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Analyse de l’entretien de Stéphanie suivant l’axe 3 « Didactique » : éléments référant aux choix et options

4. La médiation en particulier celle que peut jouer l’artiste lui-même et autres médiateurs

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27 SR25 mai 2009

Oui, bien sûr ; j’ai des indices forts : le vocabulaire, les comportements, les actions dans la classe, celle d’autonomie, de demander à revoir l’œuvre dans la galerie, celle d’autonomie face au matériel, à l’envie de faire aussi. C’est très important ça, avoir envie de / … / C’est neuf ça, pour moi en tout cas, le questionnement aussi ; les questions sont plus larges, devant les artistes c’est moins conventionné, ils demandent même s’ils peuvent poser telle ou telle question, donc ils cherchent à savoir si leur question à du poids, si elle est bien ou pas, ça c’est important aussi, de se rendre compte qu’on a de l’importance quand on parle ; mais aussi et surtout quand on pose une question…

Stéphanie a fait l’expérience de rencontres avec des œuvres en présence de l’artiste, et donc l’expérience d’une forme de co-intervention qui apporte autant qu’elle questionne. Lorsque l’artiste est présent, les conduites des élèves s’enrichissent sans plus d’intervention. Stéphanie souligne leur gain d’assurance au fil du temps : « c’est moins conventionné » ; elle souligne la qualité du questionnement : « les questions sont plus larges, devant les artistes » ; elle met en relief leur souci de poser les bonnes questions: « demandent même s’ils peuvent poser, telle ou telle question », leur réflexion sur leurs propres questions : « cherchent à savoir si leur question à du poids, si elle est bien ou pas ».

Enfin Stéphanie note de la part des élèves, un autre élément à prendre en compte, peut-être celui qui, à ses yeux, prend plus de sens dans son projet de rencontre avec les œuvres. Elle indique que les élèves dans le questionnement, se responsabilisent ; ils prennent intérêt à être là, face à l’œuvre ou à l’artiste. Une des visées est justement de « se rendre compte qu’on a de l’importance quand on parle » ; mais aussi et surtout l’importance de ce que l’on dit « quand on pose une question… » et donc l’importance que prennent les enseignants à écouter l’élève, qui pose cette question-là. On est ici au cœur d’un enjeu central : la construction de l’élève comme sujet (parler pour penser, apprendre et se construire, Bucheton, Chabanne 2001).

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Quel peut alors être son rôle effectif de l’artiste ?

140SR 7juin 2012 Oui, parce qu’en fait on l’a fait évoluer la Petite Galerie, parce que dans un premier temps on partait on faisait l’inverse

142SR 7juin 2012 C'est-à-dire qu’on partait des propositions des artistes ! 144SR 7juin 2012 Et nous on devait s’adapter !

146SR 7juin 2012 Et … je trouvais que c’était moins porteur, que d’avoir nous, que d’avoir nous enfin c’était au niveau pédagogique !

150SR 7juin 2012 C’était moins facile aussi, j’ai pas dit qu’on n’y arrivait pas !

Lorsque Stéphanie crée la Petite Galerie, elle demande aux artistes de venir avec des propositions et de prendre l’initiative de l’intervention. Elle ne sait pas comment s’y prendre et pense à ce moment-là que les artistes s’en sortiront mieux qu’elle pour parler de leurs œuvres, donc s’en sortiront mieux pour mettre en place des dispositifs autour de leurs œuvres : « on l’a fait évoluer la Petite Galerie, parce que dans un premier temps on partait on faisait l’inverse ». Le résultat est que l’enseignant s’adapte difficilement aux propositions des artistes : « C’était moins facile, j’ai pas dit qu’on n’y arrivait pas » et elle signale sans les détailler des difficultés « au niveau pédagogique » : « je trouvais que c’était moins porteur ». Elle témoigne de la difficulté de concilier les objectifs de la discipline des arts plastiques avec « on partait des propositions des artistes ». Plus loin, elle en dit un peu plus sur ses préoccupations : celui d’une « ligne conductrice », d’une cohérence, celui d’un choix d’objets : une technique /un matériau « la céramique », un problème plastique « les couleurs » (162, 164, 06 /12). On est ici dans une problématique plus générale, celle de la place possible de l’intervention de l’artiste dans / avec / contre la forme scolaire : artiste-enseignant, intervenant, témoin, en résidence… (Kerlan, Erutti 2008 ; Kerlan 2005 ; May, H., O’Donoghue, Irwin, 2014 ; Waldorf, 2008).

152SR 7juin 2012 Mais c’est vrai que pour nous c’était plus facile après d’avoir une ligne conductrice dans le pédagogique

154SR 7juin 2012 C’était de notre travail c’était parti de chez nous

156SR 7juin 2012 Et après de trouver effectivement en fonction, en fonction aussi de nos objectifs quels étaient les artistes

158SR 7juin 2012 Et puis après de nos 160SR 7juin 2012 De… nos affinités

162SR 7juin 2012 Parce que par exemple on voulait travailler la céramique

164SR 7juin 2012 Ou on voulait travailler plutôt sur les couleurs donc on est allé vers des artistes 166SR 7juin 2012 Qui nous proposaient plus… du, ce travail là, on va dire !

Elle explique que petit à petit, son équipe et elles, ont réalisé qu’elles pouvaient trouver plus d’intérêt pédagogique à partir de leur propre proposition : « plus facile après d’avoir une ligne pédagogique » et mieux encore de construire cette « ligne sur leurs « affinités ». Ainsi se sont-elles tournées vers les œuvres après avoir défini leur intention pédagogique et donc les artistes qui pouvaient répondre à leur demande, plutôt que l’inverse : « après de trouver effectivement en fonction, en fonction aussi de nos objectifs quels étaient les artistes ».

Ces énoncés renseignent sur les représentations de Stéphanie quant au rôle assigné à l’artiste, qui apparait moins comme un intervenant autonome que comme un auxiliaire d’une visée scolaire.

344SR 7juin 2012 Ah oui ! oui, oui, oui ! C’est important la place de l’artiste, là, oui !

345 MEP 7juin 2012 L’artiste donc voilà et du coup tu places aussi dans cette rencontre avec l’œuvre d’art, quand même une partie importante qui est celle de l’artiste, et donc pour toi ça a de l’importance ? Ça! Sa venue ? le fait qu’on, on, on contacte l’artiste ?

346SR 7juin 2012 Oui, d’ailleurs c’est ce que j’ai dit cette année, parce que cette année, bon on l’a rencontré l’artiste, parce qu’on a travaillé avec Loul Combres et Michèle Le Bouvier, mais aucun des deux artistes, bon, nous on les a rencontrés, aucun des deux artistes n’est intervenu auprès des enfants !

Stéphanie défend une autre dimension de la rencontre avec l’œuvre, cette petite partie où l’artiste, présent, vivant, vient travailler à l’école, avec les élèves. Elle apprécie cette place qu’il peut prendre d’ailleurs lors de cette rencontre : « C’est important la place de l’artiste, là, oui ». Stéphanie explique que cette dimension de la rencontre lui importe : « ça me manque ». Mais quel est son rôle propre ?

Dominique DORE, sculpture, 2009 Loul COMBRES Michèle LEBOUVIER, Lei

Les élèves peuvent éventuellement rencontrer des œuvres au musée, mais ils rencontrent exceptionnellement les artistes.

364SR 7juin 2012 Et le but de la Petite Galerie c’est aussi de... pas de désacraliser, mais de se dire que l’œuvre d’art c’est un travail, c’est, y a une réflexion

366SR 7juin 2012 C’est pas quelque chose hop (claquement de doigts) comme ça, donc y a quand même une personne qui est à l’origine de cette réflexion-là,

La présence de l’artiste permet en particulier de faire passer l’œuvre d’un statut d’objet à un statut d’artefact, de produit, et à déplacer l’attention de l’objet vers le processus de création : « se dire que l’œuvre d’art c’est un travail » par exemple noue inévitablement avec une réalité physique de l’acte de fabriquer. L’œuvre s’anime lorsque l’artiste est présent. On passe d’un questionnement centré sur Qu’est-ce que c’est ? à Comment tu l’as fait, un travail, exactement comme celui qu’on va leur proposer en atelier, et même pourquoi tu l’as fait ? ou Qu’est-ce

que tu en penses ? ; « y a une réflexion », finit par dire Stéphanie. Elle traduit l’effet de la

restitution d’un contexte de production par désacralisation : la rencontre ne se fait plus seulement avec des objets distants, mais avec une personne : « y a quand même une personne qui est à l’origine de cette réflexion-là ». Le processus de médiation est d’abord une interaction incorporée.

350SR 7juin 2012 Et d’ailleurs tu vois quand on réfléchissait, tu vois avec le choix, quand on était contre pour le moment le choix d’œuvres au FRAC,

352SR 7juin 2012 Je dis pas qu’il en faut pas, mais c’est encore plus s’éloigner de cette rencontre-là ! Pour moi ! 353 MEP 7juin 2012 Mais parce que les œuvres du FRAC, y a….on peut faire venir les artistes ?

354SR 7juin 2012 On peut quand même ? 356SR 7juin 2012 Ah bah moi je savais pas

358SR 7juin 2012 Eh ben si c’était juste faire venir les œuvres, et point final … je trouve que le contact est très important parce que, à la fois ben les gamins y peuvent avoir l’occasion d’aller dans les musées avec leurs parents,

362SR 7juin 2012 Justement, tu rencontres une œuvre, mais t’as pas l’occasion de rencontrer l’artiste !

On voit que l’un des leviers d’acculturation dont Stéphanie a conscience, c’est d’offrir l’occasion d’un contact « vivant » avec l’œuvre par le truchement d’une présence réelle. Elle éclaire ainsi des dimensions de la rencontre qui font écho aux modèles de la sociologie de la réception : pratiquer l’œuvre, c’est re-créer un monde (Goodman, 1992 : 165-182) et de fait interagir avec d’autres. La rencontre n’est pas seulement mettre des œuvres dans la salle de classe, dans la Petite Galerie « juste faire venir les œuvres », parce que cette rencontre-là, ils

peuvent la faire avec les parents, l’école apporte en plus le « contact » avec les artistes, qui est d’abord une expérience physique dont on peut mesurer l’importance à la présence, dans les musées, lorsqu’elles sont disponibles, de traces de la présence physique de l’artiste, et de l’artiste en action : (auto)portrait, photos, et désormais films. Réelle ou reproduite, la présence de l’artiste a un puissant effet médiateur, y compris quand on a intégré la critique des théories biographiques ou expressives de l’art (Goffman, 1973 ; Bouveresse, 2008).

L’artiste donne un caractère vivant à l’œuvre. Il a un rôle capital dans la rencontre et offre une autre dimension à la rencontre. Le rôle est déterminé en fonction de l’œuvre, des lieux. Stéphanie assigne un rôle à l’artiste, qui apparait moins comme un intervenant autonome que comme un auxiliaire d’une visée scolaire. Il permet aux élèves de déplacer et ouvrir l’idée qu’ils ont de l’œuvre. C’est un puissant effet médiateur.