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CHAPITRE 1 INTRODUCTION

1.3. LES MICRONOYAUX SANGUINS (MN)

1.3.2 Le mécanisme de formation

Dépendamment du contenu des MN (fragments acentriques ou chromosomes entiers ou partiels), leur mécanisme de formation sera fondamentalement différent. Les fragments chromosomiques seront induits directement par des agents clastogènes et les MN contenant des chromosomes entiers ou partiels le seront par des agents aneugènes. La constitution des MN est influencée aussi bien par le type d’exposition que par des facteurs biologiques (âge et genre) et la détermination du contenu des MN est particulièrement importante quand ce test est utilisé pour la surveillance des effets génotoxiques chez l’homme [Lindberg et al, 2008].

1.3.2.1 La formation de fragments chromosomiques acentriques

Le plus souvent, les agents clastogènes altèrent les deux brins d’ADN et induisent des cassures double-brin. Ce sont souvent des agents intercalants présentant une structure chimique plane qui favorise leur positionnement entre les paires de bases ou des agents pontants établissant des liaisons covalentes entre les bases et/ou les sucres situés sur chacun des brins [Iarmacovai et al, 2007c]. Les cassures double-brin qui résultent de ces modifications représentent des lésions primaires de l’ADN particulièrement sévères, car plus difficilement réparables sans erreur. Théoriquement, si une cassure double-brin formée en phase G1 n’est pas réparée, elle se manifestera lors de la mitose par la libération d’un fragment chromosomique [Balosso et Foray, 2005], par un phénomène de rejet du fragment hors du noyau (l’exonucléose) conduisant à la formation d’un MN. Les fragments

chromosomiques sont produits avec une incidence en moyenne six à sept fois plus faible que celle des cassures double-brin, car la majorité de ces cassures serait présente dans la chromatine très condensée [Balosso et Foray, 2005].

Les agents clastogènes peuvent causer aussi des cassures simple-brin pendant la phase G1. En général, ces lésions sont réparées en-dedans d’une heure, avant le passage de la fouche de réplication. Dans le cas contraire, lors de la réplication (phase S), les cassures simple-brin sont alors converties en cassures double-brin qui peuvent être réparées par recombinaison homologue [Cortés-Ledesma et Aguilera, 2006]. Si ces cassures double-brin ne sont pas réparées, ce seront des cassures chromatidiennes qui se produiront à la mitose ou encore des délétions lorsque le fragment acentrique est perdu [Delacôte et Lopez, 2008]. Quelques exemples d’AC se trouvent à la Figure 12, page 35.

Comme nous venons de le mentionner, les fragments contenus dans les MN peuvent être de type chromatidien ou chromosomique ; cependant leur formation ne se fait pas de manière égale parce que, à la métaphase, les fragments chromatidiens sont attachés à la région homologue de la chromatide-sœur tandis que les fragments chromosomiques acentriques sont isolés de leurs chromosomes d’origine [Norppa et Falck, 2003]. Les fragments chromatidiens acentriques ne sont pas toujours séparés de la chromatide-sœur à l’anaphase et, dans ce cas, ne forment pas de MN d’une manière aussi efficace que les fragments chromosomiques acentriques.

1.3.2.2 La formation de MN constitués de chromosomes entiers ou partiels

Plusieurs études suggèrent que les MN contenant des centromères (MN C+) sont consécutifs à diverses altérations des éléments protéiques structurant l’appareil mitotique et que la plupart des événements aneugènes impliquent plusieurs chromosomes qui se retrouvent dans les MN [Iarmarcovai et al, 2007c ; Baciuchka-Palmaro et al, 2002 ; Descamps et al, 2002]. Ainsi, la formation des MN C+ résulterait de l’action d’agents aneugènes qui induisent des anomalies de la répartition des chromosomes à l’anaphase par des dysfonctionnements au niveau de la disjonction, de la ségrégation et de la migration des deux lots de chromosomes-fils [Iarmarcovai et al, 2007c]. L’instabilité dynamique des

microtubules, c’est-à-dire de l’équilibre entre la polymérisation et la dépolymérisation des dimères de tubuline α et β, ainsi que les anomalies des kinétochores, peuvent entraîner des problèmes lors de la migration des chromosomes et induire très majoritairement des MN contenant un centromère, alors que des anomalies de duplication des centrosomes devaient induire des MN avec plusieurs centromères [Iarmarcovai et al, 2006].

Des altérations touchant les centrosomes, le fuseau mitotique constitué de deux types principaux de microtubules originant du centrosome (les microtubules kinétochoriens et les microtubules polaires [Kierszenbaum, 2002]), les kinétochores, ainsi que les protéines régulant le point de contrôle de la phase M, sont tous susceptibles d’entraîner la formation de MN. Par ailleurs, des anomalies présentes lors de la formation de l’enveloppe nucléaire à la télophase, pourraient aussi induire l’isolement d’un ou de plusieurs chromosomes entiers et donc conduire à la formation d’un MN [Iarmarcovai et al, 2007c]. Toutes ces anomalies de répartition des chromosomes entraînent une aneuploïdie des cellules-filles qui auront, soit perdu, soit gagné un ou des chromosomes. Les cellules anormales ainsi produites pourront éventuellement participer au processus de transformation néoplasique.

1.3.2.3 La distinction par FISH entre les effets clastogène et aneugène en utilisant les MN

La technique de FISH associée au test des MN en utilisant une sonde qui reconnaît tous les centromères des chromosomes humains, la sonde pancentromérique, permet de détecter la présence de centromères dans les MN. Cette technique de FISH sera détaillée ultérieurement dans le chapitre 2 : Matériel et Méthodes, section 2.5, page 84. En utilisant cette sonde, il est possible de faire la distinction entre les agents clastogènes (fragments chromosomiques ne contenant pas de centromères : MN C-) et aneugènes (chromosomes contenant des centromères : MN C+). Cette distinction a été réalisée sur des MN pour la première fois en 1989, en utilisant des anticorps anti-kinétochores, qui ciblent les protéines associées aux centromères [Fenech et Morley, 1989], alors que l'utilisation de la première sonde pancentromérique a été réalisée en 1990 par l’équipe de Becker et al. Les agents clastogènes induisent surtout des MN formés suite à des cassures chromosomiques provoquant la formation de fragments acentriques, qui, faute de centromères, ne peuvent pas

s’attacher au fuseau mitotique pour migrer. Par contre, les MN induits par des agents aneugènes peuvent contenir des chromosomes entiers ou partiels avec centromères. Jusqu'en 2006, le contenu des MN était divisé en deux catégories, MN sans centromères (MN C-), MN avec centromères (MN C+), date à laquelle Iarmarcovai et al. [2006] suggèrent d'introduire deux nouvelles catégories : MN ayant un ou deux centromères (MN C1-2+) et MN avec trois centromères et plus (MN C3++). Cette nouvelle subdivision est effectuée au cours d’une nouvelle analyse des données obtenues lors de leurs études antérieures chez des travailleurs de l'industrie de la sidérurgie [Iarmarcovai et al, 2007a]. Depuis, aucune nouvelle étude n'a été publiée en utilisant cette subdivision.