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Interprétation et portée de la notion de point fixe

II. IV 3 La démonstration de Debreu (1959)

Arrow- Debreu s’appuient sur deux astuces : la solution modifiée de Nash et le market participant. Bien que cette démonstration soit fondamentale puisqu’elle a ouvert la voie à l’application du théorème de Kakutani, elle peut apparaître comme « tordue ». C’est pourquoi, Debreu chercha à la rendre plus élégante et plus puissante en évitant ces détours. Il y parvint en généralisant un lemme topologique dû à Gale et Nikaido.

La structure de la démonstration

Debreu commence par considérer l’ensemble des prixC∈ℝ pour lesquelles les l+

conditions de maximisation du profit et des fonctions d’utilités puissent être satisfaites. Cet ensemble des prix a pour propriété d’être un cône convexe de sommet 0 1. Il en découle que la correspondance de demande nette est homogène de degré 0 par rapport aux prix 2. Autrement dit, au minimum un consommateur est insatiable. D’autre part, on normalise les prix, soit P= {p∈Ωσ

= = l h h p 1

1} où Ω désigne l’orthant positif (ce qui induitC ⊂Ω). L’ensembleD se

trouve ainsi définie par D =C∩{p∈Ωσ

= = l h h p 1 1}.

1 Le sommet 0 du cône convexe est un point fixe. Il correspond à un cas ou tous les prix sont nuls. Naturellement, personne n’ayant intérêt à donner ses biens, on peut estimer qu’il s’agit d’un équilibre sans transaction. L’ensemble des équilibres sans transaction, comme le démontre Balasko (1988), est stable. A l’évidence de tels équilibres n’ont pas beaucoup d’intérêt pour l’économiste. D’ailleurs, on peut toujours exclure le sommet du cône de l’ensemble C, traduisant le fait qu’un consommateur au moins est insatiable.

2 Ce qui provient du fait que les fonctions d’offres et de demandes optimales sont tous deux homogènes de degré 0 par rapport aux prix.

Dans ce cadre, le problème de l’existence d’un équilibre revient à se demander s’il existe D

p∈ tel que e(p)∩(−Ω)≠∅ ? Naturellement, une telle solution implique obligatoirement que 0∈e(p). C’est d’ailleurs le sens du lemme Gale- Nikaido.

Le lemme de Gale (1955) – Nikaido (1956)

Le résultat suivant à été établi quasi simultanément et de manière indépendante par Gale dans son article de 1955 intitulé The Law of Supply and Demand, et par Nikaido dans sa contribution de 1956 nommée On the Classical Multilateral Exchange Problem. Il s’énonce ainsi :

Lemme. Soit E un sous ensemble compact deℝ . Sil eest une correspondance semi- continue supérieurement de P dans E de sorte que, pour tout pP, l’ensemble e(p)soit non vide, convexe et satisfasse à la loi de Walras, alors il existe un pP tel que

∅ ≠ Ω − ∩( ) ) (p e .

On voit que ce résultat fournit une réponse positive à l’interrogation précédente et suffit à prouver l’existence d’un équilibre. Néanmoins, l’usage qu’en fait Debreu est une généralisation qui lui permet de se ramener au théorème du point fixe de Kakutani. En effet, il substitue dans la démonstration l’ensemble D à l’ensemble P .

Or, l’ensemble D pour peu qu’il soit un espace non linéaire a pour propriété d’être homéomorphe à un ensemble Z convexe et compact (pour une démonstration voir Border (1985)). En d’autres termes, les espaces topologiques D et Z sont équivalents. Toutes les conditions du théorème de Kakutani sont remplies et par conséquent il existe au moins un point fixe.

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Conclusion

Le modèle d’équilibre général se décline donc en plusieurs versions. On peut alors se demander laquelle est la plus aboutie ? Ou encore laquelle est la plus propice à des développements ultérieurs ?

L’opinion de Weintraub

Weintraub (1980) apporte un premier élément de réponse dans une note de bas de page qu’il introduit ainsi :

« De nombreux auteurs parlent du modèle Arrow-Debreu. Mais comme la preuve d’existence sur laquelle se fonde les travaux actuels provient de McKenzie [1959], il semble convenable de donner à McKenzie une place équivalente. » (p. 27)

Pourtant, quelques lignes après, il précise concernant les différentes formulations du modèle d’équilibre général :

« Si on peut considérer un ouvrage unique comme canonique dans ce domaine, il s’agit de Theory of Value [1959] de Debreu. » (p. 27)

En résumé, si Weintraub semble donc considérer que la présentation de Debreu (1959) est la plus complète (dont il adopte les notations), il estime que la démonstration de McKenzie est sans aucun doute celle qui offre les extensions les plus prometteuses. Ce point de vue est partagé par de nombreux économistes dont Quirk et Saposnik.

Le point de vue de Quirk et Saposnik

Dans leur ouvrage de 1974, qui compare les différentes déclinaisons du modèle d’équilibre général, Quirk et Saposnik retiennent eux aussi la formalisation de Debreu :

« Dans cette section nous allons reformuler le problème de l’existence dans toute sa complexité et nous verrons comment on peut établir l’existence d’un équilibre concurrentiel en posant des conditions sur les ensembles de production et de consommation. Nous utiliserons essentiellement la formulation de Debreu. » (p. 85).

Toutefois, à l’instar de Weintraub, ils semblent implicitement considérer qu’une preuve d’existence fondée sur le théorème de Brouwer est davantage pertinente, en raison des meilleurs résultats d’unicité qu’il peut induire :

« Si les relations d’offre et de demande sont des correspondances, même s’il y a un seul vecteur prix normalisé, il peut exister plusieurs états de l’économie conduisant à un équilibre. » (p. 105)

L’argumentaire de McKenzie

de Brouwer, est directement mentionné par McKenzie (1959). Il tient à la simplicité de la démonstration d’existence qu’il permet d’effectuer :

« The argument uses the most elementary of the fixed point theorems, that of Brouwer, without introducing additional complications. » (p. 55).

Les principales simplifications, comparées au théorème de Kakutani, sont liées aux modifications des rendements et à la possibilité de travailler directement sur les relations de préférences sans passer par les fonctions d’utilités :

« In any case, this approach facilitates the handling of returns to the owners of firms, and simplifies the initial proofs1. The second feature is that I do not define a utility function, […], but proceed directly from the preference ordering. » (p. 55).

Conformément à la convention implicitement instaurée, nous utilisons dans cette thèse les notations de Debreu (1959). Cependant, l’usage du théorème de Brouwer s’avérant plus simple et vraisemblablement porteur de davantage de débouchés, nous le privilégierons.

1 La preuve initiale, dont fait état McKenzie, concerne une première démonstration d’existence fondée sur le théorème de Kakutani qu’il publia en 1954 dans un article intitulé « On Equilibrium in Graham’s Model of World Trade and Other Competitive Systems », paru dans le revue Econometrica (Vol. 22, No. 2, p. 147-161).

CHAPITRE III