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Dans un contexte

193 Dans l’Introduction à l’analyse de l’image, Martine Joly nous explique que « le signe a une matérialité que l’on perçoit avec l’un ou plusieurs de nos sens. On peut le voir, l’entendre, ou le sentir. Cette chose que l’on perçoit tient lieu de quelque chose d’autre : c’est la particularité essentielle du signe ; être là, présent, pour désigner ou signifier autre chose, d’absent, concret ou abstrait ».224

La performance de Rayess Bek est un dialogue de cultures entre deux genres musicaux : l’électro pop et la musique orientale, jouée par les deux musiciens : la flutiste syrienne Neissa Jalal et Yann Pitar sur le Oud. Elle dégage également un signe de dialogue entre son et image. La présence du corps, de l’humain, procure de l’émotion. Cette émotion, difficile de la retrouver par les machines selon Wael Koudeih et c’est là que le rôle des musiciens prend sens. Nous dépouillons plusieurs thèmes de ces lettres postées pendant la guerre civile et dégageons surtout différents signes ; un signe de l’intimité, la séparation du couple, la déclaration d’amour, l’exil et l’angoisse de la mort. La première lettre étant comme une introduction, la deuxième parle d’exil. On peut citer également le signe de la nostalgie dans les enregistrements sonores sur cassettes. En outre, on a l’impression que ce dialogue, dont chacun interprète la lecture de ces lettres à sa façon, est fictif et secret. Cette performance est un modèle culturel unique intégrant les nouvelles technologies de l’information, et s’impose comme un artefact contemporain sur lequel la musique vient habiller l’image et le rythme aussi; la parole, c’est de la musique. La voix de la guerre sur cassette ?

« Le frisson, l’excitation vient du fait qu’on a une fiction, qui se superpose à un décor, à une réalité qui n’a rien de fictif ». (Volker Schlöndorff)

« Le héros du film Le Faussaire,225 disait Schlöndorff, constate avec une secrète satisfaction que le monde extérieur est ici le reflet de ses propres désarrois, de son conflit avec lui-même. » On touche là les limites du projet : n'évoquer le conflit libanais que pour mieux conter une dérive existentielle typique du cinéma allemand des années

224 Ibid. P 25

225 SCHLONDORFF Volker. Extrait du film Le Faussaire sur dailymotion

http://www.dailymotion.com/video/x2f8tkm , http://www.dailymotion.com/video/x2f8vm6_die-falschung-le-faussaire-volker-schlondorff-1981-extrait-a-la-residence-de-montagne_shortfilms

194 70 et 80. La façon dont Schlöndorff utilise les vraies images du conflit en les confrontant à des images mises en scène - une caméra laissée plein champ nous indique qu'il s'agit d'une reconstitution - peut même choquer : le cinéaste est, comme son héros, « un faussaire »... Son superbe film démêle les origines du conflit et montre brillamment le quotidien de la guerre, cet état étrange de vie hors la vie, où l'amour même prend un goût différent. Bruno Ganz, magistral, est notre complice dans cette expérience inquiétante ».226

226

Article posté en ligne sur le site de Télérama dans la rubrique cinéma, Le faussaire parFERENCZI Aurélien, le 25/04/2009 http://www.telerama.fr/cinema/films/le-faussaire,6516.php

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Figure 42-43-44-45-46-47-48 : Quelques visuels de la performance de « Goodbye Schlöndorff » en snapshots, Maison des Métallos, 20/05/2015, Photos by Orevo

196 Ainsi, en clôturant ce chapitre sur l’art contemporain libanais, après avoir défini la culture underground et la culture populaire comme formes de résistance, en passant par le mouvement hip hop depuis sa naissance dans le Bronx puis en France, jusqu'au monde arabe, et en s’appuyant sur la chanson Schizophrénia, nous avons dégagé l’imaginaire comme métalangage dans les paroles de Rayess Bek et comme mythologie contemporaine dans notre analyse.

Finalement, et pour faire écho à notre problématique, la culture hip-hop de Rayess Bek profite des réseaux socio-numériques malgré ses tabous et sa censure dans le monde arabe. Son site expose son art et prolonge sa pensée, qui à son tour, se redimensionne, se propage et se partage grâce à l’enjeu des nouvelles technologies.

Par conséquent, les technologies de l’information et de la communication font revivre les performances de Rayess Bek comme nous l’avons « décodé » dans Love and Revenge, et dans Good bye Schlöndorff au plus grand nombre par le biais de son site Internet, l’étude sémiotique de son artefact audiovisuel, avec son esthétique « vintage » comme label culturel, nous délivre un échange vif entre image, son et sens. Les traces de la guerre sur cassette et l’image fictive de la guerre filmée par Schlöndorff dans Le Faussaire , dialoguent, renaissent, se construisent et se déconstruisent dans une forme de réalité contradictoire.

À la fin de ce volet, et pour revenir à la question d’engagement, le Web social est de plus en plus investi par des artistes militants qui trouvent dans cet espace alternatif de revendication et d’expression un lieu pour défendre leur cause sur la toile. En focalisant l’attention sur les pratiques culturelles de certains artistes comme Rayess Bek et la Myrza, ces derniers ont contribué à la prise de conscience politique de leur génération. Pour conclure, ce chapitre sur l’art et les expressions artistiques contemporaines libanaises tente de les répertorier (de façon non exhaustive), ainsi que de donner des exemples particulièrement éclairants de créativité révolutionnaire, qui aident également

197 à comprendre ces mouvements sociaux. Il envisage par la suite les prolongements de cette mobilisation artistique singulière, qui a vu s’épanouir un certain bouillonnement culturel et artistique, actuellement en prise avec de nouveaux pouvoirs, non stabilisés et réticents à consacrer la pleine liberté de création artistique, pourtant indissociable de la liberté d’expression. Nous pouvons dire que la scène culturelle libanaise joue un rôle dans l’éveil de la conscience politique. Ainsi, l’art devient un porte-parole de la protestation de cette créativité bouillonnante. Ces nouveaux territoires de l’art où technologies numériques constituent plus qu’une ressource, un véritable objet d’exploration et de création.

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CHAPITRE IV

Conjoncture culturelle et sociopolitique,