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La néphropathie endémique des Balkans (BEN) est une maladie chronique, familiale affectant les tubules, évoluant progressivement et insidieusement vers l’insuffisance rénale. Elle a été décrite pour la première fois en Serbie et en Bulgarie. Elle affecte les populations des plaines alluviales le long du Danube en Serbie, Bosnie, Croatie, Bulgarie et Roumanie. Cette maladie affecte généralement les adultes entre 40 et 50 ans suivie d’une insuffisance rénale vers la soixantaine. Une corrélation entre la BEN et les tumeurs du tractus urinaires (UTT) a été établie dans les trois régions affectées (pour des articles généraux voir

Chernozemsky et al., 1977, Pfohl-Leszkowicz et al., 2002, 2007 ; Stefanovic et al., 2006). En 1972, sur la base d’études épidémiologiques, Akhmeteli et al. a suggéré que les toxines de moisissures pourraient être impliquées dans l’étiologie de la BEN. Nikolić et al. ont démontré que le lien étroit entre la BEN et UTT pouvait s’expliquer par l’attaque d’un contaminant de l’environnement. L’ingestion de ce contaminant à forte dose provoque la néphrotoxicité et l’apparition précoce de l’insuffisance rénale entre la trentaine et la quarantaine. Cependant à faible dose d’exposition à cet agent, la néphrotoxicité n’apparait pas, mais les cancers surviennent plus tard. Dans ces conditions les patients meurent d’UTT bien que les dommages rénaux soient limités et souvent subcliniques. Ainsi la majorité des patients ne montrant aucun symptôme d’insuffisance rénale au moment de la néphrectomie. La BEN affecte les habitants des zones rurales mais pas ceux des villes. Ceci peut s’expliquer pas le fait que les populations rurales consomment les nourritures qu’ils ont eux-mêmes produit, alors que les citadins consomment les nourritures commerciales provenant des industries agroalimentaires. Cette maladie affecte souvent plusieurs membres d’une même famille depuis plusieurs générations, alors que les voisins n’en sont pas affectés. Tous les membres d’une famille partage la même nourriture pendant plusieurs années et les denrées sont périodiquement contaminées par des moisissures contrairement aux voisins non exposés.

Très récemment, il a été confirmé que les populations des régions balkaniques sont nettement plus exposées à l’OTA que les autres populations (Vrabcheva et al., 2004 ; Petkova-Bocharova et al., 2003a). Dans ces régions, il y a peu d’amélioration de la contamination par rapport aux premières études réalisées au début des années 1980 (Pfohl- Leszkowicz et al, 2002).

Cependant une autre hypothèse : de l’implication des acides aristolochiques comme agents pouvant contribuer à l’étiologie de la BEN, a été formulée (Stefanovic et al., 2006 ; Ivic, 1970 ; Hranjec et al., 2005). Cette hypothèse est fondée sur le fait qu’en Belgique des femmes ont développé des néphropathies après avoir été traitées par un régime amaigrissant suspecté contenir des acides aristolochiques (AAr) (Nortier et al., 2000). En effet, l’Aristolochia fangchi introduit par inadvertance dans le régime amigrissant peut produire différents types d’AAr : 30% d’acide aristolochique I (AAr I) ; 70% d’cide aristolochique II (AAr II). La détection d’adduits à l’ADN spécifique de l’AAr (dA-AAr et dG-AAr) plusieurs mois après arrêt du traitement même si les AArs n’ont pas été trouvé dans les gélules (Tozlovanu et al., 2006 ; Pfohl-Leszkowicz et al., 2005), est considéré comme un biomarqueur d’exposition.

Comme une aussi longue persistance d’adduit est douteuse, dans notre étude, nous avons comparé la formation et la persistance des adduits à l’ADN formés dans des cellules rénales humaines mise en culture en présence d’OTA, CIT ou AArs. Des nouveaux résultats concernant la contamination des nourritures en OTA et CIT provenant de Serbie, l’analyse des adduits à l’ADN spécifiques de l’OTA et/ou de l’AAr, de biopsies rénales humaines (de femmes ayant suivi un régime amaigrissant susceptible d’être contaminé en AAr) et des

mycotoxines dans les néphropathies et les tumeurs du tractus urinaire.

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tumeurs rénales (de la région des Balkans et d’autres pays européens) est discuté dans les articles.

1-Mariana Tozlovanu, Richard Manderville, Maja Peraica, Marcel Castegnaro, Vladislav Stefanovic,

Annie Pfohl-Leszkowicz. Nouvelles preuves moléculaires et de terrain concernant l’implication des mycotoxines et non de l’acide aristolochique dans les néphropathies humaines et les tumeurs du tractus urinaire Toxicologie Alimentaire ; Université Technique de Moldavie, Support de cours.

2- Annie Pfohl-Leszkowicz, Mariana Tozlovanu, Richard Manderville, Maja Peraica, Marcel Castegnaro, Vladislav Stefanovic, New molecular and field evidences for the implication of

mycotoxins but not aristolochic acid in Human Nephropathy and Urinary tract tumour, Mol Nutr

Food Res (2007), 51, 1131-1146 (annexe 7).

Il y a deux façons de mesurer l'exposition de l'homme aux toxines alimentaires, l'analyse de la nourriture et l'analyse des toxines ou de certains de leurs métabolites dans les fluides biologiques humains. La première méthode implique une bonne connaissance des habitudes alimentaires et permet aussi de calculer la quantité réellement ingérée. La seconde tient compte des capacités de chaque individu à métaboliser les toxines, et à éliminer les produits, mais les résultats dépendent de nombreux facteurs tels que : le moment de prélèvement par rapport au moment d'ingestion des produits contaminés, la fréquence d'ingestion de produits contenant les toxines etc. Dans une étude précédente une vingtaine d’individus de Bulgarie avait été suivie pendant un mois. La contamination en OTA dans la nourriture semaine après semaine ainsi que les concentrations en OTA dans le sang et dans l’urine ont été mesurées. Ceci avait permis de montrer une contamination fréquente des nourritures en OTA. Cette étude avait mis en évidence le fait que la toxicocinétique de l’OTA jouait un rôle important dans la mesure des paramètres sanguins et urinaires (Pfohl- Leszkowicz et al., 2003 ; Castegnaro et al., 2006 ; Pfohl-Leszkowicz et al., 2006). Pour cette étude nous avons travaillé avec la Serbie. Nous avons recruté 17 familles. Les résultats que nous présentons dans cette thèse correspondent à l’analyse de trois familles. Dans deux de ces familles, il y a un ou deux ascendants qui sont morts de la néphropathie endémique des Balkans et de cancer associé. La première famille (BEN 1) est constituée de 4 personnes d’âge différent (entre 48 et19 ans) et a un ancêtre décédé de BEN. La seconde famille aussi constituée de 4 personnes d’âge s’échelonnant entre 42 et 14 ans a deux ancêtres directs morts de la BEN. Dans la troisième famille (également quatre personnes, âgées entre 44et 19 ans) il n’y a aucun antécédent de BEN. La troisième famille a été choisie comme famille ’témoin’ puisque personne ne souffre de cette maladie.

Afin d’évaluer le taux d’exposition humaine aux mycotoxines ou toxines (comme les acides aristolochiques) nous avons procédé à un suivi pendant un mois des trois familles Serbes et afin de définir si l’ochratoxine A (OTA), la citrinine (CIT) et/ou les acides aristolochiques (AAr) sont responsables de la néphropathie endémique des Balkans(BEN), ainsi que des tumeurs des voies urinaires.

Nous avons comparé :

(i) la formation et la persistance des adduits à l’ADN formés lors du traitement de cellules rénales humaines ;

(ii) suivi pendant un mois, 3 familles Serbes de la région endémique ;

(iii) analysé les adduits à l’ADN de diverses tumeurs rénales d’individus humains susceptibles d’avoir été exposés à l’OTA, la CIT ou les AAr.

mycotoxines dans les néphropathies et les tumeurs du tractus urinaire.

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