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B. M OYENS PRÉVENTIFS DE RÉSOLUTION DES CONFLITS

1. La médiation

La médiation est souvent désignée comme voie extrajudiciaire par excellence et a fait ses preuves dans le domaine du droit de la famille, en particulier dans les cas de divorce et de séparation. Nous dirons en guise d’introduction, qu’en 2008, la Suisse a instauré au niveau fédéral, dans son Code de procédure civile, la priorité aux règlements extrajudiciaires des litiges158. Plusieurs voies s’offrent aux justiciables en matière civile : la médiation, la conciliation et la négociation. Nous traiterons uniquement de la médiation, pertinente pour notre sujet.

1.1 Définition

Il s’agit d’une méthode basée sur un processus de dialogue et de communication avant tout.

Elle tend à amener les personnes en conflit à collaborer et à rechercher par elles-mêmes une solution satisfaisante pour tous, ceci à l’aide d’un médiateur (nous expliquerons plus loin le rôle du médiateur). La médiation peut intervenir à tout moment, avant, pendant ou après toute procédure judiciaire159. Sa priorité est de permettre aux parties de retrouver une relation sereine, elle n’a pas pour but de régler le passé.

La médiation présente de nombreux avantages par rapport aux voies traditionnelles de résolution des conflits (procédure judiciaire ou arbitrage), elle est plus constructive, plus rapide et meilleur marché160. Autre avantage de la médiation, c’est qu’elle prend en compte des aspects qui ne sont pas retenus dans la justice traditionnelle, à savoir, les émotions, préoccupations, motivations, besoins, valeurs et intérêts des parties. Par ailleurs, contrairement à la voie judiciaire – qui implique un gagnant et un perdant, avec pour ce dernier un sentiment de frustration – la médiation tend vers une solution dite « gagnant-gagnant »161.

Dans le domaine familial, en particulier dans le cadre d’une séparation, la médiation accompagne les parents dans une transition souvent difficile, ils doivent construire une nouvelle relation basée sur la coparentalité. Autrement dit, l’enjeu est de remplacer le couple conjugal par le couple parental après la séparation162. Le choix du mode de garde est souvent au cœur des discussions, ainsi les parents peuvent dans le cadre de la médiation se mettre d’accord sur son organisation, en tenant compte à la fois de l’enfant mais aussi de leur situation personnelle et professionnelle163. Ainsi, en présence d’enfants, la médiation responsabilise les parents qui ne sont certes plus un couple, mais restent des parents et doivent assumer une parentalité à deux pour le bien de leur enfant malgré leur séparation.

1.2 Le rôle du médiateur

Le médiateur joue un rôle crucial dans le processus de communication et de dialogue. C’est lui qui va définir les modalités de la médiation, soit : le lieu de rencontre, la durée et le planning

158 VIGNERON-MAGGIO-APRILE, p.39.

159 COTTIER/WIDMER/GIRARDIN/TORNARE, rapport, p. 46.

160 VIGNERON-MAGGIO-APRILE, p. 46.

161 VIGNERON-MAGGIO-APRILE, p. 46.

162 GUY-ECABERT, N 20.

163 COTTIER/WIDMER/GIRARDIN/TORNARE, rapport, p. 46.

des rencontres, les règles de communication et de fonctionnement164. Il pose un cadre de respect mutuel, du temps de parole et des opinions de l’autre afin de restaurer la communication entre les parties165. Contrairement au juge ou à l’arbitre, le médiateur n’impose pas de solution et ne peut pas en proposer non plus, il questionne les solutions amenées par les parents pour que ces derniers trouvent la solution la plus adaptée par eux-mêmes166.

Stephan AUERBACH nous a parlé de certaines des méthodes utilisées dans les médiations.

D’abord, la méthode du « child focus » où, le médiateur fait ressurgir les émotions des parents en leur demandant de se remémorer des souvenirs heureux par le biais de photos ou vidéos. Les émotions prennent le dessus, les parents baissent leur garde et se concentrent sur leur rôle de parent. Ensuite, la technique de la « chaise vide » qui est parlante, car les parents font comme si leur enfant était là avec eux, alors qu’il ne l’est pas en réalité. La présence de l’enfant lors des médiations peut être source de pression psychique importante pour ce dernier, c’est pourquoi l’enfant ne participe que rarement aux médiations. Bien sûr, selon StephanAUERBACH

tout dépend du médiateur. Cette technique permet aux parents de s’imaginer ce que leur enfant souhaiterait s’il était là, ainsi ils ne perdent pas de vue leur ligne directrice qui est l’intérêt de leur enfant. Ces méthodes ont pour point commun de satisfaire au bien et à l’intérêt de l’enfant, ce qui est primordial.

1.3 Lien avec la procédure civile

Il n’existe aucune différence en droit suisse entre une médiation non judiciaire, en dehors de toute procédure ou avant la saisine des tribunaux, et la médiation judiciaire, recommandée par le juge167. Cela est dû au fait que le législateur suisse n’a pas légiféré sur le processus en tant que tel, en vertu de l’art. 215 CPC, il a laissé l’organisation de la médiation et son déroulement entre les mains des parties et du médiateur168. Nous verrons dans les grandes lignes, comment la médiation est déclenchée ainsi que son procédé jusqu’à sa ratification.

Au cours de la procédure, le tribunal peut conseiller en tout temps aux parties de procéder à une médiation, selon l’art. 214 al. 1 et 2 CPC, les parties restent libre de déposer en tout temps (indépendamment de toute incitation du juge) une requête commune afin d’ouvrir une procédure de médiation. Le tribunal n’est cependant pas en droit d’ordonner la médiation, il ne peut que la suggérer. En matière matrimoniale, l’art. 297 al. 2 CPC, prévoit que le tribunal peut

« exhorter les parents à tenter une médiation », cette sommation va plus loin que l’art. 214 CPC, car le juge doit faire preuve d’une certaine insistance pour convaincre les parties. À l’aune de l’art. 217 CPC, les parties peuvent demander la ratification de l’accord conclu lors de la médiation. Cette demande doit être conjointe. La ratification de l’accord aura les mêmes effets qu’une décision entrée en force.

Concernant la médiation non judicaire, l’art. 217 CPC n’est applicable que si une autorité a été préalablement saisie. Ainsi, dans le cas d’une médiation non judiciaire l’accord, peut le cas échéant, revêtir la forme d’un acte authentique exécutoire, en vertu de l’art. 347 CPC. Ce titre

164 VIGNERON-MAGGIO-APRILE, p. 48.

165 COTTIER/WIDMER/GIRARDIN/TORNARE, rapport, p. 45.

166 VIGNERON-MAGGIO-APRILE, p. 49 ; Annexe, section A, ch. 6.

167 VIGNERON-MAGGIO-APRILE p. 54.

168 VIGNERON-MAGGIO-APRILE p. 54.

authentique provient d’une institution étatique ou habilitée (notaire) il atteste la validité des signatures de chacune des parties et reflète la volonté exprimée par les parties169.

Il en ressort donc qu’en Suisse même si les moyens de résolutions non judiciaires sont fortement encouragés depuis plusieurs années ils ne peuvent être imposés aux couples, mais peuvent tout au plus être fortement encouragés.

1.4 La Suisse devrait-elle suivre l’exemple de l’Australie et du Québec ?

Nous avons brièvement évoqué le fait qu’au Québec une médiation est obligatoire pour les parents. Depuis le 1er janvier 2016, les parents qui se séparent et qui ont des enfants à charge, ont l’obligation d’assister à une séance d’information sur la parentalité et la médiation, avant d’aller devant un juge170. La séance aborde entre autres les thèmes suivants : les conséquences de la rupture des parents sur la famille, dont le choc psychologique causé par la séparation, les besoins des enfants et la communication avec l’autre parent, mais aussi le processus de médiation familiale et les aspects juridiques171. Le Ministère prend en charge les frais pour 2h30 d’informations sur la parentalité après la rupture, 5h de médiation dans le cadre de la séparation, et aussi 2h30 de médiation dans le cas d’une demande de révision d’un jugement ou d’une entente, ou encore si les ex-conjoints ont déjà bénéficié des services de médiation familiale ou s’ils ont déjà obtenu un jugement de séparation de corps172.

L’Australie, à l’instar du Québec, impose aux familles de participer à une family dispute resolution avant de saisir le tribunal173. Le juge australien, contrairement au juge suisse, lorsqu’il est saisi, peut contraindre les parties à consulter un professionnel de la résolution des conflits familiaux pour aider à résoudre le conflit et parvenir à un accord sur l’organisation et le fonctionnement de la famille post divorce174.

En Suisse, le débat est actuel, certains pensent qu’il faudrait mettre en place des moyens préventifs pour tous les couples afin de les sensibiliser aux conflits parentaux et de les responsabiliser le plus tôt possible sur leur rôle parental. « Kinder im Blick » propose dans plusieurs régions de Suisse alémanique, des cours aux parents en séparation175. Il s’agit de cours en groupe de maximum douze personnes, il y a deux groupes distincts pour que les parents ne se retrouvent pas ensemble176. Ces cours sont encadrés par des professionnels. À l’aide de conseils et d’exercices pratiques, les parents apprennent à créer une relation positive avec leur enfant afin de favoriser son bon développement, mais aussi à modeler le contact avec l’autre parent dans le meilleur intérêt de l’enfant177.

À Genève, comme nous en a parlé StephanAUERBACH, il existe le « Réseau Enfants Genève » (ci-après ; REG). Les objectifs du REG sont notamment : de collaborer avec les décideurs politiques cantonaux (législatif et exécutif) dans l’idée de créer un dispositif de soutien à la coparentalité plus cohérent et plus contraignant tenant plus compte des besoins des enfants et

169 VIGNERON-MAGGIO-APRILE, p. 58.

170 COTTIER/WIDMER/GIRARDIN/TORNARE, rapport, p. 55.

171 Ministère de la justice du Québec.

172 Ministère de la justice du Québec.

173 COTTIER/WIDMER/GIRARDIN/TORNARE, rapport, p. 55.

174COTTIER/WIDMER/GIRARDIN/TORNARE, rapport, p. 55.

175 Kinder im Blick.

176 Kinder im Blick.

177 Kinder im Blick.

identifier et promouvoir les éventuels changements législatifs nécessaire au niveau cantonal, voire fédéral178. Le REG regroupe des professionnels indépendants et des représentants d’institutions publiques et privées179. Le REG a récemment créé une association : « ScopalE – Séparation et coparentalité autour de l’enfant » visant notamment à favoriser la coopération parentale en cas de séparation/divorce dans l’intérêt supérieur de l’enfant, et organiser des formations, cours et conférences sur ces thématiques pour les parents et les professionnels180. La coparentalité n’est pas innée chez tous les couples et elle peut être mise en péril lors d’une séparation ou d’un divorce. Ainsi, l’organisation de cours sur la coparentalité et la gestion des conflits pour l’intérêt de l’enfant en amont serait un instrument efficace de prévention. Mais encore faut-il que ces cours soient contraignants et imposés par la loi à l’image de l’Australie et du Québec.