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Les formes culturelles au Liban : le discours des performances contemporaines de Rayess Bek

D- Métalangage et mythologie

L’intérêt d’une analyse structurale du discours réside dans le fait que l’on peut aller au-delà du système de langue, afin de révéler des éléments implicites du discours et l’analyse de son contenu. Avec l’analyse structurale, il semblait possible de relever le message latent du discours des rappeurs populaires comme Rayess Bek en se focalisant sur les paroles de « Schizophrénia ».

La notion de contenu désigne l’information transmise à travers le discours. L’école de Palo Alto l’oppose au terme « relation ». On distingue deux types de contenu : le contenu manifeste et le contenu latent. Les notions de contenu manifeste et contenu latent sont empruntées à la psychologie freudienne. Le contenu manifeste est ce qui est explicitement exprimé : opinions, croyance... En ce sens, étudier le contenu d’un discours consiste à faire ressortir les thèmes les plus souvent abordés, les mots clés, les prises de position et les arguments invoqués pour les justifier... Le contenu latent est tout ce qui est exprimé de manière implicite. Étudier le contenu latent consiste donc à découvrir le non-dit. L’examen du contenu latent pourrait mettre en lumière la

158 signification de la place accordée à chaque thème, l’absence de certains thèmes dans le discours, les valeurs non exprimées qui semblent découler des prises de position. Cette dernière problématique dépasse le cadre de l’analyse de contenu en tant que telle; elle relève de l’analyse énonciative.

L’analyse de contenu est « une technique de recherche pour la description objective, systématique et quantitative du contenu manifeste des communications, ayant pour but

de les interpréter » (Berelson, 1952). Analyser le contenu d’un document ou d’une communication, c’est « rechercherles informations qui s’y trouvent, dégager le sens ou les sens de ce qui y est présenté, formuler, classer tout ce que contient ce document ou cette communication » (Mucchielli, 1991). L’objectif de l’analyse de contenu est donc d’expliquer les activités cognitives du locuteur (ses préférences thématiques, sa position

idéologique, son attitude...)

L’analyse de contenu peut être quantitative ou qualitative :

Quantitative : dans cette forme d’analyse, il est question de calcul de fréquence des

éléments de sens identifiés comme pertinents.

Qualitative : à ce niveau, on considère les valeurs particulières des éléments

linguistiques et les réseaux de sens. Dans la plupart des analyses de contenu, les deux aspects sont développés parallèlement.

Rey-Debove,184 dans son livre qui a fait référence dans le domaine, Le métalangage: étude linguistique du discours sur le langage ; opère la distinction entre le langage parlant du monde, le langage mondain et le langage parlant du langage ou métalangage (1986, p 25). Tout d’abord, la notion de « métalangage » pose donc, implicitement, celle de langue. On appellera pourtant la langue utilisée par le métalangage métalangue, tandis que la langue dont le métalangage parle sera appelée langue-objet. La triade métalangage, métalangue, métadiscours est construite sur l’opposition traditionnelle entre langage, langue et discours (Arrivé, M., 1985 p 2). Ainsi, tout comme la langue, la

184

REY-DEBOVE Josette. Le métalangage. Etude linguistique du discours sur le langage, Le Robert. Paris, 1986. P 25

159 métalangue représente le système. Pareil au langage, le métalangage est l’usage collectif des signes du système en vue de la communication. Le métadiscours peut avoir deux sens dans les travaux de spécialité. Tout d’abord il y a le sens parallèle à celui de discours : usage individuel de la métalangue, mais il peut y avoir aussi le sens utilisé par Borillo 185

(1985, p 47-61), celui de discours sur le discours.

L’analyse structurale se construit selon deux procédés : un relevé des conccurences thématiques ou une analyse structurale proprement dite, c'est-à-dire, la mise en lumière « d’un ordre caché de fonctionnement du discours ».186 Dans cette perspective, le point de départ, c’est l’abstraction, au sens ou l’entend G. Bachelard « s’attacher à dévoiler le « caché ». C’est lui qui nous permettra de comprendre le manifeste »,187

pour comprendre les faits.

Comme nous l’avons dit plus haut, les rappeurs underground diffusent des messages à travers leur création artistique. C’est sur la forme et le contenu de ces messages que se matérialise la contre-culture. Ces messages diffusés doivent s’adresser non pas à des consommateurs mais à des sujets conscients, pour les acteurs de la culture populaire, d’où la différence entre l’underground et l’industrie ; la conscience de soi. Cette dernière est au cœur de la culture hip-hop. Nous nous intéresserons à ces messages que nous avons voulu décrypter à travers une analyse sémiologique du texte de « Schyzophrénia » En considérant le texte de rap comme discours, il est devenu possible d’analyser à travers un relevé systématique de la signification imaginaire, et qui nous a amené à comprendre le métalangage de ce discours. Cette analyse va au-delà de la forme pour se fixer sur le métalangage. La méthode sémiologique barthésienne empruntée repose sur un glissement des rapports signifiant/signifié vers le rapport forme/concept. Elle synthétise les concepts relevés récurrents afin de proposer une interprétation de la signification globale du discours des acteurs de la culture populaire. Il s’agissait

185 BORILLO A. Discours ou métadiscours? Dans DRLAV Revue de linguistique. Métalangue. Métadiscours. Métacommunication, no 32/1985. P 47-61

186

QUIVY& VAN CAMPENHOUDT L., op.cit. P 223

187

BACHELARD Gaston. La formation de l’esprit scientifique, contribution à une psychanalyse de la connaissance objective. Paris, 5e édition, Librairie philosophique J. Vrin, 1967

160 d’étudier les systèmes de signes mis en scène par Rayess Bek et d’opérer ensuite un démontage du système de signes qui constitue sa culture de rap, afin de repérer le langage culturel détourné en langage historique véhiculé par l’imaginaire. Par conséquent, les expressions du langage du rap constituées d’opinions communément admises nous permettront de relever le métalangage constitutif du discours d’un discours mythologique :

« la mythologie fait partie à la fois de la sémiologie comme science formelle et de l’idéologie comme science historique : elle étudie les idée- en- forme »188 (…) « Le mythe est une parole définie par son intention beaucoup plus que par sa lettre ; et pourtant l’intention y est en quelque sorte figée, purifiée, éternisée, absentée par la lettre. Cette ambiguïté constitutive de la parole mythique va avoir pour la signification deux conséquences : elle va se présenter à la fois comme notification et comme un constat. »189 Autrement dit, au signe linguistique correspond l’opinion ; à la signification globale correspond le mythe.

E- Les paroles de Schizophrénia de Rayess Bek :