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CHAPITRE 1 INTRODUCTION

1.1. LA SANTÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA GÉNÉTIQUE

1.1.2 La génétique et la génotoxicologie

1.1.2.4 Les effets clastogène et aneugène

Dans les dernières décennies, les prédispositions génétiques pouvant affecter la susceptibilité individuelle aux cancers induits par des carcinogènes sont de plus en plus étudiées par des biomarqueurs d’exposition et d’effet [van Delf et al, 2001]. Parmi les HAP les plus étudiés et les plus connus, se retrouve le benzo-a-pyrène dont la cancérogenèse est établie chez l’humain par le CIRC. Ce composé chimique sert de modèle d’étude du caractère cancérogène des HAP et est choisi dans le cadre de ce mémoire pour l’étude de son effet génotoxique sur les lymphocytes sanguins humains en culture.

Mais, avant de faire un exposé sur le BaP, les notions d’effet clastogène et aneugène méritent d’être décrites pour aider à mieux comprendre les effets génotoxiques de ce composé.

Les agents physiques/chimiques génotoxiques ont des activités biologiques pouvant altérer l’information génétique codée par l’ADN capable d’entraîner, comme nous venons de le mentionner, la formation des AC de nombre et de structure. Un agent génotoxique possède un effet clastogène lorsqu’il cause des anomalies de structure, résultats des cassures des chromosomes, suivies de recollements normaux ou anormaux. D’ailleurs, le mot clastogène dérive du grec et signifie « causer des fragments, des cassures ». Certains des agents génotoxiques étudiés dans la littérature qui causent ce type d’effet sont listés dans le Tableau III, page 34.

Tableau III: Liste de quelques agents chimiques ayant un effet clastogène.

Agents toxiques Références

Actinomycine Hashimoto et al, 2010

Afugan Yüzbasioglu et al, 2006

Alachlor Mattiozzo et al, 2006 ; Ribas et al, 1996

Bléomycine Sadiq et al, 2000 ; Chattopadhyay et al, 1997

Cyclophosphamide Fowler et al, 2010 ; Darroudi et al, 1996 Diméthyl sufoxide (DMSO)) Darroudi et al, 1996

Étoposide Hashimoto et al, 2010

Rayons γ Huber et al, 1996

Hydrazide maléique Ribas et al, 1996

Hydroxyurée Hashimoto et al, 2010

Méthylméthanesulfonate Hashimoto et al, 2010 ; Darroudi et al, 1996

Mitomycine C Hashimoto et al, 2010 ; Rosefort et al, 2004 N-méthyl-N’-nitro-N-nitroso-guanidine Hashimoto et al, 2010

La Figure 12, page 35, illustre quelques anomalies chromosomiques dues à un effet clastogène. Les AC qui résultent d’un agent clastogène peuvent être des délétions, des duplications, des insertions, des inversions, des isochromosomes ainsi que des insertions, des inversions ou des translocations [Jeanpierre et al, 2004]. Cependant, si des gènes sont coupés ou s’associent lors d’un remaniement chromosomique pour former de nouvelles protéines, comme ce qui se produit dans la translocation (9;22) avec la formation de la protéine BCR- Abl, un processus tumoral peut s’initier [Leguay et Mahon, 2005].

Figure 12 : Différentes anomalies chromosomiques de structure.

Un agent génotoxique possède un effet aneugène (dérivé du grec signifiant multiple erroné) lorsqu’il cause des anomalies dans la répartition du nombre de chromosomes pendant la division cellulaire. Quelques composés toxiques ayant des effets aneugènes sont listés dans le Tableau IV de la page suivante.

Tableau IV: Liste de quelques agents chimiques ayant un effet aneugène. Agents toxiques Références

Acide okadaïque Hashimoto et al, 2010

Arsenic Aardema et al, 1998

Bérényl Rosefort et al, 2004

Benzoxazinone Arroyo et al, 2010

Bisphénol A Hashimoto et al, 2010

Cadmium Aardema et al, 1998

Chromate de plomb Aardema et al, 1998

Colchicine Ramirez et al, 1997 ; Darroudi et al, 1996 Colcémide Hashimoto et al, 2010

Diéthylstilbestrol Hashimoto et al, 2010 ; Rosefort et al, 2004 Fisétine Hashimoto et al, 2010

Griseofulvine Hashimoto et al, 2010 ; Rosefort et al, 2004 Hexaméthylphosphoramide Darroudi et al, 1996

Paclitaxel Hashimoto et al, 2010 ; Digue et al, 1999

Thiabendazole Hashimoto et al, 2010

Vinblastine sulfate Darroudi et al, 1996 ; Huber et al, 1996 Vincristine sulfate Hashimoto et al, 2010 ; Darroudi et al, 1996 2-acétylaminofluorène Darroudi et al, 1996

1,2,4-benzènetriol Chung et al, 2002

Les agents aneugènes peuvent avoir des effets directs ou indirects. Les agents directs comme par exemple, les radiations ionisantes, ciblent directement l’ADN provoquant des cassures simple-brin et double-brin en entraînant des défauts de répartition des chromosomes lors de la mitose, donnant ainsi un nombre différent du nombre modal de l’espèce étudiée [Mateuca et al, 2006]. Les agents indirects, quant à eux, induisent principalement des AC de nombre par interaction avec les structures cellulaires constituant le fuseau mitotique, responsables de la disjonction, la ségrégation et la migration des chromatides lors de la division cellulaire [Iarmarcovai et al, 2007b].

Des hypothèses sont émises sur les liens de causalité entre l’instabilité génétique et l’aneuploïdie : celle-ci constituerait un événement initial primordial dans la transformation de la cellule normale en cellule cancéreuse ou représenterait un effet tardif relié à l’instabilité chromosomique [Descamps et al, 2002]. Le rôle causal direct de l’aneuploïdie

dans le développement d’un cancer chez l’homme a été observé dans une maladie autosomique récessive très rare, l’aneuploïdie en mosaïque (mosaic variegated aneuploidy), où les patients atteints ont un retard de croissance, un cancer pédiatrique (rhabdomyosarcome, leucémies, etc.), en plus de gains et pertes chromosomiques constitutionnels [Iarmarcovai et al, 2007b]. Ce syndrome est dû à une mutation bi-allélique du gène BUB1B, ce qui entraîne un dysfonctionnement du point de contrôle lors de la transition métaphase/anaphase [Iarmarcovai et al, 2007b ; Nguyen et Ravid, 2006]. Ce point de contrôle surveille l’attachement des fibres du fuseau mitotique à chaque complexe protéique kinétochore-centromère avant que la ségrégation commence [Iarmarcovai et al, 2007b]. Dans une cellule en division, les deux centrosomes sont responsables du contrôle de la ploïdie. Ils sont les centres organisateurs du réseau microtubulaire à partir duquel se structure le fuseau mitotique bipolaire qui permet la répartition équitable des chromosomes dans les deux cellules-filles [Fukasawa, 2005]. Une aneuploïdie par perte ou gain d’un chromosome entier peut se produire dans une cellule de deux façons :

1. Par une non-disjonction à l’anaphase, où l’un des chromosomes ségrège anormalement : une cellule-fille sera trisomique et l’autre, monosomique.

2. Par la perte d’un chromosome durant la division cellulaire (le chromosome perdu pouvant être inclus dans un micronoyau), menant à une cellule-fille monosomique et une autre, normale.

L’aneuploïdie dans les cellules somatiques est associée avec le développement de plusieurs cancers et celle dans les cellules germinales contribue significativement aux maladies génétiques humaines comme le syndrome de Down [Aardema et al, 1998]. Des études cytogénétiques dans des tumeurs ont montré que des variations dans le nombre de chromosomes y sont le plus souvent observées et suggèrent qu’il est nécessaire de limiter l’augmentation de la fréquence des événements aneugènes, causés par l’exposition aux produits aneugènes [Parry et al, 2002].