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DEUXIÈME PARTIE CHAPITRE 2

1. Choix d’une méthodologie d’analyse

1.3 Un exemple pour illustrer la méthodologie mise en œuvre (

reconnaissance, parce que dit Schütz, nous en avons besoin et un besoin vital (Schütz, 1987). Nous en avons besoin dans notre quotidien pour comprendre ce qui nous entoure : cette connaissance le permet. Nous avons besoin de nous repérer, d’identifier, de reconnaitre et comprendre les objets ; et lorsque les objets sont des œuvres, le fait que nous soyons dans cette reconnaissance et dans cette compréhension, prend toute sa signification. Ce qui nous amène à penser une dimension sociologique de la recherche.

Aussi, Schütz cité par Mucchielli, nous éclaire en posant que « nous sommes tous des sociologues à l’état pratique ». Nous possédons tous les clefs du quotidien de notre vie, mais encore faut-il mettre ces clefs en évidence pour les voir et passer de « voir » à appréhender et comprendre.

L’analyse devra dégager des paroles et distinguer ces connaissances ordinaires. « Nous avons une nécessité vitale d’analyser le monde qui nous entoure, afin de pouvoir y vivre. Le réel est toujours déjà décrit par les gens. Le langage ordinaire dit la réalité sociale, la décrit et la constitue en même temps » (Mucchielli, 1996). Nous pensons que cette réalité sociale est inscrite dans une réalité professionnelle, qui les rend interdépendantes.

1.3 Un exemple pour illustrer la méthodologie mise en œuvre

(

Dans cette partie, nous avons préféré illustrer la méthodologie en commentant un exemple d’analyse.

Nous avons procédé par une série de relectures successives de nos verbatims, incluant des corrections et des affinements de ceux-ci en revenant, autant que de besoin, à l’enregistrement sonore. Ces relectures ont été au départ « intuitives », puis progressivement outillées pour devenir plus méthodiques, même si comme nous l’avons dit, nous n’avons pas fait un usage systématique de logiciels d’analyse de contenu, car le paramétrage complet de ceux-ci aurait nécessité… d’avoir fait l’analyse de notre corpus suffisamment réduit pour être encore accessible par une démarche « manuelle ».

Nous avons tout d’abord opéré une approche sémantique-thématique, en collectant et en classant soit des unités lexicales soit des expressions.

Les catégories utilisées sont de deux natures : des catégories thématiques désignées par un mot-clef supposé synthétiser le « thème » du contenu propositionnel (ce dont on parle), et les

actes de langage / actes cognitifs associés à ces contenus (ce que fait / pense / ressent le locuteur : exprimer des jugements, des opinions, des réactions affectives, etc.).

Nous donnons ici un aperçu de cette technique.

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Les lectures théoriques primordiales ont permis la constitution de catégories et d’items, puis des regroupements dans des grilles qui s’adaptaient en fonction de l’avancée des hypothèses, de l’existence et / ou de concrétisation de compétences professionnelles au travers des rencontres avec l’œuvre.

La refonte de la partie théorique nous permet de réajuster les analyses et de classer en quatre grands groupes les résultats obtenus, cherchant à vérifier, confirmer, ou rendre hésitantes les hypothèses.

Dans un premier temps, le corpus est découpé en unités thématiques sommaires (la continuité est assurée par le même thème principal d’un tour de parole à l’autre) : nous identifions ainsi des épisodes thématiques d’une certaine durée (en interaction, échanges et intervention, tours de parole) qui permettent de proposer une sorte de synopsis.

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Synopsis développé en épisodes ou thèmes Numérotation Thèmes

1 à 38 1 Installation et enthousiasme du projet arts et sciences /

39 à 46 2 Transfert des possibilités de notions dans les deux disciplines arts et sciences, éducation au regard

47 à 49 3 Changement de point de vue de l’équipe : ouverture aux œuvres

50 à 56 4 Reconnaissance

57 à 62 5 Les œuvres ne font plus peur, un modèle didactique se crée 63 à 68 6 Les œuvres ont une fonction, rendre sensible

69 à 74 7 La petite galerie forme à la rencontre avec l’œuvre 75 à 82 8 Partager et motiver les enseignants

83 à 93 9 L’œuvre qui convient, l’œuvre qui rejoint ou non les attentes des collègues.

A partir de ces épisodes thématiques / unités sémantique de temps, nous avons mis en place un tableau qui présente pour chaque entretien leur synopsis (Cf. Annexes tome 4, analyse

longitudinale des entretiens, p. 966).

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Progressivement, par comparaison d’un entretien à l’autre, nous dégageons un outil d’analyse qui s’organise de la manière suivante :

Un premier état de notre modèle d’analyse, dont nous retracerons plus loin la genèse progressive et que nous commenterons plus en détail, s’organise selon deux niveaux

hiérarchisés, quatre axes correspondant aux catégories-clefs de notre problématique, subdivisés de manière souple en sous-catégories correspondant à des notions-clefs.

AXE 1 « Rapport à » : éléments référant à la biographie et au rapport (personnel) à l’œuvre

Les éléments qui renvoient aux propres expériences de rencontre de l’interlocuteur

L’analyse commence par le rapport aux œuvres du rapport au savoir au rapport à l’œuvre :

rapport, relation, réception. Nous posons les rencontres personnelles d’œuvres comme un

élément qui pourrait expliquer quelques postures et comportements d’enseignant, enfin nous le supposons.

AXE 2 « Conception » : éléments référant aux conceptions donc à la théorie personnelle :

Ce qui concerne les conceptions qui sous-tendent les choix professionnels fondamentaux, à savoir la « théorie personnelle de l’art et de l’œuvre » des enseignants

Le rapport à l’œuvre, l’existence d’une conception personnelle de l’œuvre, de l’art et de l’histoire de l’art (comportements, indices, traces, repères).

AXE 3 « Didactique » : éléments référant aux choix et options didactiques et aux gestes de métier, gestes professionnels

Ce qui concerne le travail de préparation de l’action didactique, soit le matériel didactique produit par les enseignants, les supports, les dispositifs et les consignes a) dans le calendrier annuel b) dans des séances précises.

AXE 4 « Professionnalité » : éléments référant à la capacité réflexive et adaptative, manifestée dans la mise en œuvre et le traitement des incidents Ici nous regroupons les éléments qui informent sur la capacité à réfléchir de manière dynamique au métier et à nourrir des capacités d’adaptation, indices du développement professionnel. Ce qui concerne le travail dans les phases de mise en œuvre, et en particulier Les imprévus (Jean, 2011) ou autres « incidents critiques » (Flanagan56, 1954) sont mis en avant dans cet axe, parce que nous pensons qu’ils jouent un rôle dans l’ensemble des trois autres axes. Ils permettent également de prendre en considération des faits, des sentiments et parfois des comportements des acteurs concernés. Nous pensons que certains participants ont pu prendre conscience de leurs attitudes déterminées et en leurs interprétations du comportement des autres personnes. Ces incidents critiques permettent la mise en relief de l’expérience quotidienne et souvent invisible « qui nous en a fait découvrir tout le potentiel pédagogique » (Bouchard, Calvez, Joly, 2005)57.

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Définition donnée par Flanagan : « Par incident, on entend toute activité humaine observable qui est suffisamment complète en elle-même pour qu'on puisse, à partir d'elle, faire des inductions et des prévisions sur l'individu qui accomplit l'action » (Flanagan, 1954 : 27).

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L’expression est équivoque. Elle est attachée à l’analyse du poste particulièrement dans l’aviation, au travail en Amérique du Nord, au Canada. « L’enseignement par incident critique » a fait l’objet de recherche dans les décennies 1970-2000. Les recherches de Bruno Bouchard, Vincent Calvez et Allain Joly approchent de l’incident critique des modes d’enseignement en classe, cf. XIVème Conférence Internationale de Management Stratégique, Pays de la Loire, Angers, 2005.

Nous allons extraire de l’ensemble des analyses thématiques deux exemples pour clarifier nos propos et tenter d’apporter des arguments à notre méthode. Ils nous permettent de vérifier l’organisation, la performance et l’efficacité de la grille que nous utilisons et d’y amener les corrections nécessaires.

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AXE 1 : Cathy rencontre l’œuvre d’art dans son enfance, elle a un rapport à l’œuvre très affectif, avec l’expérience plastique qu’elle vit et revit dans cette évocation au travers de celle de sa grand-mère, « qui se régalait ». Ce rapport à l’œuvre est aussi ancré dans la tradition familial : « Oui, quand même une ligne ». Elle a eu une enseignante au collège, en arts plastiques qui lui a apporté un outil pour regarder les œuvres : une grille. On peut donc penser que son rapport à l’œuvre est aussi ancré dans la pratique plastique. La pratique manquait, alors elle a intégré la pratique et la manipulation à la rencontre avec l’œuvre.

Initiales CM CM 11 JANVIER 2012

AXE 1

Biographie, rapport à

La grand-mère de Cathy a donné, le plaisir ou l’envie de pratiquer l’aquarelle, même si elle s’y est essayée, ce n’est pourtant qu’à l’école, au collège qu’elle a eu une enseignante qui lui a donné des clefs pour comprendre les œuvres : un outil, une grille de lecture

Extraits du verbatim 24CM 11 janvier 2012 : elle nous expliquait l’œuvre et j’aimais bien euh…ce coté-là ! si tu veux, …c’est la première fois que, j’ai parlé, euh…que j’ai entendu parler de la composition d’un tableau…

50 CM 11 janvier 2012 : Oui y a quand même une ligne ; j’ai vu ma grand-mère peindre quand j’étais petite, elle avait essayé de m’apprendre, bon, moi je….elle était très académique donc ça passer pas coté méthode, …. mais je me rappelle de ma grand-mère en face d’un paysage et du, du …comment elle se régalait et de, euh….de ce que je voyais rendre du, du…paysage sur, euh…l’aquarelle quoi !

154 CM 11 janvier 2012 : Oui et il faut que ça soit…agréable, il faut que ce soit agréable, il faut que ce soit un moment de plaisir, donc y vont se régaler si … ils vont un peu patouiller et puis qu’après ils voient, « ah ! bah ! tiens ce monsieur, il patouille mieux que moi », à la limite, mais ils vont rentrer dedans à chaque fois que je parle d’un artiste j’essaie d’avoir une photo de l’artiste et une photo de l’artiste en train de travailler…

AXE 2 : Cathy laisse les élèves devant les œuvres partager ce plaisir et le donne comme expérience aux élèves. Elle a la conviction que l’approche de l’art se partage, que l’école doit offrir aux élèves, ce qu’ils ne connaissent pas, puisqu’elle a eu cette chance elle veut le transmettre aux élèves. Elle fait rencontrer l’œuvre aux élèves. On a la même conviction d’une mission sociale de l’école. Les occurrences « régalait, envie » vont dans le sens du rapport à l’œuvre, tandis que « agréable », « moment de plaisir » se rapporte à celui de la conception personnelle de l’art.

AXE 2

Conceptions et théorie personnelle

Cathy insiste sur l’émotion que doit procurer une œuvre, sur les principes de partage et d’échange et surtout sur une conception personnelle de l’art qui doit être manipulé, toucher, dans tous les sens possibles, pour être comprise.

les occurrences comme « patouiller », « se régaler », « magique » ou « prendre plaisir », montre un attachement à une conception personnelle spécifique, qui met en avant le fait que l’œuvre est source de plaisir

Occurrences remarquables (logiciel Tropes©)

La trouille, se régaler, prendre plaisir Patouiller, sensoriel, magique

Extraits du verbatim Si on veut que les élèves voient des œuvres, il faut les emmener

Pratiquer (rapport à l’œuvre) permet de connaitre les œuvres, l’art en général Une approche par la manipulation

Travailler sur le détail, de près Chercher à utiliser le corps

L’émotion comme centre de la relation à l’œuvre, l’art donne de l’émotion

AXE 3 : sur le plan professionnel Cathy met tout en place pour que les élèves puissent faire agréablement des rencontres avec l’œuvre. La pratique plastique devant les œuvres est essentielle et pour se faire elle prévoit un « avant » la rencontre. Un travail d’observation, de dessin, proposant au regard une « habitude ». Elle outille ses élèves avant la rencontre avec l’œuvre. Elle cherche les œuvres qui conviennent le mieux à l’âge et à l’intérêt des élèves : « la machine » ça les intéresse.

AXE 3

Options didactiques

Sur l’axe de l’agir professionnel, Cathy met tout en place pour la rencontre avant ou après, et ménage l’effet de surprise

il faut du temps pour choisir les œuvres: ça se fait en deux étapes, une première visite pour elle, puis une visite qui va l’aider à conduire la rencontre avec ces œuvres-là précisément On retrouve les mêmes caractéristiques sur les activités à proposer devant les œuvres : faire devant l’œuvre, produire devant l’œuvre

Principes généraux Aller voir des œuvres, et toucher, les œuvres

Mise en place de la rencontre le plus régulièrement possible

Mettre en place des situations amusantes de rencontre : toucher les œuvres de Maillol Aller au musée

Se déplacer pour aller voir les œuvres. Bouger pour trouver des solutions pour comprendre les œuvres

Travailler devant les œuvres pour apprendre à se souvenir Exemples de

consignes

Dessiner, détailler, regarder de près observer

Dessiner devant les œuvres le plus possible, dire, parler, verbaliser, sur ce qu’on touche Prendre les planches et aller dehors dessiner

Extrait du verbatim 378 CM 11 janvier 2012 : ……….Peut-être Maillol,……….. peut-être Maillol, parce que ………euh …. On en avait parlé, on avait travaillé sur, sur le nu, sur le croquis et euh…ils se sont retrouvés euh…au palais des congrès il y en a une qui est enfin n’est pas sur un socle, qui est, enfin le socle est petit, elle est à hauteur de toucher et ils ont étaient tous autour de la statue en train de la toucher alors évidement les fesses les toutounes et puis ça rigolait.

AXE 4 : l’événement important est celui de la confusion entre Piet Moget et Claude Monet. Cet événement est intéressant parce qu’il montre que les élèves ne se posent pas la relation au temps, ils sont trop petits, mais bien plus à la personne. Ils ont compris que l’artiste avait une place et même s’il y a erreur, il y a sans doute un élément important qui signale qu’ils ont compris que l’œuvre n’existe pas sans l’artiste. Et c’est ce que Cathy essaie bien sûr de mettre en avant.

L’autre événement montre également la difficulté que rencontre l’enseignant lorsqu’il parle de la matière de l’œuvre. La possibilité de toucher et de s’en amuser est pour Cathy un moyen de mémoriser l’œuvre d’une certaine manière, par le corps.

AXE 4

Réflexivité et incidents

Concernant les événements, nous avons retenu bien sûr l’événement drôle de confusion des élèves de Piet Moget avec Claude Monet. Les tâches précises comme le dessin, de détail mettent en évidence un choix sur la qualité de l’observation qu’elle souhaite mener avec les élèves

Extraits du verbatim Les expérimentations devant les œuvres de Maillol, toucher les fesses, les seins, le corps, mais en même temps, c’est toucher la matière de la sculpture, toucher la matière et réagir, rigoler, se régaler devant les œuvres.

378 CM 11 janvier 2012 : ……….Peut-être Maillol,……….. peut-être Maillol, parce que ………euh …. On en avait parlé, on avait travaillé sur, sur le nu, sur le croquis et euh…ils se sont retrouvés euh…au palais des congrès il y en a une qui est enfin n’est pas sur un socle, qui est, enfin le socle est petit, elle est à hauteur de toucher et ils ont étaient tous autour de la statue en train de la toucher alors évidement les fesses les toutounes et puis ça rigolait.

Ah Monsieur Monet, en voyant Piet Moget :

162 CM11 janvier 2012 : Alors ! Le moment qui a été magique c’est cette année où j’avais travaillé sur Monet où on avait fait une installation au palais des Rois de Majorque sur les coquelicots et je crois que c’est la même année où on est allé au LAC et où Piet Moget est rentré dans la salle et y en a qui a dit « oh c’est Monsieur Monet ! » …parce qu’il a vu Piet

Moget arriver avec… (rire)

Tâches spécifiques remarquées

Dessiner, détailler, regarder de près observer

Dessiner devant les œuvres le plus possible, dire, parler, verbaliser, sur ce qu’on touche Prendre les planches et aller dehors dessiner

Activités spécifiques remarquées

Aller au musée Aller voir des œuvres

Se déplacer pour aller voir les œuvres.

Travailler devant les œuvres pour apprendre à se souvenir ; Bouger pour trouver des solutions pour comprendre les œuvres Occurrences

remarquables

(manuelles + parfois logiciel Tropes©)

La trouille, se régaler, prendre plaisir Patouiller, sensoriel, magique Je suis une bricoleuse

Ce tableau pris en exemple sera constuit au fil des analyses.