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II 1 Substituabilité brute et domination diagonale

L’unicité de l’équilibre

V. II 1 Substituabilité brute et domination diagonale

On commence ici par l’étude de la substituabilité brute qui trouve son origine dans le travail de Wald (1936) avant d’être généralisée dans les années cinquante.

Présentation

substituts bruts en P si l’on a :

j

i p

(e )′ (P)>0 avec i≠ j

Ceci signifie qu’une légère variation du prix du bien j entraîne une variation dans le même sens de la demande nette du bien i. Plus globalement, on dit qu’il y a substituabilité brute en P pour tous les biens de l’économie, pris deux à deux, si ces derniers sont tous des substituts bruts en P.

Cette hypothèse a plusieurs implications qui proviennent du fait qu’en présence d’une substituabilité brute et de fonctions de demande nettes homogènes de degré zéro, on a d’après

la formule d’Euler : j n j i p j 1 p (e ) (P) 0 = ′ =

. Il en découle que s’il y a substituabilité brute en P≠0 :

- Tous les éléments du vecteur- prix doivent être strictement positifs. Ce qui exclut la présence de marchandises gratuites correspondant à un équilibre de la forme E(P)≤0. - Alors

i

i p

(e ) (P)′ <0∀i.

Maintenant que l’on a énoncé ces deux propriétés, on est en mesure de démontrer la principale caractéristique de l’hypothèse de substituabilité brute. A savoir qu’elle assure l’unicité de l’équilibre.

Equilibre et unicité : les conséquences de l’hypothèse de substituabilité brute

Pour commencer, considérons deux biens k et i. Ce premier ayant pour particularité de subir la hausse de prix le plus faible de l’économie lorsque l’on passe d’un vecteur- prix P' à P. En d’autres termes, on a : (5.3) k i k i p p p′ ≤p′ avec i = 1,…, n Si l’on pose k k p t p′ = , on obtient : (5.4) pi ≥ ⋅t p′i avec i=1,..., n

Dans un second temps, considérons un vecteurP1=(p , tp ,..., p ,..., tp )12 kn . Celui- ci ne se distingue de tP′=(tp , tp ,..., p ,..., tp )12k n′ que par son premier élément. Etant donné (5.4) et la propriété de substituabilité brute

1

k p

(e )′ >0 qui assure que la fonction ek est croissante par

rapport à son premier argument, on peut écrire : (5.5) e (P )k 1 ≥e (tP )k

Suivant la même logique, on établit un vecteur- prixP2 =(p , p , tp ,..., p ,..., tp )1 2 3kn . Ce dernier ne se différencie deP que par son second élément. Pour des motifs similaires que ceux 1 exposés précédemment, on a :

(5.6) e (P )k 2 ≥e (P )k 1

En conservant le même procédé, il est possible de créer une chaîne de prix reliant le vecteur tP' à P tel que :

(5.7) e (P)k ≥e (Pk n 1 )≥ ≥... e (P )k 2 ≥e (P )k 1 ≥e (tP )k

En raison de l’homogénéité de degré zéro des demandes nettes, les vecteurse (tP )k ′ ete (P )k ′ sont équivalents. De plus si l’un des éléments des vecteurs P et P' ne sont pas proportionnels, nous obtenons une inégalité stricte de sorte que :

(5.8) e (P)k >e (P )k

L’unicité de l’équilibre dérive immédiatement de cette démonstration. En effet, l’équilibre général assurant simultanément l’annulation de la demande nette pour tous les marchés, on doit avoir si P' est le vecteur d’équilibre :e (P )k ′ =0. Tout autre vecteur- prix que P', non défini à une homothétie près, ne peut être un équilibre étant donné (5.7).

Pour terminer, remarquons également que l’hypothèse de substituabilité brute assure la stabilité globale de l’équilibre général. C’est là un point remarquable mais sur lequel nous n’insisterons pas puisqu’il sort largement de notre cadre d’analyse (voir Arrow, Block et Hurwicz (1958)).

Les fondements de la substituabilité brute

L’idée sous- jacente à l’hypothèse de substituabilité brute est que « l’effet prix » prédomine sur « l’effet revenu ». Par conséquent quand les agents voient le prix d’un bien augmenter, ils lui substituent d’autres biens. On ne tient pas compte du fait que la hausse du prix d’un bien est synonyme pour les détenteurs de celui- ci d’une élévation de leurs revenus1. Pour justifier cela, les auteurs néo- classiques, mettent en avant le rôle joué par les conjectures des agents. Ces derniers seraient plus sensibles à une hausse du prix plutôt qu’à une augmentation de leurs revenus. La question qui intervient est de savoir pourquoi les agents ont de telles conjectures qui apparaissent contraire à la « rationalité » ?

En fait, il n’y a pas vraiment de réponse à cette interrogation. L’hypothèse de substituabilité brute ne repose sur aucun fondement institutionnel et s’avère largement dépourvue de justification théorique. C’est pourquoi, plutôt que de recourir directement à cette hypothèse, de nombreux théoriciens préfèrent utiliser celle de « domination diagonale ».

La domination diagonale

On estime qu’il y a « domination diagonale » lorsque la demande nette d’un bien quelconque est plus sensible à la variation de son propre prix plutôt qu’à la somme des effets provenant des variations du prix de tous les autres biens. Il s’ensuit que la domination diagonale en P implique : (a) i i p (e ) (P)′ <0 avec i = 1,…, n (b) i j n 1 i p i p i 1 (e ) (P) − (e ) (P) = ′ >

′ avec j ≠ i et j < n

Substituabilité brute et domination diagonale

En fait, la domination diagonale est une conséquence de la substituabilité brute. Comme le note Hahn (1982) :

« il n’y a pas d’exemple dans la littérature sur les fonctions d’utilité et de production qui entraîne la domination diagonale, en dehors, bien entendu du cas où il y a substituabilité brute ».

1 On le voit nettement dans le fait que la substituabilité brute implique une élasticité directe de la demande nette inférieure à -1.

En effet, il est toujours possible d’écrire la formule d’Euler, pour des biens k et h, sous la forme : (5.9) k h k k p h k p h k p (e ) (P) p (e ) (P) ≠ ′ = −

D’après l’hypothèse de substituabilité brute

h

k p

(e )′ (P)>0. Comme ph >0quel que soit h, il en découle que le membre de droite de l’équation est négatif. Pour que l’égalité soit vérifiée, on doit absolument avoir

k

k p

(e )′ (P)<0(propriété (a)).

De plus, en prenant (5.9) sous forme de valeur absolue et en supposant que pi est la

plus grande composante de P (0 < pk < pi) :

(5.10) i h n i i p h i p i 1 p (e ) (P) p (e ) (P) = ′ =

′ avec h ≠ i En posant j = h (5.11) i j n i i p j i p i 1 p (e ) (P) p (e ) (P) = ′ =

′ avec j ≠ i

Si on enlève le n- ième terme intervenant dans la somme de droite de (5.11) et en observant que les dérivées partielles des demandes nettes par rapport au prix sont positifs (hypothèse de substituabilité brute), on aboutit à la propriété (b) (les prix étant strictement positifs).

Les démonstrations des propriétés (a) et (b) ont nécessité de faire appel à l’hypothèse de substituabilité brute. On en déduit que la domination diagonale a les mêmes propriétés que la substituabilité brute. Autrement dit, s’il y a domination diagonale en P, l’équilibre général est unique.

Conclusion

Les hypothèses de substituabilité brute et de domination diagonale ont le même inconvénient : elles portent sur les fonctions de demandes nettes. On verra au chapitre suivant toute la difficulté pour définir ces fonctions en présence d’incertitude. Plus généralement, les fonctions de demandes nettes posent des problèmes dès que l’on désire spécifier leurs

propriétés. D’après les souvenirs de Werner Hildenbrand (1983), c’est aussi le constat que dressait Debreu :

« De fait, dans la Théorie de la valeur, les problèmes de l’unicité et de la stabilité ne font l’objet que d’une simple note de bas de page ; la statique comparative, quant à elle, n’est même pas mentionnée. De ma première conversation avec Debreu (à un moment où j’exprimai, très naïvement, le désir de travailler sur ces problèmes), je retiens qu’il était toujours convaincu que les fondements microéconomiques ne fournissent pas une structure suffisante pour les demandes nettes totales, qui puisse permettre un traitement satisfaisant de ces questions. Bien entendu, en rajoutant des hypothèses particulières, plus ou moins ad hoc, imposées directement sur les demandes nettes, certaines propriétés de statique comparative peuvent, par exemple, être obtenues. Mais quelle est alors la pertinence de tels résultats ? ». (p. XXXV)

L’absence de spécification exacte des fonctions de demandes nettes est l’illustration d’une difficulté récurrente en théorie économique. A savoir que seules quelques (rares) propriétés « qualitatives sont connues » avec certitude. Pour contourner cela, il est possible de mettre au point un autre critère de distribution des richesses.