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CHAPITRE 1 INTRODUCTION

1.3. LES MICRONOYAUX SANGUINS (MN)

1.3.6 Le développement du test des MN

La première réalisation du test des MN dans les lymphocytes a été faite en 1976 par Countryman et Heddle [Countryman et Heddle, 1976], méthodologie dérivant de la culture des cellules sanguines pour en réaliser le caryotype. Cette première méthode fut reprise par d’autres chercheurs et l’un d’entre-eux, Michaël Fenech, en 1984, s’aperçut qu’il existait un défaut majeur dans le décompte des MN : la fréquence des MN observés dépendait de la proportion des lymphocytes répondant à l’action mitogénique, ainsi que du nombre de divisions survenues durant la période de culture avant la récolte cellulaire. Suite à ces travaux, Fenech et Morley, en 1985, songent à exploiter la courte période durant laquelle la cellule est binucléée, mais pas encore divisée en cellules-filles. Ils mirent à profit les propriétés de la cytochalasine B (Cyt B), une mycotoxine inhibant la polymérisation des microfilaments d’actine responsables de la formation du sillon de clivage lors de la télophase. Les caractéristiques de la Cyt B seront détaillées plus tard dans la section 2.3.3, page 79 du chapitre 2, Matériel et Méthodes. La variante du test des MN par blocage de la cytocinèse (CBMN) était née [Revue dansFenech, 2009].

Le test CBMN permet une précision accrue étant donné que les données obtenues ne sont pas influencées par les cinétiques d’altérations cellulaires causées par la cytoxicité des agents testés ou par des conditions de cultures sous-optimales [Fenech, 2008]. De plus, la

certitude est acquise qu’au moins un cycle cellulaire s’est effectué après l’exposition à un agent chimique, puisque les cellules analysées comportent deux noyaux au sein d’un même cytoplasme. Cette innovation permit de démontrer que le taux d’augmentation de la fréquence des MN chez les personnes âgées était sous-estimé avec la méthode conventionnelle. Depuis, la technique CBMN est utilisée dans le monde entier et des critères sont établis par le comité international pour l’étude des MN (HUMN project) et son protocole par l’OCDE. Cette technique et les critères de sélection des MN sont décrits plus en détail dans la section 2.4, page 82 du chapitre 2, Matériel et Méthodes.

1.3.6.1 Les lymphocytes sanguins : un choix préférentiel

Comme nous l’avons déjà mentionné pour l’humain dans l’introduction (section 1.1.2.6, page 39), plusieurs types de cellules primaires (dérivées du tissu fœtal, fibroblastes, etc.) et de cellules transformées sont utilisées pour effectuer ce test, mais ce sont les lymphocytes périphériques sanguins qui constituent le matériel préférentiel [Bonassi et al, 2007 ; Iarmarcovai et al, 2007c] parce qu’ils s’obtiennent et se cultivent facilement, en plus de présenter une grande stabilité génomique. En effet, les lymphocytes contiennent un ensemble diploïde de chromosomes (2n = 46) et leur caryotype est très stable durant la culture cellulaire.

Les lymphocytes T et les lymphocytes B constituent la majorité des cellules sanguines, et ont une sensibilité différente face aux agents physiques et chimiques. Les lymphocytes B sont des réparateurs lents alors que les lymphocytes T sont des réparateurs rapides [Boerrigter et Vijg, 1991]. Les lymphocytes offrent les avantages suivants :

• La plupart des agents génotoxiques requièrent une activation métabolique pour exercer leurs effets. La dose efficace d’un agent génotoxique est dépendante de la compétition entre les réactions métaboliques d’activation et de détoxification de cet agent, ainsi que des autres composés auxquels un individu est exposé. Les lymphocytes, en comparaison avec d’autres types de cellules, ont la capacité métabolique pour biotransformer le BaP en BPDE et autres métabolites sans avoir besoin d’activation métabolique exogène [Elhajouji et al, 1994].

• La disponibilité d’un grand nombre de cellules. Il suffit d’obtenir quelques millilitres du sang périphérique d’un individu pour pouvoir faire plusieurs tests. 1mL de sang contient environ 1 à 3 x 106 lymphocytes [Evans et O’Riordan, 1975]. Pour une culture à court terme, les lymphocytes ont l’avantage d’être en suspension et facilement manipulables.

• Les lymphocytes sanguins périphériques peuvent être stimulés facilement par des agents mitogènes afin de retourner à leur état lymphoblastique et de se diviser. L’agent mitogène ajouté dans le milieu de culture, la phytohémagglutinine (PHA), stimule principalement les lymphocytes T à se diviser. De plus, dans le milieu de culture, 95 % des lymphocytes sont viables et représentent un excellent matériel pour les expériences.

• Les lymphocytes peuvent résister à la toxicité de la Cyt B permettant ainsi d’utiliser la variante CBMN dans le test des MN.

L’inconvénient de l’utilisation des lymphocytes pour des études à plus long terme réside dans le fait que ces cellules ont une durée de vie courte en culture (96 h) [Rooney et Czepulkowski, 1992]. Normalement, après trois ou quatre divisions successives, ils retournent à leur état lymphoblastique pour ensuite, se détériorer dans le milieu de culture, alors que dans le corps humain, les lymphocytes périphériques T ont une durée de vie normale de 1,5 à 10 ans [Bogen, 1993]. Les lymphocytes B, bien que leur nombre diminue avec la sénescence, peuvent durer pendant toute la vie de l’individu [Ademokun et al, 2010].

1.3.6.2 Les avantages et limites du test des MN

Le test CBMN est simple à réaliser, en plus d’être rapide; ses plus grands avantages sont la fiabilité et le coût peu élevé de la technique. Ce test est largement utilisé en épidémiologie moléculaire et en cytogénétique pour évaluer la présence et l’étendue des dommages chromosomiques dans la population exposée à des agents génotoxiques ou pour étudier un profil génétique. Le test CBMN peut être appliqué à plusieurs types cellulaires et permet de faire la distinction entre les cellules apoptotiques et/ou nécrotiques et les cellules

qui se sont divisées après l’exposition aux agents testés par l’analyse des MN dans les cellules binucléés seulement [Fenech et al, 1999].

Une des limites de cette technique est qu’elle ne permet pas de détecter toutes les aberrations structurales [Kirsch-Volders et al, 2002b]. De plus, le nombre de MN n’est pas entièrement proportionnel aux dommages à l’ADN. Par ailleurs, l’utilisation de la Cyt B dans le test CBMN pourrait causer une interférence avec certains produits chimiques, particulièrement les inhibiteurs du fuseau mitotique. Finalement, la cytotoxicité même de la Cyt B varie selon le type cellulaire, et parfois selon le sous-type de cellule employé [Kirsch- Volders et al, 2002b].

1.4. LES MICRONOYAUX REPRÉSENTENT QUEL TYPE DE BIOMARQUEUR?