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La Métaphysique d’Aristote et l’interprétation de Hegel : le fini et l’infini dans l’ontologie d’Aristote

L’interprétation d’Aristote par Hegel, en ce qui concerne le problème du fini et de l’infini présente une difficulté majeure : est-ce que la considération spéculative traduit simplement le contenu dans son propre système en supprimant la position particulière du fini aristotélicien ou, comme affirme Gérard Lebrun, dans le rapport du savoir hégélien à l’histoire de la philosophie « il n’y a pas de substitution de ce qu’on aurait dû dire à ce que fut dit effectivement » ?380 A cela s’ajoute une seconde difficulté : dans quelle mesure l’interprétation concernant la δύναμις et l’ἐνέργεια, le νοῦς, est liée au problème hégélien du fini et de l’infini? Si l’on présuppose une influence directe d’Aristote sur ledit problème, alors où peut-on trouver ces traces cachées d’aristotélisme ? Dans ce qui suit, nous allons étudier la réception hégélienne des concepts de la δύναμις, de l’ἐνέργεια et du νοῦς dans le cadre proposé dans les Leçons par Hegel lui-même qui étudie ces notions comme métaphysiques, naturelles et spirituelles. Dans cette optique, il sera possible de cerner la relation interne entre Hegel et Aristote : la substance absolue (métaphysique) ; le concept de la finalité externe et la finalité interne, la question du point temporel et de la limite

377 Leçons sur l’histoire de la philosophie, t. III, p. 540. 378 Leçons sur l’histoire de la philosophie, t. III, p. 612.

379 « Les catégories de la relation sont des synthèses de la qualité et de la quantité, et par là elles appartenaient à la

raison ; mais dans la mesure où elles sont posées comme relations, elles appartiennent à l’entendement et sont des formes de la finité », Leçons sur l’histoire de la philosophie, t. III, p. 598.

comme nombre, l’espace, le temps et le mécanique (philosophie de la nature) ; le concept d’âme comme processus de la pensée (philosophie de l’esprit). Comme la thèse de Hegel semble avant tout reposer sur la possibilité d’une lecture de la δύναμις comme l’en-soi et de l’ἐνέργεια et de l’έντελέχεία comme le pour-soi du concept réalisé, autrement dit comme la possibilité et l’effectivité du concept en général, nous allons commencer par expliquer la signification de ces termes.

§ 1 - La Métaphysique d’Aristote

L’exégèse hégélienne de l’ἐνέργεια comme le concept clé de la philosophie spéculative ou comme la plus haute détermination de l’idéalisme philosophique, suscite encore un débat qui est loin d’être clos. L’ἐνέργεια anime, aux yeux de Hegel, le fondement de la pensée du Stagirite tant au plan tant de l’être que de nature et de l’esprit.

Pourtant le premier point que nous devons retenir à ce sujet est le développement de l’esprit grec : pour Hegel si Aristote représente un seuil important dans celui-ci, c’est parce que chez Aristote le substantiel, grâce l’ἐνέργεια, est parvenu à une sorte d’Aufhebung du devenir héraclitien et de l’idée absolue platonicienne. Le poids de l’interrogation de la Métaphysique ou « la philosophie première », se porte ainsi d’une part sur la critique du pur changement qui annule toute possibilité de la substantialité. Il est vrai que Hegel reconnaît le devenir (Werden) comme une « détermination correcte » et essentielle aux choses dans la mesure où cela ne signifie pas simplement un changement (Veränderung), au sens du passage réciproque entre l’être et le non- être ou pur néant. Pourtant ce qui lui fait défaut c’est « la solidité, l’universalité », c’est-à-dire le mouvement qui retourne en soi-même au lieu d’un mouvement sans cesse s’éloignant de soi, toujours différent de soi au nom du devenir perpétuel du monde phénoménal. Certes, Aristote ne s’oppose pas à la vérité du changement visible dans les sensibles, mais on ne peut pas réduire seulement la recherche de la vérité au domaine de la sensibilité,381 car « ce qui cesse d’être conserve encore quelque chose de ce qui a cessé d’être, et, de ce qui devient, déjà quelque chose doit être » ; cela signifie que l’être et le non-être ne sont pas la même chose.382 Hegel disait que c’est à ce titre que le principe de contradiction oppose le principe de simple changement à

381 Sinon « poursuivre des oiseaux au vol, telle serait alors la recherche de vérité », Métaphysique, Γ, 1009b, 39, trad.,

J. Tricot, t. I, p. 142.

l’universel qui n’est rien d’autre que la substance, l’idée.383 Penser chez Aristote, c’est penser « ce

qui est » (was ist),384 la substantialité dynamique contenant en soi le changement puisque

l’ἐνέργεια c’est-à-dire l’activité interne, comme nous allons le voir n’est plus extérieure à l’universel contrairement à l’Etre immobile pythagoricien et à l’idée en repos platonicienne. C’est le deuxième aspect de l’Aufhebung : insérer le mouvement, l’activité de différenciation à l’intérieur de l’idée, de l’universel. La métaphysique est donc la science de « l’être en tant qu’être » (τὸ ὂν ᾗ ὂν ),385 la connaissance des causes et des principes premiers : ce qui importe c’est tout d’abord la connaissance de la substance (οὐσία), la catégorie ultime dont les autres catégories dépendent, celle qui est absolument première « à la fois logiquement (λὁγῳ), dans l’ordre de la connaissance (γνὡσει) et selon le temps (kρὡνᾠ) ».386 C’est là que Hegel trouve en suivant

Aristote « la détermination de ce qu’est cette essence (Wesen) ».387 Contre Platon, les Pythagoriciens et la théorie du nombre, la substance et l’idée aristotélicienne deviennent « le principe moteur (Bewegende) ».

Avant d’aborder l’étude de la substance, Hegel commence par ce qu’il appelle la « détermination principale » chez Aristote : l’Idée platonicienne, (le bien, la fin, l’universel) qui est marquée par le moment du « pas encore » (noch nicht) ; elle est cet universel qui est encore en- soi (c’est-à-dire n’est pas différencié) dans la mesure où en elle, « l’activité de réalisation » (Tätigkeit der Verwirklichung) n’est pas posée. Ce qui lui manque notamment c’est « le principe de la vitalité » (Prinzip der Lebendigkeit) qui sort l’idée de son inertie en la rendant active (tätig). L’idée de la vie implique ainsi non seulement l’activité différenciante mais aussi le mouvement de l’autodétermination : « l’activité est aussi changement, mais changement en tant qu’il demeure identique à soi, — elle est changement, mais posé à l’intérieur de l’universel en tant que changement égal à soi-même : elle est un déterminer qui est un autodéterminer (Sichselbstbestimmen). Dans le simple changement, au contraire, la conservation (das Erhalten) de soi dans le changement n’est pas encore contenue. L’universel est actif, il se détermine ; et le but (der Zweck) est l’autodéterminer qui se réalise. C’est là la détermination principale, qui est

383 Leçons sur l’histoire de la philosophie, t. III, p. 518. 384 Leçons sur l’histoire de la philosophie, t. III, p. 518. 385 Métaphysique, IV, 1, 1003a 20.

386 Métaphysique, VII, 1, 1028a 32.

décisive chez Aristote».388 Plusieurs points peuvent soulever des questions, pourtant Hegel dit plus

loin que l’absence du « principe de la vitalité » dans « l’élément objectif » de Platon se rattache immédiatement à l’absence du « principe de la subjectivité » : « c’est ce principe de la vitalité, de la subjectivité, non pas au sens d’une subjectivité contingente, seulement particulière, mais de la pure subjectivité, qui est spécifique à Aristote ».389 Qu’est-à-dire ? La subjectivité, au niveau du sens spéculatif, n’est-elle pas « le point d’inflexion et le point central de la différence entre l’Antiquité et l’époque moderne » ?390 Si ce n’est pas la liberté subjective infinie du sujet qui tire « le rationnel » par soi-même et par là le fait entrer « dans la réalité effective »391 dont Hegel parle ici, comment comprendre cette « pure subjectivité », propre à Aristote, avant même le surgissement du christianisme ? Pourquoi a-t-il opposé deux significations de la subjectivité ? C’est là que le concept de l’ἐνέργεια nous vient en aide.

§ 2 - Considérations préliminaires sur δύναμις, ἐνέργεια, έντελέχεία

Avant d’aborder l’étude détaillée de la substance et de sa signification pour Hegel, il nous faut éclaircir le concept fondamental de l’ἐνέργεια car c’est par son fonction centrale que la δύναμις et l’έντελέχεία sont traités. Il est frappant de prime abord de voir dans les Leçons que l’ἐνέργεια est comprise en plusieurs sens : lorsque Hegel cite et commente la Métaphysique il le traduit, tout en restant fidèle au contexte particulier, parfois par « Tätigkeit (activité) », parfois par « Wirksamkeit (efficacité) », par « Wirklichkeit (effectivité) », par « Form », par « Energie » et finalement par « Subjektivität ». Le choix n’est pas tout à fait arbitraire : l’ἐνέργεια est l’activité de la forme (εἶδος) en tant que substance (οὐσία) dans la mesure où il contient en soi-même une réalisation efficiente et progressive vers l’accomplissement ontologique (et logique en tant que processus du concept) de la substance. « L’ἐνέργεια » disait Hegel « est la pure efficacité par soi- même » (reine Wirksamkeit aus sich selbst), comme tel elle est « la forme, qui est activité, l’élément actualisateur, la négativité qui se rapportte à elle-même » (die Energie, die Form ist die Tätigkeit, das Verwirklichende, die sich auf sich beziehende Negativität) ou encore

388 Leçons sur l’histoire de la philosophie, t. III, p. 518. Hegel semble opérer un certain rapprochement avec l’idée

d’Aristote de sorte que l’affirmation de la Phénoménologie qui déclare que « ce n’est pas d’appréhender et exprimer le vrai comme substance, mais de l’appréhender et exprimer tout autant comme sujet » n’est pas très loin. Nous allons revenir plus loin sur cette thèse qui mène Hegel, sous l’influence de la lecture d’Aristote dans la période d’Iéna, à adopter une nouvelle conception de l’absolu contre celle de Schelling.

389 Leçons sur l’histoire de la philosophie, t. III, 517.

390 Principes de la philosophie du droit, §124, Remarque, p. 221. 391 Leçons sur l’histoire de la philosophie, t. III, p. 295.

« l’energie est la subjectivité ».392 Il n’est pas difficile de constater l’application de la terminologie

hégélienne qui est étrangère à Aristote. Hegel semble de même être en contradiction avec sa propre terminologie lorsqu’il traduit l’ἐνέργεια à la fois par Wirklichkeit et par Wirksamkeit. Gérard Lebrun note avec justesse que ces termes ne sont pas identiques simplement parce que « tout accomplissement ne signifie pas parcours graduel d’un chemin ».393 Naît alors la question de savoir quel rapport il peut y avoir entre l’ἐνέργεια en tant qu’un mouvement de réalisation et l’ἐνέργεια en tant qu’une actualisation effective.

Aristote distingue explicitement dans le livre θ, l’ἐνέργεια du mouvement en disant que « tout mouvement est imparfait » (πᾶσα γὰρ κίνησις ἀτελής),394 c’est-à-dire le mouvement, κίνησις, est imparfait dans la mesure où il est dépourvu du but (τέλος), ou mieux, dans la mesure où il reste inachevé en actualisant le but. Ou encore, dans De l’âme écrit-il « le mouvement (…) représente l’activité de ce qui est inacheveé, mais l’activité tout simplement s’en distingue, étant le fait de ce qui se trouve achévé» (ἐνέργεια ἑτέρα ἡ τοῦ τετελεσμένου).395 Autrement dit, le mouvement est une ἐνέργεια inachevé tandis que l’ἐνέργεια est le κίνησις achevé.396 De là vient la séparation fondamentale entre la Métaphysique et la Physique : même si tous les deux se rangent sous la bannière de science théorique (ἐπιστήμη θεωρητική) chez Aristote, la priorité ontologique de la Métaphysique consiste en ce qu’elle traite de la substance ou l’essence immobile (οὐσία ἀκίνητος)397 de sorte que son objet, c’est-à-dire les principes et les causes des êtres en tant qu’êtres,

est exempte de toute sorte de mobilité. La science de cette substance, éternelle et immobile, est à la fois universelle, puisque, contrairement à la Physique et aux Mathématiques, elle ne s’occupe pas de tel ou tel genre déterminé qui est susceptible de mouvement, mais de ce qui est « séparé », c’est-à-dire l’autonome (χωριστών),398 et de « ce qui n’est pas prédicat d’un sujet (τὸ μὴ καθ᾽ ὑποκειμένου), mais que c’est d’elle que tout le reste est prédicat ».399 Si la métaphysique ne

s’occupe pas d’une matière particulière en général c’est parce que la définition (ὁρισμός) de la matière (ὕλη) est par sa nature relative (πρὸς τι) : elle peut être active ou passive, le mobile ou le

392 Leçons sur l’histoire de la philosophie, t. III, p. 519. 393 La patience du concept, p. 358.

394 Métaphysique, Θ, 7, 1048b 29, trad. J. Tricot, p. 55.

395 De l’âme, III, 6-7, 431a 6, trad. trad. Richard Bodéüs, Paris, GF Flammarion, 1993, p. 234. 396 David Ross, Aristotle, London, Routledge, 6ème éd. 2004, p. 84.

397 Métaphysique, E, 1, 1026a 29. 398 Physique, I, 2, 185 a, 32.

moteur ;400 elle est ainsi assujettie au mouvement et au changement (μεταβολὴ) tandis que la

substance immobile ou l’essence - dans la mesure où elle n’est pas composée de matière-, ne sont pas relatives et par là non assujetties au mouvement et au changement ; elle est plutôt définie par la forme (εἶδος) qui est «la quiddité (τὸ τί ἦν εἶναι) de chaque être, sa substance première ».401 Cette substance première ou universelle (τὸ καθόλου), qui n’est que « la forme immanente »,402 est ainsi une détermination plus élevée que celle de substance composée ou particulière (τὸ καθ ̓ἕκαστον), par exemple Callias qui est composé de matière et de forme. Ainsi pour Aristote, le mouvement n’existe que pour la substance sensible, mais ce sera, comme nous allons voir plus précisément le mouvement en tant qu’actualisation selon le but, de ce qui est en puissance (la matière) vers ce qui est en acte (la forme). En ce qui concerne la science de la Physique, elle traite aussi, comme la Métaphysique, des choses qui ont l’existence séparable sauf que son objet est principalement les corps naturels (c’est-à-dire les choses qui existent par nature comme les animaux, les plantes etc.) et les choses artificielles (c’est-à-dire les choses qui existent par nature comme la scie etc.) dont le principe est le mouvement et le changement qui s’effectuent entre les contraires en vue de la fin : « chacune de ces choses est en vue de (τὸ ἕνεκα ) quelque chose, mais dans une matière ; (…) quant à la manière d’être (ἔχει) et à l’essence (τί ἐστι) de ce qui est séparé, le déterminer est l’œuvre de la philosophie première ».403 La Physique, à la différence de la

Métaphysique, est la science des principes et des causes du mouvement, de changement et de leurs espèces. L’ambigüité du processus naturel comme la génération, la destruction et le changement des choses selon la qualité et la quantité ne sont plus expliqués par un changement entre l’être et le non-être, comme c’était le cas chez Platon, mais dans le cadre de l’activité de ce qui est en puissance.404

Revenons à la question : si l’ἐνέργεια ne signifie ni le mouvement ni le changement, comment le comprendre ? En effet quand Hegel le traduit par Wirklichkeit, il en reconnait la relation essentielle entre la possibilité et la nécessité. Car l’activité implique toujours une actualisation d’une possibilité comme effective et nécessaire. Pour Hegel, l’activité n’est pas ce passage d’une détermination unilatérale à une autre ou cette négation simple qui néantise. De plus

400 Physique, III, 1, 2008 b.

401 Métaphysique, Z, 7, 1032 b 1.

402 « (…) ἡ γὰρ οὐσία ἐστὶ τὸ εἶδος τὸ ἐνόν », Métaphysique, Z, 11, 1037a 28.

403 Physique, II, 2, 194b, 14, édition et traduction de H. Carteron, Paris, Les Belles Lettres, 1973, t. II, p. 64. 404 On verra que dans cette mobilité Hegel trouve la plus haute considération de la nature comme la finalité interne.

il ne faut pas entendre le possible à la manière de la représentation commune qui trouve en celui- ci la possibilité de tout ce qui est imaginable ou pensable (denkbar).405 L’entendement pense ainsi

pouvoir appréhender la possibilité innombrable dans le changement incessant du monde phénoménal alors que cette manière de comprendre le possible est loin d’être l’objet de la philosophie. De plus « cette catégorie » est « non-vraie »406 parce qu’elle ne découle pas de la pensée saisissante de la différence dans l’identité mais plutôt de l’entendement fixant qui est en vérité « l’appréhension d’un contenu dans la forme de l’identité abstraite ».407 Il faut distinguer alors cette considération abstraite de la possibilité vraie qui doit être saisie comme un moment du développement de l’effectivité, puisqu’elle est déterminée non pas par elle-même mais selon la totalité de contenu, « c’est-à-dire de la totalité des moments de l’effectivité, qui se montre en son déploiement comme la nécessité ».408 Comprendre le processus de la nécessité comme unité de l’effectivité et de ce qui est possible suivant le but : telle est la tâche de la philosophie. Dans cette optique, l’interprétation hégélienne de l’ἐνέργεια comme effectivité n’est pas séparable de celle de la possibilité (δύναμις) ni du processus du but (τέλος).

Dans ses Leçons, Hegel comprend la relation de l’ἐνέργεια avec la possibilité par rapport au point de vue caractérisé ci-dessus. Outre l’ἐνέργεια et l’έντελέχεία, le δύναμις, disait Hegel est, l’une de « deux formes principales » ;409 chez Aristote l’être se dit aussi selon la substance que

selon la δύναμις et selon l’ἐνέργεια et l’έντελέχεία. Il prend soin de distinguer, de manière classique, deux aspects de la δύναμις : d’une part elle est la possibilitas, opposée à l’ἐνέργεια et l’έντελέχεία,410 elle est la matière (ὕλη), le substrat (ὑποκειμενον) qui subit tout changement

(Veränderung) possible.411 Comme telle, la δύναμις est « la puissance (Potenz), une possibilité (Möglichkeit) ». Cependant la matière ne doit pas être comprise d’après la considération mécanique qui la prend comme la force (Kraft) ; celle-ci est plutôt « une figure imparfaite de la forme »412 puisque, comme le montre la dialectique de Force et Entendement de la Phénoménologie, le mouvement de l’extériorisation et de l’intériorisation de la force finit par la

405 Enc. § 143, P. 395. 406 Enc. § 143, P. 395. 407 Enc. Add. § 143, p. 576. 408 Enc, Add. § 143, p. 577.

409 Leçons sur l’histoire de la philosophie, t. III, p. 518.

410 Voir H. Bonitz, Index Aristotelicus, Berlin, 1870, 2ème éd., Graz, Akademische Druck- und Verlagsanstalt, 1955,

p. 207.

411 Leçons sur l’histoire de la philosophie, t. III, p. 519. 412 Leçons sur l’histoire de la philosophie, t. III, p. 519.

négation de soi-même. Le concept de la force, issu de l’entendement, est imparfait dans la mesure où sa dialectique s’écroule « dans une unité sans différence » : « la réalisation de la force est donc est en même temps perte de la réalité ».413 Au contraire ce sera la forme, à savoir l’activité, qui déterminera la matière non pas comme la force identitaire mais comme l’activité posant la négativité. D’autre part, la δύναμις signifie « la disposition (Anlage), l’en-soi, l’élément objectif », ensuite « l’universel abstrait en général, l’idée » qui est toujours selon le sens traditionnel, « potentia ».414 En ce sens la δύναμις est seulement l’essence en-soi qui est proche de l’idée platonicienne dans laquelle manque « l’élément actualisateur » (das Verwirklichende) ou « du moins semble passer à l’arrière–plan ».415 Dans les Leçons de Berlin de 1823/24, on voit que Ansichsein est expliqué selon l’analogie aristotélicienne de germe (Keim)416 : « Le germe en fournit un exemple. Le germe est simple (einfach), presque un point ; même le microscope ne saurait y découvrir grand chose ; mais cette simplicité est grosse de toutes les qualités de l’arbre. Tout l’arbre est dans le germe, les rameaux, les feuilles, leur couleur, leur odeur, leur saveur, etc., cependant cette chose simple, le germe, n’est pas l’arbre même, cet ensemble varié (Mannigfaltige) n’existe pas encore. Il importe de savoir qu’il existe quelque chose de tout simple, contenant en soi une multiplicité (Mannigfaltigkeit), qui toutefois n’existe pas encore pour soi (noch nicht für sich existiert) ».417 Ce qui importe est de déceler le sens profond du développement (Entwicklung) :

ce mouvement (Bewegung) part de la simplicité de l’en soi qui est l’essence comme inertie sans diversité et ce qui est dépourvu de la forme (Formslose),418 le germe comme tel est ainsi le point

de départ (Anfangspunkt)419 de tout développement. Pourtant celui-là contient toujours déjà en soi

la différenciation qui produit la plante puisque quand il se scinde soi-même par l’activité (Tätigkeit) au sens de l’ἐνέργεια, « rien ne se produit qui n’existait déjà » (Es kommt nichts Anderes heraus).420 C’est la raison pour laquelle Hegel continue ensuite en disant que la δύναμις n’est pas

413 Phénoménologie de l’esprit, trad, J. Hyppolite, p. 107. Nous traiterons la critique du mécanisme par Hegel dans la

partie concernant la lecture hégélienne de la Physique d’Aristote.

414 Leçons sur l’histoire de la philosophie, t. III, p. 519. 415 Leçons sur l’histoire de la philosophie, t. III, p. 520.

416 Pour la comparaison « aristotélicienne » du germe de la plante comme développement chez Hegel, voir Walter

Kern, « L’Interprétation d’Aristote par Hegel : le dépassement du « Noûs » aristotélicien dans l’« esprit » hégélien », trad. A.-M. Roviello, Revue de philosophie ancienne, Vol. 3, n. 1, 1985, 35- 39.

417 Leçons sur l’histoire de la philosophie. Introduction : Systèmeet histoire de la philosophie, 1954, trad. J. Gibelin,

p. 123.

418 Sämtliche Werke, Band XVa : Vorlesungen über die Geschichte der Philosophie, Einteilung: System und

Geschichte der Philosophie, J. Hoffmeister (éd.), Leipzig, Felix Meiner, 1940, p. 108, (désormais cité SW. XVa).

419 SW. XVa, p. 102.

« la possibilité indéterminée ».421 Car ce qui est en puissance au sens de possible s’actualise selon

le but qui est inscrit en lui : que ce soit la transformation dans la même chose ou dans une autre,