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L’être humain tout comme les animaux sont soumis quotidiennement via l’air, l’eau ou la nourriture à des substances exogènes d'origines diverses, appelés xénobiotiques. Ces composés peuvent être des substances naturelles, des médicaments et des polluants de l'environnement: toxines végétales (mycotoxines ; alcaloïdes) et animales (venin), dérivés des combustibles domestiques et industriels, solvants, colorants, additifs alimentaires, pesticides, herbicides, etc…

Les molécules hydrophobes ont tendance à s'accumuler dans les lipides des membranes cellulaires. Leur élimination ne peut avoir lieu qu’après transformation en dérivés plus hydrophiles. Le processus se déroule selon trois phases regroupant différentes enzymes de biotransformation (phases I et II) présentés dans le tableau 6, et des transporteurs (phase III). (pour une revue voir Pfohl-Leszkowicz, 2008)

Les réactions de phase I, dites de fonctionnalisation, permettent la révélation d'une fonction chimique nouvelle (-OH, NH2, COOH) rendant la molécule plus polaire. Le plus

fréquentes sont des réactions d'oxydation, mais peut également être des réactions d'hydrolyse, de réduction ou de déhalogénation. Ces réactions sont essentiellement catalysées par les mono-oxygénases mixtes à cytochromes P450 (CYP) , les peroxydases (cyclooxygénase COX ; lipooxygénase (LOX) ainsi que la quinone réductase (NQO).

Les réactions de phase II, dites de conjugaison, consistent en l'ajout d'un radical hydrophile soit directement sur le xénobiotique inchangé, soit sur les métabolites "fonctionnalisés" générés par la phase I. Ces réactions de conjugaison en augmentant l'hydrophilie de la molécule, facilitent son transport et son élimination par les voies rénale et biliaire. Les radicaux hydrophiles conjugués sont des petites molécules endogènes polaires telles que le glutathion, l'acide glucuronique, le sulfate, les groupements méthyle, acétyle, des acides aminés. Ces réactions de conjugaison sont catalysées par différentes transférases (glutathion-S-transférases (GST) ; UDP-glucuronosyl transférases ; sulfotransférases…).

Les enzymes de phase III permettent l'élimination des conjugués hydrophiles. Ce sont essentiellement des glycoprotéines membranaires permettant le transport actif des xénobiotiques et des conjugués de la phase II hors de la cellule (Silverman 1999). Ils participent à l'excrétion de ces molécules hors de l'organisme par la voie biliaire (Stieger & Meier, 1998).

Généralement, le produit de biotransformation, appelé métabolite, est un composé biologiquement inactif dont l'excrétion est favorisée au niveau rénal ou biliaire. Toutefois, le métabolisme des xénobiotiques ne conduit pas toujours à la détoxication de ces composés. Dans certains cas, le métabolite présente une très forte réactivité par attaque électrophile sur les macromolécules cellulaires nucléophiles environnantes (protéines, acides nucléiques). Ces adduits sur l'ADN peuvent entraîner des mutations ponctuelles et initier le processus de cancérogenèse. La formation d'adduits aux protéines peut entraîner une nécrose tissulaire et des phénomènes d'allergies (Dansette et al., 1998, Pfohl-Leszkowicz, 2008). Le schéma général de la biotransformation des xénobiotiques est présenté sur la figure 10.

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Figure 10 : Schéma général de la biotransformation des xénobiotiques (Faucet-Marquis, 2005).

5.2 Les peroxydases.

La prostaglandine H synthétase (PGHS) aussi appelée cyclooxygénase (COX) et les 5-, 12- et 15- lipoxygénases (LIPOX) sont les principales enzymes impliquées dans la cascade de l’acide arachidonique (AA) et sont largement retrouvées dans les tissus de mammifères (pour un article général voir Smith & Fitzpatick, 1996).

Certains xénobiotiques peuvent être oxydés in vitro et in vivo par la cyclooxygénase (COX) en présence d'acide arachidonique (AA), de peroxydes d’hydrogène ou de peroxydes lipidiques. Les réactions de bioactivation in vivo, faisant intervenir les COX sont observés surtout dans les tissus où l’activité des CYP est faible, comme c’est le cas par exemple au niveau du rein ou des testicules (Degen, 1993).

Il existe deux isoformes de la COX :

- la COX 1 (ou PGHS-1) est exprimée constitutivement dans la plupart des tissus où elle participe au maintien de l’homéostasie cellulaire (Garavito & DeWitt, 1999).

- la COX2 (ou PGHS-2) n’est exprimée constitutivement que dans quelques tissus, notamment le cerveau, la prostate et le rein. Elle est inductible par les facteurs de croissance (comme le TGFβ), les lipopolysaccharides, les hormones et des cytokines (Otto & Smith., 1995 ; De Leval et al., 2000). La surexpression de la COX2 semble être impliquée dans la formation de certains cancers comme celui du colon (Prescott & Fitzpatrick, 2000) ou des voies urinaires (Williams et al., 1999 ; Khan et al., 2000 ;

52 Majima et al., 2003). L’implication des COX2 dans le processus de cancérogenèse se

ferait soit en réprimant la voie de l’apoptose conduisant à la mort cellulaire soit en participant, au travers de la production de prostaglandines, à la croissance et à la différenciation cellulaire (pour un article général voir Prescott et al., 2000).

La bioactivation de xénobiotiques liée à l’activité peroxydase de la COX représente les cas les plus importants. Plusieurs amines aromatiques ou phénols tels que la benzidine, le 2- aminofluorène, les nitrofuranes (Rice et al., 1985), le paracétamol (Potter & Hinson, 1987), les oestrogènes stéroïdiens (Degen et al., 1982) et l’hydroquinone (métabolite du benzène) (Schlosser et al., 1990) subissent une oxydation in vitro par l’apport d’un électron catalysé par la peroxydase. Ces molécules en servant de co-substrats réducteurs pour la réduction des PGG2 en PGH2, sont co-oxydées par la COX en métabolites qui peuvent réagir avec des protéines et des acides nucléiques.

Les LIPOX possèdent, elles-aussi, une activité péroxydasique. Dans des cellules mammaires de rats, le cancérogène N-hydroxy-2-acetylaminofluorène est cooxydé par la 12- LOX en deux cancérogènes beaucoup plus puissants : le 2-nitrosofluorène et le N-acétoxy- 2acétylaminofluorène, via une forme radicalaire nitroxyle (Wong et al., 1982). Liu et Massey (1992), ont également prouvé que l’aflatoxine B1 (AFB1), mycotoxine cancérogène, était activée en aflatoxine B1-8,9-époxyde, non seulement par la COX, mais aussi par les LIPOX de poumons et de reins. Ces travaux ont été confirmés par des études d’activation in vitro (Datta & Kulkami, 1994). Les LIPOX peuvent utiliser le glutathion réduit (GSH) comme substrat pour leur activité co-oxydase et génèrent la formation de conjugués au glutathion avec des xénobiotiques (Kulkarni & Sajan, 1999).

Dans notre laboratoire, nous avons montré l’implication de ces deux types d’enzymes dans la formation d'adduits à l'ADN liés à une exposition à l’OTA (Pinelli et al., 1999 ; Azémar, 2000 ; El Adlouni et al., 2000).

5.3 Les glutathion-S-transférases.

Les Glutathion S-transférases (GSTs) représentent une famille enzymatique de phase II.

Il existe au moins 20 isoenzymes des GST cytosoliques chez l’homme classées en 5 familles : GST alpha, mu, pi, sigma, et theta (Miller et al., 1997). Il existe deux types de GST membranaires: les GST microsomales et les leucotriènes C4 synthases (LTC4S) (Otieno et al.,

1997).

Les GST possèdent principalement deux activités détoxifiantes (Hayes & Pulford, 1995): - Conjuguer des composés électrophiles endogènes et exogènes avec le glutathion réduit

par formation d’un pont thioether. Les produits peuvent être excrétés dans la bile ou transportés dans le rein où ils sont ensuite métabolisés en acide mercapturique (figure 11), puis excrétés dans l’urine.

- Protéger la cellule par leur activité peroxydasique, qui consiste à réduire les peroxydes organiques en composés moins réactifs (Ketterer et al., 1990).

Elles métabolisent, entre autres, des cancérogènes, des polluants environnementaux, des médicaments chimiothérapeutiques, des produits provenant du stress oxydatif (Hayes & Pulford, 1995) et des substances endogènes comme le leucotriène A4 et la prostaglandine H2.

La conjugaison au glutathion est un processus détoxifiant, mais dans certains cas la conjugaison au glutathion augmente la toxicité des xénobiotiques. Des procarcinogènes peuvent être activés par cette voie (Seidegärd & Ekström, 1997 ; Monks et al., 1990).

53 - Dérivés conjugués au glutathion d’alcanes halogénés, de thiocyanates et de

nitrosoguanidine,

- Dérivés d’alcane dihalogénés qui forment des ions épisulfonium électrophiles,

- Dérivés d’alcènes halogénés qui sont dégradés en métabolites toxiques par la béta lyase dans le rein,

- Dérivés de quinones, quinone-imines ou isothiocyanates qui sont dégradés en métabolites toxiques par la gamma glutamyltranspeptidase dans le rein.

Il est important de noter que ces voies peuvent être très importantes dans la métabolisation de l’OTA qui est une molécule chlorée (Manderville & Pfohl-Leszkowicz, 2006 ; Pfohl- Leszkowicz & Manderville, 2007).

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6. Cancérogenèse et adduits à l'ADN