atteindre des objectifs définis ».

Les fonctions se résument en une liste de savoir-faire langagiers permettant d'être opérationnels dans des situations de communication à l'étranger, par exemple « se présenter », « demander son chemin », etc. A un niveau plus abstrait, ces fonctions s'inscrivent dans un certain nombre de notions telles que « le temps », « l'espace », « les sentiments ». C'est ainsi qu'est née « l'approche notionnelle-fonctionnelle » appelée également « approche communicative », qui, jusqu'à l'heure présente, inspire et irrigue très largement les méthodes d'apprentissage des langues.

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« L'analyse des besoins consiste à recueillir des données dans différents domaines concernant l'apprenant par l'intermédiaire d'outils tels que le questionnaire, l'enquête, l'entretien qui sont utilisés surtout en sciences sociales. L'analyse des besoins essaie de déterminer de façon assez précise qui est l'apprenant en termes d'identité, de niveau d'études, de personnalité, etc., la façon dont il envisage d'apprendre une langue, quels sont ses objectifs, dans quels domaines et comment il utilisera la langue étrangère, quelles aptitudes il souhaite développer (compréhensions orale et écrite, expressions orale et écrite) ». E. Berart (1991 : 33).

Utilisée à l’origine en ethnographie de la communication (expression dont nous préciserons plus loin le concept qu’elle véhicule), la notion de compétence de communication a vite connu un succès auprès des didacticiens des langues, en particulier des adeptes de l’approche communicative.

Le Niveau Seuil (Conseil de l’Europe (1976)) a introduit la notion de compétence de communication en français langue étrangère. Vingt ans plus tard, le

Cadre européen commun de référence (Conseil de l’Europe (2001)) a relayé cette

notion par celle de compétence langagière. Dans l’un et l’autre cas, à quelques nuances près, l’enseignement/apprentissage des langues vise à l’acquisition non pas seulement d’une compétence linguistique mais d’une compétence à communiquer en langue étrangère.

Aujourd'hui, les méthodologies pédagogiques dominantes sont les méthodologies communicatives mises en œuvre dans tout apprentissage d'une langue, c'est à dire celles qui visent à développer chez l'apprenant une véritable compétence à communiquer, à pratiquer effectivement une langue apprise et à l'utiliser.

L'enseignement/apprentissage s'inscrit à l'heure actuelle dans la mouvance de l'approche communicative, dont les maîtres mots sont autonomisation,

individualisation des rythmes et responsabilisation. Tout comme dans les méthodes actives, l'apprenant est placé au cœur de son apprentissage et bien plus, il en est devenu l'acteur principal. Aucune méthode antérieure à l’approche communicative ne s’est donné les moyens de conduire l’élève à l’autonomie,

- ni la méthode traditionnelle qui concentre tous ses efforts sur la grammaire et la traduction et ignore l’échange (si ce n’est dans la situation de classe) ; - ni la méthode directe, bien que sa démarche plus naturelle recèle

implicitement l’idée de stratégie ;

- ni les méthodes SGAV, bien qu’on doive porter à leur crédit l’introduction du dialogue.

Dès son apparition, c'est-à-dire à partir des années soixante dix, l'approche communicative a dominé sans partage le territoire de l'enseignement du FLE en balayant les méthodologies audio-orale et audio-visuelle – quand bien même celles-ci auraient permis à certains publics d'apprendre efficacement une langue étrangère – et en posant les problèmes didactiques d'une manière radicalement nouvelle.

Jusqu’à l’arrivée de l’approche communicative, les besoins langagiers étaient inconnus dans l’enseignement scolaire. L'enseignant fixait les contenus d’apprentissage à partir d’objectifs généraux. Dans cette méthodologie

d’enseignement et d’apprentissage, il s’agit de se centrer sur l’élève pour cela, il reste logique et indispensable de s’appuyer sur une analyse des besoins de cet apprenant de manière à lui proposer un cheminement adéquat d’apprentissage qui lui sera utile. Cette analyse permet à l’enseignant d’une part, de connaître davantage le public scolaire visé pour prendre en charge les disparités de niveaux au sein de la classe afin d'y intégrer la pédagogie différenciée et, d’autre part, de définir les objectifs.

Nous remarquerons qu'à partir de l'avènement de la méthode notionnelle-fonctionnelle, le terme même de « méthode » est plus ou moins délaissé au profit du mot « approche ». Ceci peut s'expliquer dans la mesure où il est difficile de cerner le phénomène complexe de la communication. Le terme d'approche communicative est une traduction fidèle de l'anglais communicative approach, néologisme que le dictionnaire pratique de didactique du FLE (2002 : 28) définit comme :

« La façon d'envisager l'enseignement des langues à partir de la fonction essentielle du langage qui est celle de communication ».

Dernières arrivées sur le marché de l'enseignement, ces nouvelles méthodes intègrent nombre de paramètres appartenant aux méthodes qui les ont précédées, notamment le refus de la traduction, le retour aux exercices structuraux, les notions de situation et de dialogue. Ces différents emprunts font d'elles des méthodes éclectiques. Il est patent que depuis ces dernières années, le terme « éclectisme »25 est un terme récurrent dans les discours sur les méthodologies et méthodes.

Ainsi la pédagogie par objectifs fait partie des paramètres intégrés dans l’approche par compétences, méthode qui va succéder à l’approche communicative. C’est pourquoi nous nous attarderons sur les principes de cette démarche.

De même, nous pouvons constater que, même si la notion de compétence n'est pas nouvelle – nous y reviendrons dans la partie consacrée à l'approche par les compétences – elle est remise à l'ordre du jour à partir du moment où les objectifs de l'enseignement/apprentissage d'une langue étrangère sont énoncés en termes de compétence de communication et de compétence linguistique.

25 Ecole et méthode philosophique de Potamon d'Alexandrie, recommandant d'emprunter aux divers systèmes les thèses les meilleures quand elles sont conciliables, plutôt que d'édifier un système nouveau. Le Petit Robert (2006). Article : « Eclectisme ».

1.1. Compétence linguistique vs compétence de

communication

La notion de compétence est une notion amorcée par D. Hymes et qui a connu et connaît encore un large succès dans la didactique des années 80 jusqu'à nos jours.

Bien que distinctes, ces deux notions, compétence linguistique et compétence communicative, sont aujourd'hui indissociables dans toute méthode d'enseignement/apprentissage d'une langue étrangère, selon les didacticiens du FLE. Elles sont regroupées et explicitées par Robert J-P. (2002 : 30) comme étant le fait de « doter l'apprenant d'une compétence llaannggaaggiièèrree »,

Selon D. Hymes, cité par Gschwind-Holtzer (1981 : 16), la distinction entre la compétence linguistique et la compétence de communication est définie clairement par ces propos :

« Alors que la compétence linguistique est comprise comme un système de règles grammaticales permettant au sujet d'émettre et de comprendre un nombre infini de phrases, la compétence de communication est conçue comme un savoir constitué de règles grammaticales et de règles sociolinguistiques. Ces règles intériorisées et inconscientes, sont acquises par l'éducation et l'expérience sociale du locuteur qui, à partir de l'observation de l'interdépendance des facteurs sociaux/énoncés linguistiques, développe une théorie générale de la langue appropriée aux situations communicatives pertinentes de sa communauté ».

Autrement dit, émettre et comprendre un discours en langue étrangère c'est être capable de produire et d'interpréter des énoncés adéquats à une situation donnée conformément au contexte social dans lequel est utilisée cette langue. Selon D. Hymes (1982), la notion de « compétence de communication » trouve surtout son origine dans la convergence de deux courants distincts : la grammaire générative transformationnelle et l’ethnographie de la communication ; le point commun étant une prise en considération des capacités des utilisateurs d’une langue.

Avant d’avancer dans les investigations concernant la notion de compétence de communication, essayons de voir ce que l’on entend par « grammaire générative transformationnelle ».

1.1.1. La grammaire générative transformationnelle de N. Chomsky

N. Chomsky (1965 : 14-15) répond à cette question en définissant la grammaire générative transformationnelle comme suit :

« La grammaire d’une langue se propose d’être une description de la compétence intrinsèque du locuteur-auditeur idéal. Si la grammaire est, de plus, parfaitement explicite – en d’autres termes, si elle ne fait pas simplement confiance à la compréhension du lecteur intelligent, mais fournit une analyse de l’activité qu’il déploie – nous pouvons, non sans redondance, l’appeler grammaire générative ».

On s’aperçoit donc que la grammaire générative peut être considérée comme un système de règles qui assigne une description structurale à des phrases d’une façon explicite et bien définie.

Pour être plus clair, Chomsky (1965 : 19) explique plus loin que :

« Tout sujet parlant une langue a maîtrisé et intériorisé une grammaire générative où se formule sa connaissance de la langue ».

1.1.2. L’ethnographie de la communication de D. Hymes

Pour en revenir à la notion d’ « ethnographie de la communication », D. Hymes, en 1963, partant de l’approche chomskyenne et se basant sur l’idée selon laquelle la grammaire est insuffisante pour pouvoir traiter à elle seule et englober tous les dispositifs et les relations utilisés par les gens dans leur lien avec le langage, forge le terme « ethnographie de la parole » pour désigner : « le courant qui prend pour objet l’organisation même de la parole, c’est-à-dire les significations et capacités qui y sont rattachées au sein de différentes communautés ».

La notion de « compétence de communication », notion originelle, elle aussi de l’ethnographie de la communication, oblige le chercheur à prendre en compte tout ce que doit savoir et savoir faire un locuteur, pour être accepté dans les différentes situations de communication de sa communauté comme « membre » à part entière.

2. La compétence de communication et ses