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La garde partagée : état des lieux en Suisse

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Academic year: 2022

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Master

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La garde partagée : état des lieux en Suisse

SHAHNAZARIAN, Talyne

Abstract

Ce travail s'intéresse à la garde partagée /alternée en Suisse. Il détermine d'abord les définitions juridiques de la garde alternée/partagée qui restent encore controversées, et met notamment le doigt sur le manque de consensus concernant le taux de prise en charge pour chaque parent. Puis, il est question d'une analyse des conditions juridiques pour l'octroi d'une telle garde. Ce travail contient en outre une brève comparaison de la garde alternée/partagée avec une sélection de droits étrangers. La seconde partie de ce mémoire est consacrée à l'aspect psychosocial de la garde alternée/partagée. Dans un premier temps, il s'agit des conditions psychosociales importantes pour une garde partagée/alternée, telles que : l'âge de l'enfant, la classe sociale des parents ou encore leur niveau d'étude. La place de la médiation en droit de la famille et son importance sont analysées dans un deuxième temps. Enfin, ce travail met l'accent sur le besoin de promouvoir d'avantage les règlements à l'amiable de conflits en Suisse, surtout pour le bien et la protection de l'enfant.

SHAHNAZARIAN, Talyne. La garde partagée : état des lieux en Suisse. Master : Univ.

Genève, 2020

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:138018

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(2)

Année académique 2019-2020

La garde partagée : état des lieux en Suisse

Travail de mémoire effectué sous la direction du Professeur Gian Paolo ROMANO et de Monsieur Vito BUMBACA

Dans le cadre du séminaire « La protection internationale de l’enfant »

Talyne SHAHNAZARIAN

(3)

Table des matières

REMERCIEMENTS ... 3

TABLE DES ABRÉVIATIONS ... 4

I. INTRODUCTION ... 5

II. L’AUTORITÉ PARENTALE ... 5

III. LA GARDE ... 6

A. ANCIEN DROIT ET DROIT ACTUEL ... 6

1. Ancien régime ... 6

2. Régime actuel ... 7

IV. LA GARDE PARTAGÉE/ALTERNÉE ... 7

A. DÉFINITIONS ... 8

1. À distinguer de la prise en charge et du droit de visite ... 8

2. À partir de quand parle-t-on de garde alternée ? ... 8

B. LES CONDITIONS RELATIVES À LINSTAURATION DUNE GARDE ALTERNÉE ... 9

1. Les conditions jurisprudentielles ... 9

2. L’intérêt supérieur de l’enfant ... 10

2.1 Définition ... 11

2.2 L’avis de l’enfant ... 11

2.3 La représentation de l’enfant ... 13

C. LA PRATIQUE DES TRIBUNAUX ... 14

1. Périodicité : doctrine et jurisprudence sur la même longueur d’ondes ? ... 14

2. La situation géographique des domiciles des parents ... 15

D. LE POUVOIR DÉCISIONNEL DU/DES PARENT(S) GARDIEN(S) ... 17

E. LE NON-RESPECT DES MODALITÉS DE GARDE PAR UN PARENT ... 18

V. DROIT COMPARÉ ... 19

A. LE DROIT FRANÇAIS ... 19

1. L’autorité parentale ... 20

2. La résidence alternée ... 20

B. LE DROIT BELGE ... 21

1. L’autorité parentale ... 21

2. L’hébergement égalitaire ... 21

C. LE DROIT QUÉBÉCOIS ... 22

1. L’Autorité parentale ... 22

2. La garde physique partagée ... 23

VI. LA GARDE PARTAGÉE : DIMENSION PSYCHOSOCIALE ... 24

(4)

A. CONDITIONS SOCIO-ÉCONOMIQUES DE LA GARDE ALTERNÉE ... 24

1. La garde alternée est-elle contrindiquée chez les enfants en bas-âge ? ... 24

2. La garde alternée/partagée : un mode de garde onéreux ... 25

3. La garde alternée réservée aux classes sociales moyennes et aisées ? ... 26

4. Vers une égalité des genres ? ... 27

B. MOYENS PRÉVENTIFS DE RÉSOLUTION DES CONFLITS ... 28

1. La médiation ... 29

1.1 Définition ... 29

1.2 Le rôle du médiateur ... 29

1.3 Lien avec la procédure civile ... 30

1.4 La Suisse devrait-elle suivre l’exemple de l’Australie et du Québec ? ... 31

2. Le modèle de Cochem et le projet de Dinant ... 32

2.1 Origines et caractéristiques du modèle de Cochem ... 32

2.2 Le projet pilote de Dinant ... 33

C. DÉBATS ACTUELS EN SUISSE ... 34

VII. CONCLUSION ... 35

ANNEXES ... 38

A. PROCÈS-VERBAL DAUDITION DE MONSIEUR STEPHAN AUERBACH (MÉDIATEUR/COORDINATEUR)(20 AVRIL 2020) ... 38

B. PROCÈS-VERBAL DAUDITION DE MADAME ALEXANDRA SPIESS (THÉRAPEUTE SYSTÉMIQUE DE FAMILLE) (27 AVRIL 2020) ... 41

C. PROCÈS-VERBAL DAUDITION DE LA DOCTORESSE SÉVERINE CESALLI (PSYCHIATRE ET PSYCHOTHÉRAPEUTE DENFANTS ET DADOLESCENTS FMH)(1ER MAI 2020) ... 44

D. RÉSEAU ENFANTS GENÈVE, CHARTE CONSTITUTIVE, ADOPTÉE LE 15 MAI 2018, ÉTAT AU 20 FÉVRIER 2020 ... 47

E. STATUTS DE L’ASSOCIATION SCOPALE-SÉPARATION &CONSTRUCTION PARENTALE AUTOUR DE L’ENFANT, SIÈGE À GENÈVE (PREMIERS ARTICLES UNIQUEMENT) ... 53

BIBLIOGRAPHIE ... 55

DÉCLARATION DE NON-PLAGIAT ... 62

(5)

Remerciements

Je tiens avant toute chose à remercier le Professeur Gian Paolo ROMANO et Monsieur Vito BUMBACA, pour leur précieuse aide et leur disponibilité. Un grand merci aux professionnels que j’ai interrogé, qui ont gentiment accepté de m’accorder un peu de leur temps. Enfin, je remercie ma sœur Melody et ma chère amie Alessia pour la relecture minutieuse de mon travail.

(6)

Table des abréviations

al. alinéa

APE Autorité de protection de l’enfant

art. article

ATF Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral suisse

CC (ZGB) Code civil suisse du 10 décembre 1907 (RS. 210) (Zivilgesetzbuch)

CDE Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 (RS. 0.107) CEDH Cour européenne des droits de l’Homme

cf. confer (voir, se référer à)

consid. considérant

CPC Code de procédure civile du 19 décembre 2008 (RS. 272)

Cst. Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS. 101)

éd. édition

édit. éditeur(s)

etc. et caetera

FF Feuille fédérale

in dans

infra ci-dessous ; plus bas

JdT Journal des Tribunaux

N note(s)

p. page(s)

phr. phrase

RJN Recueil de jurisprudence neuchâteloise RS Recueil systématique des lois fédérales

SJ Semaine Judiciaire

ss et suivant(-e-s)

supra ci-dessus ; plus haut

TF Tribunal fédéral

(7)

I. Introduction

L’introduction des art. 298 al. 2ter et 298b al. 3ter CC en 2017, a donné une importance particulière à la garde partagée/alternée. Conformément à ces dispositions, le juge dans le cadre d’une procédure de divorce ou d’une procédure de protection de l’union conjugale, ou l’autorité de protection de l’enfant1, examinent la possibilité d’une garde alternée à la demande d’un parent ou de l’enfant2. Si le Conseil fédéral décide dans son message relatif à la révision du code civil3, de faire de l’autorité parentale conjointe la règle, il n’en fait pas de même pour la garde partagée. Le Conseil fédéral exprime clairement ne pas vouloir imposer la garde partagée aux parents afin de préserver l’autonomie de chaque famille.

Bien que la garde partagée ou alternée semble être la solution idéale pour l’enfant et pour les parents dans l’esprit de chacun y compris celui du législateur suisse, force est de constater qu’elle n’est pas aussi populaire en pratique. Nous verrons qu’une liste importante de critères juridiques doit être remplie, en parallèle, des conditions matérielles, financières, mais aussi psychosociales, doivent implicitement être réunies afin que la garde partagée/alternée puisse fonctionner. L’absence de l’une ou l’autre condition, voire plusieurs d’entre elles simultanément, est très souvent un frein à l’instauration de ce type de garde. La position de l’enfant est capitale à nos yeux, l’enfant étant l’acteur le plus vulnérable dans une famille et même dans la société. Nous verrons quelles sont les infrastructures existantes afin d’accompagner les familles et surtout garantir le bien de l’enfant, et si elles sont suffisantes.

Nous parlerons brièvement de l’autorité parentale, puisque l’autorité parentale conjointe est la condition sine qua non à l’instauration d’une garde partagée (II). Nous tenterons par la suite de définir la notion de garde, nous verrons si les notions de garde alternée et de garde partagée sont des synonymes ou non (III). Puis, il sera question d’une petite étude de droit comparé avec quelques droits étrangers qui nous ont semblé pertinents (IV). Enfin, la dernière partie de ce travail sera consacrée à l’aspect psychosocial, notamment les conditions sociales du point de vue de l’enfant mais aussi des parents (V). Enfin, nous clôturerons ce travail en exploitant quelques solutions envisageables pour l’avenir en termes de prévention des conflits en évoquant certaines structures mises en place dans d’autres pays mais aussi en Suisse.

II. L’autorité parentale

Afin de contextualiser la garde et de mieux la comprendre, il est important de discuter en premier lieu de l’autorité parentale, puisque la garde est en lien très étroit avec celle-ci.

1 L’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA) a remplacé les autorités tutélaires. Dans un souci d’harmonisation, toutes les décisions en matière de protection de l’enfant et de l’adulte sont soumises à une même autorité interdisciplinaire depuis 2013. Le Conseil fédéral a laissé l’organisation interne de l’APEA aux cantons, ces derniers décident du nombre de membres, et s’ils en font un organe administratif ou une autorité judiciaire.

Message du Conseil fédéral concernant la révision du Code civil suisse (Protection de l’adulte, droit des personnes et droit de la filiation), du 28 juin 2006, FF 2006 6635, 6638.

Le juge intervient dans tous les cas où la question de l’autorité parentale se pose dans le cadre d’une procédure matrimoniale. Dans tous les autres cas, la compétence est en principe donnée à l’autorité de protection de l’enfant.

Message du Conseil fédéral concernant une modification du Code civil (autorité parentale), du 16 novembre 2011, FF 2011 8315, 8332.

2 COTTIER/CLAUSEN, p. 167.

3 Message du Conseil fédéral concernant la révision du Code civil suisse (Entretien de l’enfant), du 29 novembre 2013, FF 2014 531, 546.

(8)

L’autorité parentale est régie par les art. 301ss CC, elle appartient aux parents juridiques de l’enfant et peut être définie comme un « droit-devoir » incombant aux parents de veiller au bien de l’enfant et d’assurer son éducation par la prise de décisions4. À partir du 1er juillet 2014, la nouvelle teneur de l’art. 296 CC a instauré le principe de l’autorité parentale conjointe, indépendamment de l’état civil des parents. Le but étant, selon la volonté du législateur, que ce principe serve avant tout à l’intérêt de l’enfant, que les parents soient mariés ou divorcés5. Concernant les parents non mariés, ils doivent manifester leur volonté d’assumer l’autorité parentale conjointement en remplissant un simple formulaire, qu’ils remettent à l’autorité de protection de l’enfant. Pour cela, il faut que le père ait reconnu l’enfant ou qu’un jugement de paternité ait été prononcé6.

L’art. 298 al. 1 CC octroie au juge la possibilité d’attribuer l’autorité parentale exclusivement à l’un des parents dans le cas où le bien de l’enfant l’exige, à noter qu’il s’agit là de l’exception à la règle. Cependant, l’autorité parentale conjointe ne signifie pas que les parents s’occupent de l’enfant chacun la moitié du temps. En d’autres termes, bien que l’autorité parentale conjointe soit désormais la règle, nous verrons qu’elle n’implique pas nécessairement une garde alternée ou partagée c’est pourquoi nous allons décortiquer le processus qui mène à l’instauration d’une telle garde.

III. La garde

A. Ancien droit et droit actuel

La notion de garde a évolué au cours de ces dernières années, nous ferons une analyse rétrospective en détaillant brièvement l’ancien droit sur la garde afin de mieux cerner le droit actuel.

1. Ancien régime

Sous l’ancien droit, il était question de « droit de garde » (« Obhutsrecht ») qui découlait directement de l’autorité parentale et permettait de déterminer le lieu de résidence et le mode d’encadrement de l’enfant. Autrement dit, si « le droit de garde » était retiré à l’un des parents, ce dernier n’avait plus aucun droit sur la détermination du lieu de résidence de son enfant. De la même manière, si l’autorité tutélaire retirait le « droit de garde » aux père et mère dans l’intérêt de l’enfant, ils perdaient cet élément primordial de leur parentalité, à savoir le droit de déterminer le lieu de résidence de leur enfant. Lorsque l’enfant était confié à des tiers, on parlait de garde de fait (die faktische Obhut), (custodia)7 qui se définit comme l’encadrement quotidien de l’enfant et l’exercice des droits et des devoirs liés aux soins et à l’éducation courante8. Nous comprenons bien que l’ancien droit créait un déséquilibre entre les parents, si l’un d’eux se voyait retirer la garde. Ainsi, dans l’hypothèse où l’un des parents était seul détenteur de la

4 BURGAT, N 11.

5 CHOFFAT, p. 176.

6 CHOFFAT, p. 178.

7 MEIER/STETTLER, N 462.

8 ATF 142 III 617 consid. 3.2.2.

(9)

garde, il pouvait (sous réserve d’un abus de droit) déménager à l’étranger avec l’enfant sans l’accord du juge, puisque la garde comprenait le droit de déterminer le lieu de résidence9.

2. Régime actuel

À partir du 1er juillet 2014, le droit de garde est abandonné, et désormais remplacé par le droit de déterminer le lieu de résidence, ce dernier étant inhérent à l’autorité parentale10. La notion de « droit de garde » étant devenu obsolète, nous parlons aujourd’hui tout simplement de garde, dans sa dimension générique de garde de fait (faktische Obhut)11. Celle-ci se définit comme le fait de vivre en communauté domestique avec l’enfant et de lui donner tout ce dont il a besoin quotidiennement pour se développer de manière harmonieuse sur les plans physique, affectif et intellectuel. Le fait que le mot « droit » ait été retiré n’ôte pas le caractère juridique de la garde, bien au contraire, elle octroie la prérogative à son titulaire de déterminer les moyens mis en œuvre afin de parvenir à la meilleure éducation possible12.

C’est en somme, le contenu résiduel de l’ancien « droit de garde » après en avoir extrait le droit de fixer le lieu de résidence13. Ainsi, en vertu du droit actuel, le parent qui ne détient pas l’autorité parentale est privé de la garde et donc du droit de fixer le lieu de résidence de l’enfant14. En effet, selon GLOOR15, une grande partie de la doctrine estime que le concept de garde post révision correspond à la notion de garde de fait avant la révision.

Nous remarquons que la transition entre l’ancien droit et le nouveau droit peut porter à confusion, en particulier pour les non-juristes. Certains auteurs comme GLOOR et CESALLI, reprochent un manque de clarté et de définition légale uniforme de la garde. GLOOR va même plus loin, en alléguant que le terme de garde devrait être remplacé par la notion de prise en charge16. Quant à CESALLI, elle estime que le terme de garde est trop fort et fait penser à l’appartenance de l’enfant à ses parents17. Selon elle, ce terme pourrait être remplacé par

« résidence » à l’aune du droit français, ou encore par celui d’« hébergement » utilisé en Belgique18.

IV. La garde partagée/alternée

Maintenant que nous avons défini de manière précise le terme de garde à proprement parler, nous pouvons à présent nous intéresser à la garde alternée/partagée. Est-ce que la garde partagée et la garde alternée sont des synonymes ?

9 ATF 136 III 353, consid. 3.3 et 3.6, Jdt 2010 I, p. 491, le Tribunal fédéral confirme l’autorisation de déménager pour la mère avec son enfant en Tchéquie, étant l’unique détentrice du droit de garde. Il précise que la scolarisation de l’enfant en Tchéquie est incluse dans le droit de fixer le lieu de résidence, découlant lui-même du droit de garde.

10 ATF 142 III 617, consid. 3.2.2.

11 ATF 142 III 617, consid. 3.2.2. Cf. supra, ch. 1.

12 BUCHER, l’autorité parentale conjointe, N 83.

13 MEIER/STETTLER, N 886.

14 HELLE, commentaire BOHNET/GUILLOD, N 67.

15 GLOOR, p. 343.

16 GLOOR, p. 343.

17 CESALLI, p. 210.

18 CESALLI, p. 210. (Pour les droits français et belge, cf. chap. IV).

(10)

A. Définitions

En cas d’autorité parentale conjointe, la garde peut être octroyée exclusivement à un parent (garde exclusive) ou être partagée avec l’autre parent (garde alternée ou partagée) soit par accord des parents, soit à défaut d’accord, par une décision du juge ou de l’autorité de protection de l’enfant19. Si le Conseil fédéral a émis une légère distinction entre les notions de garde alternée et de garde partagée, cette distinction n’a pas été suivie par la doctrine et la jurisprudence20, même si on observe une tendance des tribunaux à privilégier la notion de garde alternée. La loi quant à elle, utilise expressément la notion de garde alternée dans les art. 298 et 298b CC. Selon le Conseil fédéral, une garde alternée signifie que les parents ont la garde de l’enfant de manière plus ou moins égale, tandis que la garde partagée implique que les deux parents participent à la prise en charge de l’enfant, par exemple avec les modalités suivantes, quatre jours pour la mère et trois jours pour le père21. Nous pouvons en déduire que la garde partagée est caractérisée par des temps de prise en charge plus variables22. Mais force est de constater que les définitions données par le Conseil fédéral sont pratiquement similaires, du moins, la différence entre les définitions reste très subtile. Cette distinction existe aussi dans la langue allemande, mais c’est principalement la notion d’alternierende Obhut (garde alternée) qui est utilisée, la notion de geteilte Obhut (garde partagée) n’étant que rarement utilisée. Ainsi, nous suivrons dès lors la doctrine et la jurisprudence en considérant les deux notions, à savoir la garde partagée et la garde alternée, comme équivalentes.

1. À distinguer de la prise en charge et du droit de visite

Il est important de bien distinguer la garde de la prise en charge (die Betreuung). La prise en charge n’est pas une notion juridique contrairement à la garde, elle n’est pas définie par la loi, la doctrine la qualifie de notion de pur fait23. Il s’agit d’une notion plus large, qui comprend toute personne qui assume la charge de l’enfant par la garde, le droit de visite en vertu de l’art.

273 al. 1 CC, ou par délégation (parents nourriciers selon l’art. 300 CC, par exemple les grands- parents).

Brièvement, le droit de visite appartenant au parent non-détenteur de l’autorité parentale ou de la garde, permet à ce dernier et à son enfant mineur d’entretenir réciproquement des relations personnelles selon l’art. 273 al. 1 CC. Ainsi, la garde alternée et les droits de visite ne sont pas compatibles24.

2. À partir de quand parle-t-on de garde alternée ?

La garde partagée (ou alternée), signifie que les parents exercent l’autorité parentale conjointement et se partagent la garde de l’enfant de façon alternée pour des périodes plus ou

19 COTTIER/WIDMER/GIRARDIN/TORNARE, la garde alternée, p. 299.

20COTTIER/WIDMER/GIRARDIN/TORNARE, la garde alternée, p. 301.

21 Message du Conseil fédéral concernant la révision du Code civil suisse (Entretien de l’enfant), du 29 novembre 2013, FF 2014 531, 553.

22 COTTIER/WIDMER/GIRARDIN/TORNARE, la garde alternée, p. 301.

23 COTTIER/WIDMER/GIRARDIN/TORNARE, la garde alternée, p. 300.

24 SÜNDERHAUF/WIDRIG, p. 893.

(11)

moins égales. Ces périodes peuvent être fixées en jours, en semaines, voire en mois25. SÜNDERHAUF et WIDRIG précisent que la garde alternée signifie concrètement que l’enfant cohabite à tour de rôle, pour une part substantielle (au moins un tiers) chez chacun de ses parents. L’enfant ne rend pas visite à ses parents, mais partage le quotidien et les loisirs de façon alternée avec chaque parent et vit donc dans les foyers respectifs.

SALZGEBER etSCHREINER26 parlent déjà de garde alternée à partir de 30% de taux de garde pour l’un des parents. Il en va de même pour SÜNDERHAUF et WIDRIG27. Selon ces deux auteurs, la répartition temporelle peut être asymétrique, du moment que l’enfant passe au minimum un tiers du temps avec chacun de ses parents, c’est-à-dire qu’il vit quotidiennement avec chacun d’eux et passe les loisirs et les vacances respectivement avec ses père et mère. Pour illustrer ce partage temporel qu’ils qualifient d’asymétrique, ils donnent l’exemple d’un enfant qui vit une semaine par mois avec l’un des parents et passe la moitié des vacances avec ce dernier. KILDE

rejoint ces deux auteurs concernant une garde partagée avec répartition asymétrique des soins28. SÜNDERHAUF et WIDRIG précisent cependant dans une note, qu’il n’existe à ce jour aucun consensus définitif sur le décompte des jours (ou du pourcentage), ils ajoutent qu’une majorité des chercheurs approuvent ce minimum d’un tiers de temps de soins29.

B. Les conditions relatives à l’instauration d’une garde alternée

L’absence de règle en matière de garde a conduit à une jurisprudence abondante, les juges examinent ainsi l’éventualité d’une garde alternée en vérifiant toute une série de conditions qu’ils appliquent au cas par cas. Notre Haute Cour, a cependant rendu un arrêt de principe sur la garde alternée30. Si l’ancien droit ne permettait pas l’instauration d’une garde partagée sans l’accord des deux parents31, le droit actuel permet au juge, indépendamment de l’accord des parents, d’examiner si une garde alternée est envisageable à l’aune du bien de l’enfant32. Le bien de l’enfant étant le principe suprême, la garde alternée doit être avant tout compatible avec ce principe (cf. infra ch. 2). L’intérêt des parents est ainsi relégué au second plan. Les critères que nous allons examiner, sont les critères essentiels, dans l’ordre d’importance, que le juge considère à chaque fois qu’il doit trancher sur la question de la garde partagée.

1. Les conditions jurisprudentielles

En premier lieu, le juge examine si chacun des parents dispose de capacités éducatives. Les parents doivent disposer d’une bonne capacité et volonté de communication et de coopération

25 BURGAT, N 49 ; Arrêt du Tribunal fédéral 5C.42/2001, du 18 mai 2001, consid. 3.a, ;Message du Conseil fédéral concernant la révision du code civil suisse (Entretien de l’enfant), du 29 novembre 2013, FF 2014 531, 545.

26 SALZGEBER/SCHREINER, p.68.

27 SÜNDERHAUF/WIDRIG, p. 894. Cf. supra.

28 KILDE, p. 236.

29 SÜNDERHAUF/WIDRIG, note n°60.

30 ATF 142 III 617.

31 Arrêt de la Cour de justice de Genève, du 28 juin 2013, litige sur la garde de leur fille, le père souhaitant l’instauration d’une garde alternée, et la mère refusant celle-ci. La Cour précise, outre, l’incapacité des parents à coopérer, que la garde alternée ne peut être imposée à l’un des parents contre sa volonté, elle attribue la garde de la fille à la mère. Et arrêt du Tribunal fédéral 5C.42/2001, du 18 mai 2001, consid. 3d, refus d’instaurer la garde alternée à cause du refus de la mère.

32 Message du Conseil fédéral concernant la révision du Code civil suisse (Entretien de l’enfant), du 29 novembre 2013, FF 2014 531, 546.

(12)

compte tenu des mesures organisationnelles et de la transmission régulière d’informations qu’engendre la garde alternée33. À noter qu’on ne saurait déduire un manque de coopération entre les parents du seul refus de l’un d’eux à vouloir instaurer une garde alternée. En revanche, dans l’hypothèse où les père et mère souhaitent une garde partagée, celle-ci ne sera pas envisageable s’il existe un conflit grave et persistant portant sur des questions liées à l’enfant en raison de l’incompatibilité avec le bien de l’enfant, qui pour rappel, est le l’élément cardinal34. On précisera, que cette première condition est une prémisse nécessaire à l’instauration d’une garde alternée.

Si les parents disposent de capacités éducatives équivalentes, le juge examine dans un second temps, les autres critères d’appréciation qui sont interdépendants. Ces critères sont notamment, la situation géographique et la distance séparant les logements respectifs des parents, la stabilité qu’apporte à l’enfant le maintien de la situation antérieure, à savoir qu’une garde alternée sera attribuée plus facilement si les deux parents s’occupaient de l’enfant à parts égales et de façon alternée durant la vie commune, la possibilité pour chaque parent de s’occuper personnellement de l’enfant, l’âge de ce dernier et son appartenance à une fratrie ou un cercle social déterminé35. Il est également tenu compte du souhait de l’enfant quant à sa propre prise en charge, ce souhait aura une valeur plus ou moins importante en fonction de l’âge de l’enfant et de sa capacité de discernement36. Le poids de chacun des critères cités ci-dessus varie en fonction des circonstances du cas d’espèce. Chez les nourrissons et les enfants en bas âge, les critères de stabilité et de la possibilité pour le parent de s’occuper personnellement de l’enfant pèseront plus lourds que pour un adolescent, pour lequel on accordera plus d’importance à l’appartenance à un cercle social.

Le devoir d’analyser la situation concrète et particulière de chaque famille au regard du bien de l’enfant appartient exclusivement au juge et non au curateur ou à un expert37. Autrement dit, le juge établit, sur la base d’un rapport lui étant destiné et au regard des circonstances du cas d’espèce, s’il convient d’attribuer la garde partagée aux parents ou une garde exclusive à l’un d’eux. Dans l’hypothèse où le juge arrive à la conclusion qu’une garde exclusive serait plus compatible avec le bien de l’enfant, il doit déterminer auquel des parents cette garde doit être attribuée, ceci selon les mêmes critères d’évaluation, avec de surcroît, la capacité de chaque parent à favoriser le contact entre l’enfant et l’autre parent38.

Afin d’assurer une sécurité juridique et surtout d’assurer les intérêts de l’enfant, le tribunal ou l’autorité de protection de l’enfant rédigent une ordonnance en détaillant les modalités de soins, de garde et de relations personnelles.

2. L’intérêt supérieur de l’enfant

La maxime de l’intérêt supérieur de l’enfant est un principe suprême et reconnu de façon quasi universelle, elle est aujourd’hui utilisée dans de nombreux ordres juridiques comme principe

33 BURGAT/AMEY, p.2.

34 GAURON-CARLIN, p.26 ; ATF 142 III 617 consid. 3.2.3.

35 BURGAT/AMEY, p. 2 ; GAURON-CARLIN p. 24 ; ATF 142 III 617 consid. 3.2.3.

36 BURGAT/AMEY, p. 2 ; GAURON-CARLIN p. 26 ; ATF 142 III 617 consid. 3.2.3. (Pour plus de détails, voir infra, ch. 2.2).

37 GAURON-CARLIN, p.25.

38 ATF 142 III 617, consid. 3.2.4.

(13)

cardinal lorsqu’un enfant est impliqué dans une affaire. Nous allons définir cette notion, puis évoquer quelques facettes essentielles de ce principe.

2.1 Définition

L’intérêt supérieur de l’enfant est ancré à l’art. 3 al. 1 CDE39, cette convention est entrée en vigueur en Suisse à partir de 1997. Elle prescrit que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions concernant l’enfant.

Le législateur suisse parle du bien de l’enfant (« Kindeswohl ») notion encore plus large que l’intérêt de l’enfant (« Kindesinteresse »), ce dernier n’étant qu’un aspect du bien de l’enfant40. Il s’agit d’un droit constitutionnel (art. 11 al. 1 Cst). Le bien de l’enfant ne peut pas être défini de façon absolue, mais doit l’être en fonction des circonstances et de la personne ou de l’autorité qui doit appliquer ce principe41. Pour les parents, l’éducation de leur enfant doit avoir pour but de réaliser le bien de l’enfant et les mesures à prendre à cette fin doivent également servir ce bien. Pout les autorités, le bien de l’enfant est un critère décisif qui doit primer sur l’intérêt des parents42.

Par ailleurs, l’art. 133 al. 2 CC, ordonne au juge de tenir compte de toutes les circonstances importantes pour le bien de l’enfant. Le Code civil n’en dit pas plus sur ces circonstances, elles ont été explicitées par la jurisprudence du Tribunal fédéral. Ces circonstances importantes sont : les relations personnelles entre parents et enfants ; les capacités éducatives respectives des parents, leur aptitude à prendre soin de l’enfant personnellement ; l’aptitude à favoriser les contacts avec les autres parents ; les intérêts communs de la fratrie ; la stabilité des relations nécessaires à un développement harmonieux des points de vue affectif, psychique, moral et intellectuel43. Le juge doit procéder méticuleusement à cet examen en fonction des circonstances du moment présent, tout en gardant le principe de l’autorité parentale conjointe à l’esprit44.

2.2 L’avis de l’enfant

Au niveau procédural, il faut tenir compte de l’avis de l’enfant afin de respecter le bien de ce dernier. L’audition de l’enfant découle de l’art. 3 al. 1 CDE et est régit par l’art. 12 CDE. Nous avons vu que l’opinion de l’enfant est une condition parmi d’autres45, l’enfant devant être en principe, capable de discernement pour pouvoir être auditionné dans le cadre d’une procédure.

On apprécie la capacité de discernement d’un enfant en fonction d’un acte particulier, suivant la nature et l’importance de cet acte46.

39 Convention relative aux droits de l’enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, ratifiée par la Suisse le 24 février 1997, (RS 0.107).

40 MEIER/STETTLER, N 495.

41HAUSHEER/GEISER/AEBI-MÜLLER, N 15.20.

42 HAUSHEER/GEISER/AEBI-MÜLLER, N 15.20.

43 ATF 142 III 481, consid. 2.7 ; Arrêt du Tribunal fédéral 5A_985/2014, du 25 juin 2015, consid. 3.2.1.

44 MEIER/STETTLER, N 497.

45 Cf. section. B, ch. 1.

46 COTTIER/WIDMER/GIRARDIN/TORNARE, la garde alternée, p. 318.

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En droit de la famille la capacité de discernement est fixée à l’âge de douze ans47. Dans toutes les affaires concernant l’autorité parentale et la garde de l’enfant, ce dernier doit être entendu personnellement et de manière appropriée par le juge des mesures protectrices de l’union conjugale ou du divorce, ou l’autorité de protection de l’enfant, ou le tiers qui en a été chargé, à moins que son âge ou d’autres justes motifs ne s’y opposent (art. 314a al. 1 CC et art. 298 al.

1 CPC)48.

Dans la pratique, l’audition de l’enfant est possible dès l’âge de six ans révolus, afin que le juge puisse se faire une idée personnelle, car un enfant de cet âge ne sait s’exprimer de façon totalement autonome en faisant abstraction de facteurs d’influence extérieurs49. Cette audition de l’enfant ne signifie cependant pas qu’il faut directement lui demander s’il préfère vivre auprès de son père ou de sa mère50. Ce dernier point est critiqué par PRADERVAND-KERNEN, à juste titre à notre sens, car c’est précisément pour son attribution que l’enfant est interrogé, donc pourquoi ne pourrait-on pas directement lui poser la question ? Sans pour autant considérer ses dires comme l’expression libre de sa volonté et les exécuter51.

Notre Haute Cour a affirmé que « si un enfant capable de discernement refuse de manière catégorique et répétée, sur le vu de ses propres expériences d’avoir des contacts avec l’un de ses parents, il faut les refuser en raison du bien de l’enfant ; en effet, face à une forte opposition, un contact forcé est incompatible avec le but des relations personnelles ainsi que les droits de la personnalité de l’enfant »52. Dans ce sens, le Tribunal fédéral confirme le fait que le Tribunal administratif ait accordé un poids prépondérant à la volonté clairement exprimée d’une jeune fille, capable de discernement, de vouloir vivre avec sa sœur ainée chez le concubin de leur défunte mère plutôt que d’aller vivre avec son père53.

À Genève, l’enfant ne serait que rarement entendu par le juge. En effet, l’audition de l’enfant est le plus souvent déléguée au Service d’évaluation et d’accompagnement de la séparation parentale (SEASP). C’est par le biais du rapport de ce service, que le juge est informé sur la situation de la famille. Toutefois, si le juge veut entendre l’enfant, il va en informer les parents et l’enfant sera convoqué par une ordonnance adressée au parent gardien, puis une lettre adressée directement à l’enfant54. L’enfant est informé sur le fait que ses déclarations ne forment qu’un élément du dossier et que le juge seul décidera des modalités du droit de garde, et qu’il a le droit de refuser de s’exprimer55. Suite à l’audition, un procès-verbal est dressé et envoyé aux parents avec accord de l’enfant, si l’enfant n’est pas d’accord, un résumé est rédigé sur la base de notes confidentielles du juge, et transmis au parent56.

47 PRADERVAND-KERNEN, p. 343.

48 COTTIER/WIDMER/GIRARDIN/TORNARE, la garde alternée, p. 318-319.

49 PRADERVAND-KERNEN, p. 349. Cette limite d’âge n’est pas absolue, le Tribunal fédéral a jugé non arbitraire qu’un tribunal renonce à entendre une nouvelle fois des enfants âgés de cinq et sept ans, alors qu’ils avaient déjà été interrogés pour une expertise psychologique (Arrêt du Tribunal fédéral 5P.322/2003, du 18 décembre 2003, consid, 3.2).

50 ATF 131 III 553, JdT 2006 I 83 ss, consid. 1.2.2.

51 PRADERVAND-KERNEN, p. 349.

52 Arrêt du Tribunal fédéral 5A_459/2015, du 13 août 2015 consid, 6.2.2.

53 ATF 144 III 442.

54 THORENS-ALADJEM, p. 172.

55 THORENS-ALADJEM, p. 172.

56 THORENS-ALADJEM, p. 172.

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2.3 La représentation de l’enfant

Nous préciserons, en guise de remarque préliminaire, que l’enfant dispose d’un statut particulier (sui generis) dans le cadre d’une procédure de divorce, il n’est pas partie au procès, il possède le droit d’être auditionné et représenté, sous réserve d’être capable de discernement57.

L’art. 12 al. 2 CDE prévoit que l’enfant doit pouvoir être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative le concernant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’un organisme approprié, et ce en compatibilité avec les règles de procédure du droit national. Cet article garantit à l’enfant le droit de donner son avis dans le litige qui le concerne, mais ne lui donne pas le droit de former des conclusions propres comme pourrait le faire une partie à la procédure58.

En ce qui concerne notre droit national, en règle générale, selon l’art. 304 al. 1 CC, le mineur est représenté par ses représentants légaux, à savoir par les parents détenteurs de l’autorité parentale, sous réserve d’un conflit d’intérêts. Dans un tel cas, l’art. 306 al. 2 et 3 CC exclut la représentation de l’enfant par les parents. La CEDH précise « qu’en cas de conflit d’intérêt entre les parents et les enfants, il soit désigné un tuteur ad litem ou un autre représentant indépendant chargé de représenter les points de vue de l’enfant et d’informer celui-ci du contenu de la procédure »59.

Suite à la réforme sur le droit du divorce, est apparue une disposition légale qui assurait la représentation de l’enfant lorsque de justes motifs l’exigeaient (art. 146 al. 1 ancien CC)60. Le régime actuel est plus large, car les art. 299 ss CPC et 314abis CC prévoient que l’autorité compétente doit ordonner la représentation de l’enfant si nécessaire et désigner le représentant.

Il faut distinguer les cas qui relèvent de l’appréciation du juge, des cas dans lesquels la représentation doit être ordonnée61. En bref, dans le premier cas, il s’agit des situations énumérées à l’art. 299 al. 2 CPC, la nomination d’un représentant n’est donc pas automatique, mais dépend du pouvoir discrétionnaire du juge. En outre, l’art. 314abis CC énonce les cas où l’autorité de protection de l’enfant doit instituer une curatelle de procédure. Dans le deuxième cas, on parle de représentation impérative, en vertu de l’art. 299 al. 3 CPC, il s’agit des cas où un enfant capable de discernement manifeste la volonté d’être représenté. Le mineur capable de discernement peut agir seul ou par le biais de son représentant s’agissant des droits relevant de sa personnalité (au sens des art. 19c al. 1 et 305 al. 1 CC)62, la garde ou encore les relations personnelles font partie de ces droits.

En pratique, le tribunal ordonne une curatelle si les conclusions des parents divergent sur l’autorité parentale, l’attribution de la garde ou de droits de visite. Enfin, précisons que les frais d’honoraire du curateur sont assumés par les parents63.

57 HELLE, commentaire BOHNET/GUILLOD, N 30.

58 PRADERVAND-KERNEN, p. 353.

59 CourEDH, 2 février 2016, affaire N.TS et Autres contre Géorgie, n° 71776/12, par. i.

60 STETTLER, p. 58.

61 PRADERVAND-KERNEN, p. 354.

62 ATF 120 Ia 369, consid. 1.

63 THORENS-ALADJEM, p. 173.

(16)

C. La pratique des tribunaux

Il convient à présent d’analyser quelques arrêts rendus par différentes instances suisses afin d’analyser plus en profondeur certains des critères développés ci-dessus appliqués dans un cas d’espèce. Nous analyserons les critères les plus pertinents à notre sens, en particulier ceux qui apparaissent le plus souvent et posent le plus de problèmes en pratique.

1. Périodicité : doctrine et jurisprudence sur la même longueur d’ondes ?

Pour rappel, nous avons vu qu’une garde alternée ou partagée signifie que les parents se partagent la prise en charge de l’enfant pour des périodes égales, ces périodes étant fixées en jours, en semaines, voire en mois. Il s’agira à présent, de constater si les tribunaux appliquent les taux donnés par la doctrine ou au contraire s’ils s’en écartent.

Dans un arrêt du 16 décembre 2019, rendu par la première Cour d’appel civil de Fribourg, cette dernière rappelle que selon la jurisprudence une situation ou un parent s’occupe des enfants 3 jours par semaine et un weekend (14 jours au total) par mois, et l’autre le reste du temps constitue une garde alternée64. Ainsi, par application de cette définition, la Cour confirme que dans le cas d’espèce, le mode de prise en charge des parents, soit le père ayant les enfants un weekend sur deux (2 ½ jours par quinzaine) et deux soirs par semaine (1 jour par semaine) constituant un total de 9 jours par mois, et la mère ayant les enfants une vingtaine de jours par mois ne constitue pas une garde alternée mais une garde exclusive de la mère avec un large droit de visite pour le père.

Dans un autre arrêt65, la Cour de justice de Genève affirme qu’un droit de visite de 7 jours par mois pour le parent non-gardien ne correspond pas à une garde alternée, il en va de même pour un droit de visite de 8 jours ou de 10 nuits par mois. Dans cet arrêt, ce sont les nuits qui changent la donne. Selon la Cour, sur une période de deux semaines bien que le nombre de journées de prise en charge des enfants par les parents soit égal, sur cette même période, la mère prenait en charge les enfants à raison de douze nuits sur quatorze, ainsi que tous les matins avant l’école.

Dans cet exemple encore, la Cour conclut à une garde exclusive pour la mère avec un large droit de visite pour le père.

Nous remarquons que la jurisprudence des tribunaux ne suit pas exactement la doctrine au sujet du taux de prise en charge par chaque parent. Au regard de la pratique, la modalité de garde la plus rependue en Suisse romande serait la suivante : l’enfant passe un weekend sur deux (du vendredi au dimanche soir), un soir par semaine et la moitié des vacances chez son père, cela

64 Arrêt du Tribunal cantonal de Fribourg, du 16 décembre 2019, 1ère Cour d’appel civil (101 2019 247), consid.

2.2. Le père s’occupant des enfants à un taux d’environ 35-40% estimait que cette prise en charge devait être qualifiée de garde alternée, et il n’avait pas tort si on s’en tient à la doctrine, mais la Cour ne lui a pas donné raison.

65 Arrêt du Tribunal cantonal de Genève, du 15 septembre 2017, arrêt de la Cour de justice (ACJC/1143/2017) consid. 4.1. Litige entre les époux concernant la garde des enfants. Le premier juge avait considéré une garde alternée avec les modalités suivantes : les filles seraient avec leur père une semaine sur deux, à l’exclusion des nuits, soit les jours d’école durant la pause de midi et dès la fin des cours jusqu’à 20h30, un weekend sur deux, du vendredi soir au dimanche, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires ; elles seraient sous la garde de leur mère une semaine sur deux, nuits incluses, un weekend sur deux, du vendredi soir au dimanche soir et durant la moitié des vacances scolaires. On constate que les filles ne passaient pas la nuit chez le père durant les semaines où il en avait la garde. La mère critique l’appellation de cette prise en charge comme étant une garde alternée, la Cour lui donne raison.

(17)

correspond à un taux de garde de 33%66. Pour les auteurs cités plus haut (cf. supra section A, ch. 2), il s’agirait d’une garde alternée (avec répartition asymétrique), or le juge qualifie (conformément aux jurisprudences citées plus haut) le plus souvent ce partage de garde attribuée à la mère avec un large droit de visite pour le père. Il est assez surprenant de constater que dans la pratique, les tribunaux ne suivent pas la doctrine.

Concernant les alternances (Wechselfrequenz), souvent définies par semaine, doctrine et jurisprudence se rejoignent sur le fait que le critère principal est celui de l’âge de l’enfant. En pratique, la passation de garde se produit de façon hebdomadaire, dès l’entrée de l’enfant à l’école primaire, tous les quatorze jours chez les adolescents, alors qu’avant l’entrée à l’école primaire des changements plus courts sont encouragés67. Dans les modèles de garde alternée, suivant la répartition et l’âge de l’enfant, il peut y avoir jusqu’à douze changements par mois, d’où l’importance d’une bonne coopération entre les parents afin que ces douze passations se passent bien68. CESALLI donne quelques propositions d’alternance en fonction de l’âge de l’enfant : chez le nourrisson par exemple, le « nestcare » ou « bird nesting », c’est-à-dire l’alternance des parents au domicile de l’enfant serait l’idéal ; de 1 à 3 ans, il faut éviter les séparations trop longues, donc idéalement pas plus de 2-3 jours de séparation ; de 6 à 11 ans, la séparation avec un parent peut s’étendre jusqu’à une semaine maximum ; pour les pré- adolescent et adolescent cela peut aller jusqu’à deux semaines69. Il faut garder à l’esprit qu’il s’agit de recommandations qui peuvent, selon les situations, s’avérer compliquées voire impraticables en cas de tensions entre les parents.

2. La situation géographique des domiciles des parents

La distance géographique des logements des père et mère est d’une importance majeure pour l’instauration d’une garde alternée. Ici encore aucune règle légale ne précise concrètement les distances limites. Les tribunaux analysent aux cas par cas, en prenant en compte l’âge de l’enfant qui est un critère essentiel s’agissant de la distance entre les logements et de la durée du trajet que cette distance implique.

Dans un arrêt non publié70, le Tribunal fédéral rejette le recours d’un père qui conteste la garde exclusive en faveur de la mère et demande une garde alternée de leur fille. Bien qu’après la séparation un système de garde alternée avait été mis en place, le Tribunal fédéral soutient qu’elle ne sera plus praticable dès l’entrée de la jeune enfant à l’école primaire. En effet, la mère étant domiciliée dans un quartier genevois, résidence de l’enfant, c’est dans l’école du quartier qu’elle débutera l’école primaire. Le père, quant à lui, était domicilié en France à l’exact opposé géographique de la mère. Notre Haute Cour confirme qu’il n’est pas raisonnable d’imposer tous les jours, deux fois par jour, ceci une semaine sur deux, un trajet de trente minutes à un enfant de quatre ans et demi. Ces trajets constituent une source de fatigue et d’irritation chez un enfant de cet âge. D’autant plus, que les parents avaient une relation conflictuelle.

66 CESALLI, p. 210.

67 SÜNDERHAUF/WIDRIG. P. 894.

68 SÜNDERHAUF, p. 36.

69 CESALLI, p. 216.

70 Arrêt du Tribunal fédéral 5A_66/2019, du 5 novembre 2019.

(18)

Le Tribunal fédéral a affirmé qu’une distance géographique importante entre les domiciles des parents rend la garde alternée impossible71. Notre Haute Cour précise qu’une garde partagée n’est pas envisageable, si la distance entre les domiciles des parents est de 100 kilomètres en particulier si l’enfant est en âge scolaire72.

En revanche, dans un arrêt cantonal, la Cour soutient que le fait que les parents ne vivent pas dans la même localité n’empêche pas une garde alternée 73. Dans ce cas, il s’agissait d’une enfant âgée de dix ans. Le trajet entre les localités était d’environ douze minutes en voiture. Il est précisé que l’enfant était déjà habituée à ces trajets et qu’elle avait manifesté le désir de continuer à passer du temps avec chacun de ses parents.

Cependant, si les parents vivent dans deux localités différentes et qu’une autre condition essentielle à l’instauration d’une garde alternée fait défaut, la garde alternée n’est pas envisageable. Pour illustrer cela, nous citerons un arrêt cantonal74 examinant la demande du père pour l’instauration d’une garde alternée. Le père vivait dans une localité suitée à 30 km de celle de la mère, cela impliquait une heure de trajet en voiture et le double en transports publics, ce que la Cour a estimé d’intolérable pour les deux jeunes fillettes encore à l’école obligatoire.

La garde est attribuée à la mère. Ainsi, nous constatons dans cet arrêt, comme dans de nombreux autres, que ce n’est pas le critère de la distance géographique à lui seul qui a penché dans la balance. En effet, dans le cas d’espèce, le père mettait les filles dans un conflit de loyauté en critiquant leur mère, il ne favorisait pas la bonne entente et la bonne coopération avec la mère de ses enfants, mais ce critère ne pouvait pas à lui seul écarter une garde alternée non plus.

Autrement dit, la cour a retenu plusieurs éléments dont, la tendance du père à envenimer les liens entre la mère et les filles, l’éloignement des domiciles des père et mère et enfin une disponibilité plus étendue de la mère à s’occuper personnellement de ses filles.

Parfois un système de garde alternée dans deux pays différents est possible, mais cela demande une organisation accrue et ce système ne perdure en principe pas longtemps. On peut citer un cas helvético-allemand, d’un couple qui choisit la garde alternée strictement égalitaire, l’enfant passait deux semaines à Lausanne et deux semaines en Allemagne. Il fréquentait un centre de petite enfance à raison de quatre demi-journées à Lausanne, en Allemagne il était inscrit cinq journées entières par semaine au jardin d’enfant, ainsi le partage de la garde était de 49%-51%75. Si le système avait fonctionné jusque-là, il en irait différemment dès l’entrée à l’école de l’enfant, soit à l’âge de quatre ans pour la Suisse et six ans pour l’Allemagne.

Les juges analysent de la même façon et avec les mêmes critères, deux domiciles en Suisse ou un en Suisse et l’autre à l’étranger. D’abord, le bien de l’enfant doit être préservé, puis l’âge de l’enfant doit le permettre. Si la garde alternée est impossible dans le cas cité plus haut (mère à Genève et père en France à l’exact opposé géographique), pour des enfants d’environ quatre ans, elle le sera encore moins pour un bébé de deux ans. Par contre, elle serait probablement envisageable pour une adolescente de seize ans qui peut se déplacer toute seule et prendre différents moyens de transports (bus, train, scooter, etc.).

71 BURGAT, N 53.

72 ATF 142 III 502, consid. 2.3. En l’occurrence, la mère voulait quitter le domicile conjugal à Interlaken pour aller vivre à Soleure, la distance entre ces deux villes est d’environ 100 kilomètres en voiture.

73 Arrêt du Tribunal cantonal NE, du 5 septembre 2017, in RJN 2018, p. 167. (Arrêt confirmé par la IIème Cour de droit civil du TF).

74 Arrêt du Tribunal cantonal de Fribourg, du 20 septembre 2017 (Ie Cour d’appel civil), consid. 2.2.

75 BUCHER, jurisprudence, p. 251 ; Arrêt du Tribunal fédéral 5A_1021/2017, du 8 mars 2018/SJ 2018 I p. 437.

(19)

D. Le pouvoir décisionnel du/des parent(s) gardien(s)

En vertu de l’art. 301 al. 1bis CC, le parent qui a la charge de l’enfant peut prendre seul les décisions courantes ou urgentes, mais également d’autres décisions si l’autre parent ne peut être atteint dans un délai raisonnable76. Dans un arrêt cantonal, la Cour précise que l’exercice de l’autorité parentale conjointe implique que les parents prennent en principe ensemble toutes les décisions concernant l’enfant, sans qu’aucun d’eux n’ait de voix prépondérante. La Cour reprend le Message du Conseil fédéral sur l’autorité parentale77, les décisions concernant un changement de domicile, d’école ou de religion doivent être prises par les deux parents afin de respecter l’essence même de l’autorité parentale conjointe. Les décisions courantes, sont celles liées à l’alimentation, à l’habillement, les loisirs ou encore l’utilisation des médias. Mais quelles sont les limites ? Nous traiterons que de certains éléments ici en sachant qu’une analyse au cas par cas est nécessaire.

Les loisirs : une décision peut être qualifiée de courante si elle n’affecte pas le temps de garde de l’autre parent78. Si l’enfant doit donner une ou deux fois par an un concert de Noël ou de fin d’année dans le cadre de son cours de musique par exemple, cela n’affecte pas le temps de garde. Par contre, dans l’hypothèse où l’enfant s’inscrivant dans un club sportif, doit se rendre disponible tous les weekends pour des tournois ou événements de ce type, le temps de garde sera certainement entravé, raison pour laquelle le consentement des père et mère est nécessaire dans ce cas-ci79. BIDERBOST etCANTIENI80, parlent de critères objectifs et subjectifs. Ils donnent l’exemple d’une excursion en haute montagne qui paraîtrait objectivement dangereuse, la décision ne serait pas banale, il en va autrement si le père est un guide de montagne, cet élément subjectif fera pencher la balance vers une décision courante qui relève du quotidien.

Les soins : il faut distinguer les décisions de soins à court terme et à long terme. Les décisions à court terme sont des décisions de soins courantes, comme par exemple le fait d’envoyer un enfant en camps de vacances durant sa propre période de garde. S’il s’agit d’un changement permanent, l’autre parent doit intervenir, par exemple dans l’hypothèse d’une prise en charge prolongée par une crèche ou une nounou, l’autre parent doit avoir le choix de prendre en charge lui-même l’enfant.

Le changement du lieu de résidence d’un parent : le choix du lieu de résidence de l’enfant revient aux parents selon l’autorité parentale conjointe. Un parent peut déménager sans l’accord de l’autre tant que ce déménagement n’affecte pas la garde. Un déménagement à l’étranger requiert dans tous les cas le consentement de l’autre parent81. La question à laquelle le tribunal ou l’autorité de protection de l’enfant doit répondre est de savoir si le bien-être de l’enfant est mieux préservé s’il part avec le parent qui décide de déménager ou s’il reste avec l’autre parent82. Autrement dit, il ne s’agit pas de se demander s’il serait plus favorable pour l’enfant que les deux parents restent au même endroit, car cela contreviendrait au respect de la liberté d’établissement et de circulation des parents. Pour illustrer cela, le Tribunal fédéral dans un arrêt de 201683, a modifié le jugement de divorce de sorte que la garde passe de la mère au père,

76 HELLE, N 55.

77 Message du Conseil fédéral concernant une modification du Code civil (autorité parentale), du 16 novembre 2011, FF 2011 8315, 8344.

78 KILDE, p. 238.

79 KILDE, p. 238.

80 BIDERBOST/CANTIENI, p. 146.

81 Arrêt du Tribunal fédéral 5A_450/2015, du 11 mars 2016/JdT 2017 II p. 427.

82 ATF 142 III 502, consid. 2.5.

83 Arrêt du Tribunal fédéral 5A_781/2015, du 14 mars 2016/SJ 2016 I p. 377.

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