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Malgré son incontestable élégance, la preuve de Debreu et Scarf a pour inconvénient de mettre en scène des agents identiques. La formalisation proposée par Aumann a justement pour point de départ le refus de considérer des individus semblables :

« This seems far from economic reality, where, in general, different traders cannot be expected to have the same initial bundles or the same preferences. The continuous model allows all traders to have different initial bundles and different preferences. » (p. 48)

L’objectif de « Markets with a Continuum of Traders » est donc d’obtenir le même résultat que précédemment mais en y ajoutant un surcroît de réalisme. Notons, enfin, que toute son analyse se limite au cadre d’une économie d’échange.

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Le statut des agents

L’originalité de l’article d’Aumann est liée à sa façon de théoriser les échanges et spécifiquement à l’usage d’un continuum d’agents.

L’axiomatisation des échangistes

Formellement, l’ensemble des échangistes prend place dans l’intervalle fermé unitaire

[ ]

0;1 que l’on désigne par la lettre M.

Dans cette optique, les dotations des individus sont des fonctions Q de M dansΩun sous ensemble deℝ . Ces dernières sont intégrables au sens de Lebesgue sur M. Autrement dit, l

une distribution des richesses est notée

MQ(m) dm

où m représente un individu.

Coalitions mesurables au sens de Lebesgue

Conformément à l’approche initiale d’Edgeworth, les échangistes se regroupent au sein de coalitions. On dit alors que celles- ci sont mesurables au sens de Lebesgue, sur un sous- ensemble de M, si elles peuvent être nulles. Une coalition nulle se caractérise par le fait que les dotations des consommateurs sont égales à zéro et qu’ils sont alors en situation de trépasser. La preuve effectuée par Aumann s’appuie de façon décisive sur le concept de coalition mesurable au sens de Lebesgue. Pourtant, en dehors du fait qu’il reconnaisse que cette notion s’oppose à l’hypothèse de survie du consommateur, il ne lui donne aucun sens précis dans son article :

« The other aspect we have not discussed is the economic significance of the Lebesgue measure of a coalition. This, too, we plan to discuss in a subsequent paper. »

En fait, ce concept donne un sens plus précis à la notion de coalition effective.

Coalition réalisable et allocations dominées

Une coalitionS est dite réalisable ou effective si elle vérifie l’équation suivante : (3.1)

SQ(m) dm= SQ(m) dm

Cette condition garantie que l’on se situe exclusivement dans une économie d’échange et que par conséquent les ressources se réduisent au stock de biens disponibles à l’instant initial. De plus on observe, comme cela est pratiquement toujours le cas, que le modèle ne prend pas en compte la possibilité de détérioration de biens.

Pour terminer, on dit qu’une allocation Q' domine une allocation Q si tous les membres d’une coalition réalisableS préfèrent strictement le panier de biens Q' au panier Q. La condition pour qu’une allocation soit dominée est ici plus forte que celle mobilisée par Debreu et Scarf. Ces derniers n’ayant besoin d’une préférence stricte que pour « au moins un agent ». Cette différence tenant au fait qu’Aumann considère un nombre plus important d’individus distincts. Logiquement les possibilités de recontrats se décuplent et il devient nécessaire de concevoir de manière plus restrictive la notion de cœur. C’est ce que nous allons observer maintenant.

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Cœur et équilibre

Pour la cause ci- dessus, Aumann est amené à présenter la définition suivante :

Définition

On appelle « cœur » l’ensemble des allocations qui ne peuvent être dominées par aucune coalition (non nulle).

C’est donc sur cette base, qu’il entame sa démonstration. Celle- ci est décomposable en deux morceaux.

La structure de la démonstration : première partie

A l’instar de Debreu et Scarf, Aumann commence par observer que les équilibres de concurrence parfaite se situent dans le cœur. Toutefois, pour faire émerger ce résultat il n’invoque pas le travail de Shapley mais propose une démonstration qui reprend le concept de mesurabilité au sens de Lebesgue. La preuve se réalise alors par l’absurde.

En effet, considérons un équilibre de concurrence parfaite que l’on note(P , Q ) . Si e e

dans cet état de l’économie, l’allocation d’équilibreQ pouvait être dominée par une e allocation Q′on obtiendrait, quelque soit m appartenant à une coalition S:

e e

P Q (m)⋅ ′ > ⋅P Q(m) puisque par définition d’une économie d’échangeP Qee= ⋅P Q(m)e . Il s’ensuivrait alors l’inégalité suivante :

e S S e S e e S

P ⋅

Q (m) dm′ =

P Q (m) dm⋅ ′ >

P Q(m) dm⋅ = ⋅P

Q(m) dm.

Cela contredirait le fait que la coalition S est effective c’est-à-dire que

SQ (m) dm′ = SQ(m) dm⋅

.

Par conséquent, aucune autre distribution des ressources ne peut dominer l’allocation Qe. Il en résulte que cette dernière est une allocation du cœur.

On a prouvé que toute allocation d’équilibre de concurrence parfaite se trouve dans le cœur. Inversement, il est possible de démontrer que toute allocation du cœur correspond à un équilibre général concurrentiel.

La structure de la démonstration : deuxième partie

Considérons une allocation Q faisant partie du cœur. On peut donc établir :

- que Q est préféré par la totalité des agents à n’importe quelle autre allocation ne faisant pas

partie du cœur. En d’autres termes, on a : F(m)=

{

Q : Q≻m Q(m)

}

- qu’il existe une fonction G (m) tel que G(m)=F(m) Q(m)− =

{

Q Q(m) Q− ∈F(m)

}

A partir de ces deux axiomes, Aumann déduit le lemme suivant qui lui sert à établir la première propriété de sa démonstration.

LEMME

Pour la totalité des coalitions U d’agents, 0 n’est pas un point intérieur à ∆(U).

Où ∆(U) représente la coque convexe de l’union∪m U G(m). Enfin, pour être complet rappelons que 0 est un point intérieur à ∆(U) si ∆(U) est dans le voisinage immédiat de 0.

Etant donné le lemme ci- dessus, il existe un hyperplan P⋅ Q = 0 qui supporte ∆(U). Il en découle que P⋅ Q ≥ 0 Q∀ ∈G(m), ou ce qui est équivalent :

(3.2) P Q⋅ ≥ ⋅P Q(m) ∀ ∈Q F(m)

Le respect de la contrainte budgétaire

Si Q est une allocation d’équilibre de concurrence parfaite, alors elle respecte tout d’abord la contrainte budgétaire de chaque agent m. En d’autres termes :

(3.3) P Q(m)⋅ ≤ ⋅P Q(m)

D’après l’hypothèse de « désirabilité », on a, pour toute allocationQ(m)≻mQ(m), P Q (m) ⋅ ≥ P Q(m) ⋅ . L’inégalité au sens strict est impossible dans la mesure où cela impliquerait que l’on est

MP Q⋅ > MP Q⋅

. Ce qui serait en contradiction avec le fait que Q est dans le cœur. On en déduit donc que (3.3) est vérifiée lorsque la contrainte budgétaire est saturée.

La satisfaction maximum

L’étape finale est de prouver que Q rend maximum la satisfaction de chaque agent étant ses impératifs budgétaires. Ceci revenant à spécifier que (3.2) peut se mettre sous la forme d’une inégalité au sens strict :

(3.4) P Q⋅ > ⋅P Q(m)

Pour effectuer cette preuve, Aumann impose une restriction supplémentaire selon laquelle le vecteur prix doit être strictement positif pour tous ses éléments. Il commence par observer que pour δ > 0 suffisamment petit, on a toujours :

[

]

P Q(m)⋅ ≤P Q ( , 0,..., 0)− δ

AvecP Q ( , 0,..., 0)

[

− δ

]

∈F(m) d’après l’hypothèse de continuité.

A l’évidence, Q ( , 0,..., 0)− δ ≺Q. D’après l’axiome des préférences révélées, il vient :

[

]

P Q(m)⋅ ≤P Q ( , 0,..., 0)− δ < ⋅P Q

SECTION IV

La question du processus et du rayonnement des modèles de