• Aucun résultat trouvé

6. Cancérogenèse et adduits à l'ADN

6.3 Effets biologiques des adduits à l'ADN

Les cancérogènes chimiques se lient à l'ADN pour former deux types d'adduits:

- 1) les adduits stables qui restent fixés à l'ADN à moins d'être pris en charge par le système de réparation de l'ADN,

- 2) les adduits dépurinants qui sont relâchés de l'ADN par déstabilisation de la liaison glycosyl Les adduits stables sont formés quand les cancérogènes réagissent en position N6 de l'adénine ou N2 de la guanine, tandis que les adduits dépurinants sont obtenus quand

57 une liaison covalente est établie entre le cancérogène et les positions N3 ou N7 de l'adénine et

N7 et parfois C8 de la guanine. La perte de l'adénine ou de la guanine par dépurination mène à la formation de sites apuriniques ou abasiques qui peuvent générer des mutations menant à l'initiation de tumeurs.

Les sites abasiques formés sont réparés par le mécanisme de réparation par excision de bases (BER) au cours duquel peuvent se produire des erreurs. Les erreurs produites lors de la réparation de sites apuriniques peuvent conduire à l'initiation tumorale (Cavalieri et al., 2002).

Lorsque la dépurination a lieu, la base purique adduitée peut être excrétée dans l'urine (Shuker & Farmer, 1992). Ce phénomène a été utilisé dans l'analyse des adduits guanine- aflatoxine B1 urinaires comme indicateurs des dommages à l'ADN (Qian et al., 1994). Cependant, l'excrétion urinaire de tels adduits n'indique pas la source de la macromolécule endommagée (ADN ou ARN) ni le tissu où les adduits ont été formés.

Dans la majorité des cas, les lésions induites sur l’ADN vont être prises en charge par des systèmes enzymatiques visant à restaurer la séquence nucléotidique normale et maintenir ainsi l’intégrité de la cellule. La réparation de l’ADN consiste essentiellement en l’excision des résidus ou des groupes altérés de l’ADN. Les adduits à l’ADN peuvent être éliminés par trois types de mécanismes : la réparation par excision de bases (BER), la réparation par excision de nucléotides (NER) et la réparation de mauvais appariement (mismatch repair ou MMR).

Parfois les réparations ne sont pas correctes engendrant des erreurs à l’origine de mutations ponctuelles ou de réarrangement chromosomiques (Pfohl-Leszkowicz, 2008).

6.3.2 Formation d'adduits et cancérogenèse Relations entre adduits et mutations

Les premières preuves de la relation entre les adduits à l’ADN et la mutagénicité d’un cancérogène ont été apportées par Loveless, 1969. Cet auteur a montré que l’alkylation en O6 du résidu guanine de l’ADN traité par des composés N-nitrosés induit des mutations par mauvais appariement de bases.

Différents adduits à l’ADN sont capables d’induire des mutations (pour un article général voir Hemminki, 2000 ; Vineis & Pererra, 2000). Par exemple, le benzopyrène diol époxyde (BDPE) dont le site préférentiel de fixation sont les sites GC, induit des transitions GC → TA (Jelinsky et al., 1995). De même, l’aflatoxine B1 induit des transitions GC→ TA (Bailey et al., 1996).

Shibutani (1994), a montré que des mutations spécifiques liées à certains adduits du N- acétyl-2 aminofluorène à grand potentiel de mauvais appariement, correspondent à une délétion d’une ou deux bases opposées à l’adduit. Néanmoins, l’établissement d’un lien entre un adduit spécifique et un type de mutation est souvent difficile, car un métabolite réactif peut interagir avec différents sites de l’ADN, et générer une grande variété d’adduits (Singer & Essigman, 1991 ; Hemminki et al., 2000). En outre, différents facteurs peuvent affecter la possibilité d’un adduit d’induire une mutation tels que : l’orientation de l’adduit (c’est à dire de la base modifiée) par rapport à la base complémentaire, la nature de la polymérase, la séquence d’ADN dans laquelle est incluse l’adduit (Loechler, 1996 ; Kozack et al., 2000).

Relation entre le développement tumoral et la formation d’adduits à l’ADN

Des études in vivo ont montré les relations qui peuvent exister entre les taux d’adduits à l’ADN et l’incidence de tumeurs, en fonction de doses chroniques de composé cancérogène. Quatre types de diagrammes ont été ainsi définis (figure 15) qui correspondent à l’effet de différents cancérogènes [l’aflatoxine B1 (AFB1), 4-aminobiphényl (4-ABP), 2- acétylaminofluorène (2-AAF), N,N-diéthylnitrosamine (DEN) et nitrosocétone dérivé de la

58 nicotine (NNK)]. Ces composés ont été administrés de façon chronique, à différentes espèces

de souris ou de rat mâles et femelles. Les effets ont été mesurés dans différents tissus (foie, poumon, vessie) (Poirier & Beland, 1992).

Dans les situations les plus simples, il existe une relation linéaire entre la dose de cancérogène, le taux d’adduits et la formation de tumeurs (figure 15 A). Ceci a été observé avec le 2-AAF dans le foie de souris femelle et avec l’AFB1 dans le foie de rat mâle. Avec le 4-ABP, les taux d’adduits à l’ADN augmentent de manière linéaire, dans le foie de souris mâle, mais l’incidence des tumeurs n’atteint jamais 20 % même pour de fortes doses de cancérogène (figure 15 B). Donc, des voies de détoxication des métabolites réactifs ou des systèmes de réparation des adduits à l’ADN interviennent de façon efficace.

Le troisième cas de figure est le suivant : pour de faibles doses de cancérogène, il existe une relation linéaire entre le taux d’adduits à l’ADN et la tumorigénicité. Cependant, à des doses plus élevées de cancérogène, les taux d’adduits à l’ADN et la tumorigénicité n’augmentent plus proportionnellement à la dose de cancérogène et atteint un plateau (figure 15 C). Les fortes doses de composé cancérogène peuvent induire une cytotoxicité et/ou une prolifération cellulaire qui inhibe alors la formation d’adduits à l’ADN et la tumorigénicité. Cette relation supralinéaire entre le niveau d’adduits à l’ADN et l’incidence des tumeurs en fonction de la dose de cancérogène a été observée avec le 4-ABP dans le foie de souris femelle, le DEN dans le foie de rat mâle et le NNK dans les poumons de rat mâle.

Dans le cas de la figure 15 D, la formation d’adduits à l’ADN est linéaire en fonction de la dose de cancérogène tandis que la tumorigénicité est sublinéaire puisqu’elle n’est significative que pour de fortes doses de cancérogène. Ce phénomène pourrait s’expliquer par une forte cytotoxicité et a été observé avec le 2-AAF dans la vessie de souris femelle et le 4- ABP dans la vessie de souris mâle.

Figure 15 : Différentes possibilités de relations entre le taux d’adduits à l’ADN et l’incidence de tumeurs en fonction d’une dose chronique de cancérogène

59

6.3.3 Adduits comme marqueurs d'exposition

La formation des adduits à l’ADN est un évènement primordial dans le processus de cancérogenèse. Il a été démontré pour plusieurs cancérogènes une meilleure corrélation du pouvoir cancérogène avec les adduits persistants (c’est à dire ceux qui sont réparés lentement) que ceux rapidement réparés. La détection des adduits l’ADN est fréquemment utilisée comme biomarqueurs d’exposition à des composés électrophiles ou le devenant après métabolisation (Cui et al.,1995; Decaprio et al.,1997; Izzotti et al., 1997 ; Singh et al.,2006). Ceci présente un intérêt évident lorsque la nature de l’exposition et le temps d’exposition sont connus, par contre l’interprétation est beaucoup plus difficile dans les études épidémiologiques (D’arce et al., 2000 ; Eder et al., 1999 ; Farmer et al., 1999 ; Talaska et al., 2002 ; Taningher et al.,1997). Dans les études expérimentales il a été montré que lors d’une intoxication constante un plateau dans la formation d’adduit à l’ADN était rapidement atteint. Plateau pour lequel le nombre de nouveau adduit formé par jour est équivalent au nombre d’adduit perdu par réparation. Si bien que si l’exposition dans les études épidémiologiques est constante, il peut raisonnablement être considéré que la quantité d’adduits mesurés correspond au plateau. Inversement si l’exposition est intermittente, inconnue et variable, la seule conclusion qui pourra être tirée est l’évidence qu’une exposition a eue lieu. A l’heure actuelle, de nombreux type d’adduits à l’ADN sont détectables. Le problème dans les études épidémiologiques est l’interprétation qu’on peut en faire (Farmer et al, 1999 ; 2004; Godschalk et al., 2003 ; Hemminki et al., 2000; Hurdey et al., 1995; Sander et al., 2005).

La présence d’adduits à l’ADN au niveau de l’ADN humain est une bonne indication d’une exposition passée de l’individu (Swenberg et al, 2004). Les adduits à l’ADN au niveau de l’organe cible sont des biomarqueurs plus fiables que la mesure de la dose interne (métabolites dans les fluides biologiques) car les adduits sont non seulement le reflet de la variabilité individuelle d’absorption et de distribution, mais aussi la susceptibilité métabolique (toxification vs détoxification) et la capacité de réparation.

La mesure des adduits à l’ADN est un outil intéressant pour élucider le mécanisme de carcinogénicité et pour évaluer les effets des faibles doses.

Souvent des plus faibles taux d’adduits sont observés dans les parties tumorales en comparaison du tissu adjacent. Ceci peut être expliqué d’une part par le fait d’une prolifération cellulaire qui va entraîner une dilution des adduits, et d’autre part par la disparition des adduits suite à la réparation. Les adduits à l’ADN n’ont pas tous le même potentiel mutagène. Certains sont très mutagène alors que d’autres ne provoquent par d’effet sur le patrimoine génétique (Hemminki et al, 2004). Dans ce dernier cas, la détection de ce type d’adduits sera juste une mesure de l’exposition. La détection des adduits dans le tissu cible est non seulement un biomarqueur d’exposition, mais aussi un biomarqueur d’effet individuel (pour une revue voir (Otteneder et al, 1999). Dans la majorité des cas, les adduits à l’origine du déclenchement du processus de cancérogenèse ont disparu du tissu plusieurs années avant la découverte de la tumeur (Krytopoulos et al, 2006). Ceci explique le plus faible taux d’adduits dans les tumeurs. Ainsi les adduits observés dans une tumeur n’ont sans doute plus rien à voir avec les adduits qui ont généré la tumeur. Néanmoins, la présence de ces adduits indique clairement une exposition au cancérogène. La persistance d’un adduit in vivo dépend de plusieurs facteurs : la stabilité chimique du produit, la présence d’une réparation efficace et le ‘turnover’ de la macromolécule sur laquelle le produit chimique est fixé.

D’une manière générale la détection des adduits à l’ADN est un outil très sensible pour clarifier une source cancérogène, pour élucider un mécanisme de carcinogénicité et pour évaluer les effets génotoxiques des petites doses.

60

Matériels et méthodes

61

1. Extraction de l'ochratoxine A, de ses dérivés et/ou d’autres

mycotoxines

Les méthodes analytiques pour l’analyse des mycotoxines sont fondées sur plusieurs facteurs. Aucune méthode n’est directement applicable à tous les types de mycotoxines. Les paramètres primordiaux dans un schéma analytique sont la nature chimique de la ou des mycotoxines d’intérêt, ses groupes fonctionnels mais aussi le type de matrice dans laquelle elles sont recherchées.

Les aspects majeurs de l’analyse comprennent l’extraction à partir de la matrice, la purification et la concentration de l’extrait, la détection qualitative et quantitative des mycotoxines. De manière générale, la première étape d’extraction de la mycotoxine à partir de la matrice broyée, s’effectue dans un solvant organique aqueux (Scott, 1995). Les solvants utilisés dans l’extraction des mycotoxines peuvent être le méthanol, l’acétone, l’acétonitrile, l’acétate d’éthyl, et le chloroforme (Betina, 1993). L’utilisation d’un mélange d’eau et de solvant organique permet en humidifiant le substrat d’augmenter la pénétration du solvant. La phase aqueuse est généralement acidifiée afin de casser les interactions entre la ou les toxines et les constituants de l’échantillon tels que les protéines. L’utilisation de sels inorganiques permet de diminuer la formation d’émulsion durant l’extraction lors de cette première étape. D’autres composés peuvent être présents et interférer, par la suite, dans l’analyse chromatographique des mycotoxines. Une étape de purification à partir de l’extrait filtré est alors d’autant plus nécessaire que l’on cherche à atteindre des seuils de quantification bas. Cette étape peut être réalisée soit par :

- Partage liquide-liquide (LLP), - Extraction sur phase solide (SPE),

- Extraction sur colonne d’immunoaffinité (IAC).

La dernière étape est l’analyse par chromatographie des échantillons. Plusieurs techniques peuvent être utilisées :

- Chromatographie en couche mince (CCM ou TLC), - Chromatographie liquide de haute performance (HPLC),

- Chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse (LC-MS) ou HPLC couplée à l’ionisation par electrospray (ESI).

La CCM présente l’intérêt de pouvoir détecter plusieurs toxines simultanément, mais les limites de détection sont trop élevées pour détecter des teneurs définies par les réglementations. Les techniques LC-MS ou ESI sont actuellement peu utilisées car ces technologies sont très coûteuses tant par l’acquisition de l’appareillage que par son entretien. La technique, la plus employée est l’HPLC (CAST, 2003), couplée à un détecteur UV [détection de la patuline et de l’acide pénicillique] (Hurst et al., 1987) ou par fluorimétrie, notamment utilisée pour l’OTA et la CIT (Van Egmond, 1996 ; Franco et al., 1996 ; Vail & Homann, 1990 ; Reinhard & Zimmerli, 1999)