• Aucun résultat trouvé

2. L'ochratoxine A

2.3 Présence d'OTA dans les aliments / exposition de l'homme / estimation

2.3.2 Contamination par l’OTA de l’ensemble de la chaîne alimentaire

L’OTA présente une stabilité élevée et n’est que peu, ou pas, dégradée au cours des procédés de transformation des aliments (cuisson, fermentation, torréfaction..). Elle est par conséquent retrouvée dans les produits dérivés de matières premières contaminées ainsi que dans la viande (Verger et al, 1999 ; Jørgensen, 1998) ou le lait obtenus à partir d’animaux ayant reçu une alimentation contaminée. Le rapport SCOOP 3.2.2 mettait en évidence le fait que, 18% des échantillons de viande analysés étaient contaminés en OTA: la présence d’OTA dans la viande souligne la possibilité de contaminations indirectes de l’homme par cette toxine. Jørgensen (1998) rapporte la présence d’OTA dans les muscles de porc et de volaille, ainsi que dans les abats. De même, l’OTA a été mise en évidence dans le sang et les tissus d’animaux d’élevage, où elle s’accumule au niveau rénal et hépatique (Gareis, 1996 ; Hult et al, 1980 ; Hult et al, 1984 ; Curtui et al, 2001). L’OTA peut également être retrouvée dans les volailles suite à l’exposition de ces animaux, via l’alimentation (Elling et al, 1975 ; Micco et al, 1987 ; Bauer et al, 1988).

L’OTA peut être transférée dans le lait, contribuant à l’exposition des petits au cours l’allaitement (Ferrufino-Guardia et al, 2000). L’OTA a été retrouvée dans le lait humain (Micco et al, 1991, 1995 ; Breitholtz-Emanuelsson et al, 1993 ; Zimmerli & Dick, 1995 ; Miraglia et al, 1995 ; Skaug et al, 1998) mais également dans du lait de vache (Breitholz- Emmanuelsson et al, 1993). Cependant, une étude menée par « the Food Standards Agency » a montré que la totalité des 100 échantillons de lait de vache analysés au cours de cette étude étaient exempts d’OTA et d’Otα (Food Standards Agency, Survey of Milk for mycotoxins, ref 2001/0143). Ceci peut être expliqué par le fait que l’OTA est partiellement dégradée par les bactéries du rumen des animaux (Hult et al, 1976).

L’OTA contamine fréquemment le raisin (Tjamos et al, 2004) et est retrouvée dans les produits dérivés tels que le jus de raisin et le vin (pour une revue, voir Varga & Kozakiewicz, 2006). L’OTA est retrouvée dans 88% des jus de raisins rouges et 78% des échantillons de jus de raisins blancs (Majerus et al, 2000). Elle est également retrouvée sur 15% d’échantillons de moûts de raisins espagnols à des taux compris entre 0,091 ng/ml et 0,813 ng/ml (Belli et al., 2004). L’OTA a été mise en évidence dans du vin importé, ou localement produit, dans un grand nombre de pays : en Europe ou en Afrique incluant l’Algérie, la Finlande, la France, l’Allemagne l’Italie, le Maroc, la Suisse, le Royaume Uni, l’Espagne et le Portugal. Une contamination supérieure dans les vins rouges a été mise en évidence par rapport à la contamination des vins blancs, ces derniers étant contaminés moins fréquemment et à des taux inférieurs à ceux des vins rouges (Lo Curto et al, 2004 ; Blesa et al, 2004 ; Brera et al, 2005).

Riz Blé Maïs Abats de porc Foie de volaille Charcuterie Viande de porc Boudin noir 21 % 3 % 1 % 2 % 73 % 0 % 0 % 0,1%

32 Les taux de contaminations en OTA, trouvés dans ces échantillons de vin, sont relativement

faibles et généralement inférieurs à la législation en vigueur. Ainsi, en France, une étude, réalisée sur le millésime 1999, montrait que 97% des échantillons contaminés contenaient un taux d’OTA inférieur à 1 ng/ml (Lataste et al, 2004). Une étude sur des échantillons de vins Espagnols, dont 62% étaient contaminés en OTA, et sur des vins Italiens, dont 74% étaient contaminés, a mis en évidence une contamination comprise respectivement entre 0,1 et 0,76 ng d’OTA/ml et entre 0,1 et 4 ng/ml (Blesa et al, 2004 ; Brera et al, 2005). Ainsi, la contamination en OTA persiste tout au long du procédé de transformation du vin, contaminant le raisin de la matière première au produit fini.

L’OTA est aussi retrouvée tout au long de la chaîne de transformation des céréales (Alldrick, 1996). L’OTA, présente initialement sur l’orge (Mc Donald et al, 1993 ; Park et al, 2002 ; Zinedine et al, 2006), est retrouvée dans la bière (Scott & Kanhere, 1995 ; Baxter, 1996 ; Jørgensen, 1998 ; Odhav & Naicker, 2002, Tangni et al., 2002). En effet, une grande part de l’OTA persiste après le traitement du malt au cours du procédé de fabrication de la bière (Chu et al, 1975). Une étude menée par l’IFBM (Institut Français de la Brasserie et de la Malterie.) a montré que le procédé de maltage n’avait pas d’incidence sur le taux d’OTA apporté par l’orge. Par la suite, 80% de l’OTA du malt est retrouvée dans le moût après les étapes d’empâtage et de filtration. Finalement, l’étape de fermentation permet l’élimination de 50% de l’OTA apportée par le moût. Ainsi, la bière produite à partir d’orge contaminée en OTA contiendra au terme du procédé de fabrication 30 à 40% du taux d’OTA initial. L’OTA contaminant le blé, se retrouve dans les produits dérivés. Une analyse des céréales du petit- déjeuner a mis en évidence la présence d’OTA dans 69% des échantillons testés (Molinié et al, 2005) parmi lesquels 20% avait un taux supérieur à la législation en vigueur. L’OTA a également été retrouvée dans des aliments pour bébés à base de céréales (Araguas et al, 2005), dans les biscuits, le pain ou les pâtes (Verger et al, 1999, 2005). La réduction du taux d’OTA est très faible au cours de la préparation des nouilles fraîches par exemple. Les parties périphériques du grain de blé, éliminées au cours du broyage, permettent de réduire de 66% le niveau de contamination en OTA dans la farine blanche, préparée à partir d’un blé propre. Par la suite, on observe encore 10% de réduction du taux d’OTA lors de la cuisson du pain blanc. Ces résultats ont été confirmés par Scudamore et al, en 2003, qui parvenait à obtenir une réduction de 75% du taux d’OTA dans le pain blanc en utilisant une combinaison de nettoyage, de dépelliculage et d’élimination des parties périphériques du grain de blé. Par contre, on ne constate qu’une très faible réduction du taux d’OTA au cours de la préparation de la farine complète (réduction de 10%).

L’OTA est également retrouvée au terme des procédés de transformations nécessitant le passage de la matière première à des températures élevées comme la torréfaction. Au cours de la torréfaction, le grain de café est placé à 250°C pendant 150 secondes. Cette étape de torréfaction ne permet de réduire que légèrement le taux d’OTA dans le café torréfié. L’OTA est par la suite retrouvée dans le breuvage (Studer-Rohr et al, 1995). L’OTA est également retrouvée dans le café soluble (MAFF, 1996 ; Lombaert et al, 2002).

Il est évident que l’ensemble de la chaîne alimentaire est contaminé en OTA et que les procédés de transformations utilisés dans l’industrie agro-alimentaire ne contribuent qu’à une réduction modérée du taux d’OTA. Les conditions de chauffage qui permettraient une franche réduction du taux d’OTA ne peuvent être appliquées à l’ensemble des aliments ce qui rend l’élimination de l’OTA délicate. L’exposition humaine à l’OTA se fait, suite à la consommation des matières premières contaminées, mais également lors de consommation des produits transformés.

33

2.4 Toxicocinétique de l'OTA.

L’OTA, une fois ingérée, est partiellement absorbée par la diffusion passive de la forme non ionisée à travers la paroi de l’estomac. Le site principal d’absorption se situe au niveau du jéjunum. Elle est ensuite distribuée aux différents organes via le foie. On retrouve peu d’OTA sous forme libre dans le sang. En effet, l’OTA a une très grande affinité pour certaines protéines plasmatiques où elle est fixée à 90 %. Cette fixation retarde le transport de l’OTA vers les différents organes et augmente sa demi-vie sérique et par conséquent contribuerait au développement des effets toxiques chroniques de cette toxine. C’est chez les humains que l’OTA possèdent la plus longue demi-vie dans le plasma qui est estimée à un mois (Studer- Rohr et al., 2000). La distribution tissulaire de l’OTA, chez le porc, le poulet ou la chèvre, suit en général l’ordre suivant : reins >foie et muscle> graisses. L’OTA est éliminée par toutes les voies d’excrétion (urinaire, fécale et biliaire). Une partie de l’OTA qui se retrouve dans la bile peut être réabsorbée au niveau de l’intestin. Des études récentes montrent que l’absorption ainsi que l’élimination s’effectue via des transporteurs (pour une revue voir Ringot et al, 2006 ; Pfohl-Leszkowicz & Manderville 2007). Dans l’organisme l’OTA est métabolisée en 4-R-hydroxyochratoxine A (4R-OHOA) ; 4-S-hydroxyochratoxine A (4S- OHOA) ; 10 OH-OTA, OTB (forme déchloré de l’OTA) ; OP-OTA (forme ouverte de l’OTA) ; OTHQ (forme quinone) pouvant être retrouvés dans le sang ou les urines sous ces formes là ou conjugués au glutathion (Pfohl-Leszkowicz, 1999 ; Li et al. 2000 ; Mally et al., 2004 ; Faucet-Virginie, 2005 ; Canadas, 2006 ; Pfohl-Leszkowicz & Manderville, 2007). Un mécanisme de métabolisation a été proposé récemment (figures 4 & 5 ; Pfohl-Leszkowicz et al, 2002 ; Manderville&Pfohl-Leszkowicz, 2006). O H O N H O O H C l O O R1 R2 R3 4 R-OH-OTA, R 1=OH, R 2=H, R 3=H 4 S-OH-OTA, R 1=H, R 2=OH, R 3=H 10 -OH-OTA, R 1=H, R 2=H, R 3=OH O H O N H O O H O O C H3 O H O H O N H O O H O O C H3 O H O N H O O H O O C H3 O H O H O N H O O H C l O O C H3 P 450 or Peroxidases P 450 or Peroxidases P 450 or Peroxidases O O H C l O O C H3 O H O H O N H O O H C l O H O C H3 O H Hydrolysis Carboxypeptidase A ? OTHQ OTB 4 -OH-OTB OP-OTA OTA

Figure 4 : Schéma de la métabolisation de l'ochratoxine A (d'après Manderville & Pfohl-Leszkowicz, 2006).

34

Figure 5: Voies proposées pour les réactions de biotransformation de l'OTA et structures hypothétiques des intermédiaires réactifs (d'après Pfohl-Leszkowicz et al., 2002 ; Manderville & Pfohl-Leszkowicz, 2006).

2.5 Effets toxiques.