• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 1 INTRODUCTION

1.4. LES MICRONOYAUX REPRÉSENTENT QUEL TYPE DE

Dans l’élaboration d’un programme de biosurveillance de l’exposition à des agents génotoxiques, il faut se souvenir que l’effet induit ne survient, en général, qu’après une longue période d’exposition. Il est donc important de pouvoir détecter le plus tôt possible les premières altérations causées par cette exposition [Kirsch-Volders et al, 2002b]. C’est pourquoi des biomarqueurs d’effet précoce ont été développés. Le déroulement des événements à partir de l’exposition, par exemple à des sources de BaP, jusqu’au développement des maladies et/ou cancers suit un enchaînement continu, illustré dans la Figure 19, page 68.

Figure 19 : Le continuum Exposition-Maladie.

D’après ce schéma, les MN représentent un des biomarqueurs des effets biologiques précoces après une exposition aux agents cancérogènes. De manière générale, la formation de MN suite à une exposition in vivo intègre de nombreux facteurs de variations tels que les facteurs individuels, le mode de vie et le polymorphisme génétique [Iarmarcovai et al, 2007c]. Les MN figurent, à l’heure actuelle, en bonne place parmi les biomarqueurs appliqués dans de nombreuses situations à risque de cancer parmi lesquelles se retrouvent les expositions professionnelles [Fenech, 2007].

Exposition

Sources de BaP Fumée de cigarette, combustion du bois de chauffage, cuisson au BBQ, électrolyse de l’aluminium, etc.

Dose

interne

Dans le sang, l’urine, etc.

Dose

efficace

Dans les cellules cibles Adduits BPDE- ADN

Effets

biologiques

précoces

Bris simple-brin (BSB) Échanges entre chromatides-sœurs (ÉCS) Aberrations chromosomiques (AC) Micronoyaux (MN)

Altérations

fonctionnelles

des organes cibles

Maladies/

Cancer

Exposition aux BaP associée aux cancers Poumon, peau, estomac, vessie.

1.4.2 Les MN : un biomarqueur de prédiction

La classification des biomarqueurs par Sari-Minodier et al en 2005 décrite à la section 1.1.2.3.1 à la page 29 place les MN comme type de biomarqueur de prédiction compris dans le groupe des biomarqueurs d’effet. La plupart des auteurs suivent cette classification. Cependant, il y a, actuellement, une nouvelle tentative de classification des biomarqueurs dans le cadre de la biosurveillance : ce sont les biomarqueurs de prévention, de prédiction et de susceptibilité [Orsière et al, 2008 ; Iarmarcovai et al, 2007c ; Bonassi et al, 2005].

Plusieurs études relient la formation accrue des MN et la survenue du cancer et beaucoup d’arguments appuient cette hypothèse [Mateuca et al, 2006]. Comme les AC sont reconnues comme un biomarqueur de risque de cancer, la similitude existant entre les mécanismes de formation des MN et des AC, permet de suggérer un lien de causalité entre les MN et le cancer [Norppa et al, 2006]. Ainsi, une augmentation de la fréquence des MN est observée chez des patients cancéreux (non traités) souffrant de tumeurs sporadiques et chez des patients porteurs d’une mutation dans les gènes impliqués dans les syndromes d’instabilité chromosomique comme l’ataxie-télangiectasie et le syndrome de Bloom; ces syndromes sont associés à un risque modéré ou sévère de cancer [Iarmacovai et al, 2007c]. De plus, une corrélation existe entre la fréquence des MN et la concentration sanguine de folates, dont la carence est associée à un risque élevé de cancer, particulièrement de cancer colorectal [Iarmacovai et al, 2007c ; Duthie et al, 2002]. Par ailleurs, ces folates sont essentiels à la synthèse d’une des bases de l’ADN, le dTTP, et leur carence ralentit la synthèse de l’ADN pouvant favoriser l’apparition d’erreurs lors de la réplication, par incorporation erronée d’uracile [Duthie et al, 2002]. Également, une étude sur le cancer du col utérin a pu établir un lien direct entre une augmentation de la fréquence des MN dans les cellules cervicales du col et les premières étapes de la cancérogenèse à ce site [Olaharski et al, 2006]. Finalement, la méta-analyse des résultats obtenus lors de la réalisation du test des MN dans plusieurs cohortes européennes atteintes de cancer en général, dans le cadre des collaborations internationales à la base des projets HUMN et Cancer Risk Biomarkers, a permis de démontrer un lien de causalité entre les MN et le cancer. Cette méta-analyse consiste à rassembler des données provenant d’études pertinentes et à les analyser au moyen des tests statistiques adéquats. Elle a démontré que les sujets ayant une fréquence élevée de

MN (fréquence observée dans le tiers supérieur de la population) ont plus de risque de développer un cancer dans les 12 à 15 années suivant la réalisation du test [Bonassi et al, 2007].

Par ailleurs, les réarrangements chromosomiques observés dans les cellules tumorales témoignent d’une instabilité chromosomique, mais la signification biologique de ces altérations, lorsqu’elles sont retrouvées dans les lymphocytes sanguins des patients affectés de divers cancers, est encore sujette à des questionnements [Orsière et al, 2008]. Ces anomalies chromosomiques pourraient être le résultat d’un statut inflammatoire associé au cancer, d’une instabilité génétique constitutionnellement présente, d’un environnement génotoxique connu ou occulte, ou encore à des infections virales. Comme le test des MN est le plus souvent réalisé sur des lymphocytes sanguins, les dommages à l’ADN pourraient y être moins fréquemment observés que dans les cellules cibles d’un agent génotoxique potentiellement cancérogène [Orsière et al, 2008]. Puisque les MN représentent les effets directs des agents causant une augmentation du risque de cancer, et que ces effets sont considérés comme étant en amont du processus cancérogène, les MN peuvent être considérés comme un biomarqueur de prédiction.

1.4.3 Le test des MN et l’étude de la génotoxicité du BaP

La plupart des mutations sont récessives dans la nature et apparaissent spontanément, à un très faible taux, suite à l’action des agents endogènes et exogènes. Cependant, sous l’influence de l’augmentation des polluants chimiques dans notre environnement, le taux d’induction de ces mutations risque d’augmenter. La présence et l’étendue des dommages chromosomiques dans les populations humaines exposées à des agents génotoxiques peuvent être évaluées avec plusieurs biomarqueurs. Un de ceux-ci, le test des MN, est extensivement utilisé en cytogénétique et en épidémiologie moléculaire [Fenech et al, 1999]. De plus et comme nous l’avons déjà mentionné, le choix du BaP dans le cadre de ce projet de recherche est motivé par le fait que cet agent est présent partout dans notre environnement. Il est un des procancérogènes les plus étudiés et représente bien la classe des HAP cancérogènes.

Des études in vitro antérieures sur le BaP utilisant le test des MN ont été réalisées avec des concentrations variant de 0 à 300 µg/mL (0 à 1200 µM) et des temps d’exposition différents sur des lymphocytes sanguins humains. L’effet du sexe n’a pas été étudié séparément. Le Tableau V, ci-dessous, résume ce qui a été fait dans la littérature.

Tableau V : Études antérieures de l’exposition du BaP avec le test des MN.

[BaP] µg/mL Mélange avec S9* d’exposition Temps Nombre de donneurs Résultats Références 1 - 5 - 10 - 15 + 48 h 1 ↑MN Cho et Chung, 2003 2,5 - 5 - 7,5 - 10 - 12,5 - 48 h 37 ↑MN Onaran et al, 2001 0,1 - 1- 10 - 64 h 5 ↑MN Warshawsky et al, 1995 25 - 50 - 100 - 150 - 300 + 1,5 h 2 ↑↑MN Elhajouji et al, 1994 25 - 50 - 100 - 150 - 300 - 48 h 2 ↑MN Elhajouji et al, 1994 50 µg/tube - 20 h 6 ↑MN Ghaisas et Bhide, 1994 25 – 62,5 - 125 - 48 h 21 ↑MN à 25 puis ↓MN à 125 Vian et al, 1993 12,5 – 25 – 62,5 + (phase G1) 90 min 21 ↓MN à 12,5 puis ↑MN à 62,5 Vian et al, 1993 12,5 – 25 – 62,5 - (phase G2) 90 min 21 ↑MN à 22,5 puis ↓MN à 62,5 Vian et al, 1993 0,2 -5 - 10 + 2,5 h 1 ↑MN Lo Jacono et al, 1992 * Le S9 est un mélange de microsome de rat qui induit une activation métabolique exogène.