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CHAPITRE 1 INTRODUCTION

1.3. LES MICRONOYAUX SANGUINS (MN)

1.3.5 Les facteurs de variation de la fréquence des MN

Les sources de variabilité pouvant influencer la formation ou la fréquence des MN sont nombreuses. D’abord, une variabilité inter-laboratoire existe, car les protocoles, méthodes ou critères d’analyse des MN peuvent être différents. C’est pourquoi un effort international est en marche afin de mettre au point un protocole normalisé [Protocole 487 de l'OECD, 2009].

La Figure 18, page 61 présente les sources majeures de variation : la variabilité interindividuelle et intergenre, le mode de vie de chaque individu (alcoolisme, tabac, habitudes alimentaires), l’exposition à des agents génotoxiques (expositions professionnelles et environnementales), ainsi que le polymorphisme génétique existant dans la population (gènes du métabolisme et gènes de réparation). L’existence de variations de la séquence d’ADN à un locus donné constitue le polymorphisme génétique qui joue un rôle déterminant dans la modulation des dommages à l’ADN et dans la variabilité de la fréquence des MN. Ceci mène à l’application du test des MN comme un champ d’investigation de l’interaction entre l’environnement et le matériel génétique [Iarmacovai et al, 2007c]. C’est pourquoi l’application des concepts de susceptibilité génétique et d’interaction entre les facteurs de risque génétiques et environnementaux constitue le nouvel axe de recherche de l’épidémiologie moléculaire des cancers [Bonassi et al, 2005]. Ces études en sont encore à

leurs premiers pas étant donné la nature multifactorielle du cancer et la nécessité d’avoir des grandes cohortes pour mettre en évidence des effets significatifs [Norppa, 2004].

Figure 18 : L’influence des facteurs de variation sur la formation de MN. Source modifiée:

Iarmarcovai et al, 2007c.

1.3.5.1 L’effet de l’âge

Les personnes âgées ont un taux significativement plus élevé (p < 0,001) de cellules contenant des MN (10,3 ± 7 de cellules avec MN) en comparaison avec des personnes plus jeunes (1,8 ± 1,8 de cellules avec MN) [Kazimírová et al, 2009]. Cela s’explique en partie par la diminution de l’efficacité du processus de réparation des dommages à l’ADN et par

Expositions professionnelles Expositions environnementales Agents génotoxiques Mode de vie (Tabac, alcool, etc.) Individus (genre et âge) Instabilité génétique Polymorphisme génétique Phases G1, S, G2, M MN

l’accumulation de mutations qui sont plus importantes avec l’âge. Ainsi, les anomalies de nombre et/ou de structure des chromosomes sont augmentées avec l’âge [Wojda et al, 2007 ; Bolognesi et al, 1999]. Des études sur l’aneuploïdie et le vieillissement ont montré un taux significativement élevé de pertes chromosomiques et de formation de MN aussi bien chez les hommes que chez les femmes. En effet, une corrélation positive entre la présence de MN avec l’accroissement de l’âge est d’environ quatre fois plus dans des cultures de lymphocytes des donneurs âgés de 80 ans en comparaison avec celles des nouveaux-nés (p < 0,001) [Fenech et Morley, 1985]. De plus, la fréquence de MN se rapproche du ratio de 2 dans le groupe d’âge de 50 à 59 ans (RF = 1,9 ; p < 0,05) [Bolognesi et al, 1997] et la moyenne ‰ de MN avec la déviation standard est de 2,6 ± 1,7 (p < 0,01) chez les personnes âgées de plus de 45 ans comparée à 1,4 ± 0,8 chez celles âgées de 20 à 44 ans (p < 0,01) [Bolognesi et al, 1999].

1.3.5.2 L’effet du genre

Le genre est une variable significative influençant le taux des MN et doit être pris en considération dans leur analyse [Fenech et al, 1994]. Les pertes chromosomiques impliquent fréquemment le chromosome X chez les femmes et le chromosome Y chez les hommes [Nowinski et al, 1990 ; Fitzgerald et McEwan, 1977].

1.3.5.2.1 La perte du chromosome X chez la femme

L’étude du contenu des micronoyaux chez des femmes, par FISH avec des sondes centromériques spécifiques, a montré la présence du chromosome X dans leurs MN [Surrallés et al, 1996 ; Zijno et al, 1996 ; Catalán et al, 1995 ; Guttenbach et al, 1995 ; Guttenbach et al, 1994 ; Richard et al, 1994] dans une proportion élevée (8 % chez les jeunes femmes vs 20 % chez les femmes âgées). L’incidence de la perte du chromosome X a été étudiée chez des femmes âgées d’une semaine à 91 ans, montrant une croissance de la perte du X avec l’âge. Cela serait dû à la variation de la concentration d’hormones circulantes, par exemple une diminution avec l’âge des oestrogènes, qui joue un rôle important dans l’aneuploïdie du chromosome X [Wojda et Witt, 2003]. Cependant, tous les

chromosomes peuvent se retrouver dans les MN, mais le chromosome X est celui qui s’y retrouve le plus souvent seul chez les femmes normales [Leach et Jackson-Cook, 2004]. Selon la même étude, les MN contenant 6 à 10 copies du chromosome X proviendraient de MN qui sont restés dans le cytoplasme de la cellule durant plusieurs divisions cellulaires et dont l’ADN a été répliqué plusieurs fois. De plus, l’utilisation d’anticorps anti-kinétochore montre que les MN trouvés chez les individus normaux contiennent à la fois des fragments acentriques et des chromosomes entiers, dont la proportion avec kinétochore est de 37 % chez les femmes âgées entre 24 et 35 ans et de 45 % chez les femmes âgées de plus de 65 ans [Fenech et Morley, 1989 ; Thomson et Perry, 1988]. Il semblerait que le chromosome X inactif ait une propension spéciale à être mal ségrégé lors de la division mitotique, faisant en sorte qu’il y ait principalement une association entre l’augmentation de l’aneuploïdie et l’âge chez les femmes [Abruzzo et al, 1985 ; Nakagome et al, 1984 ; Fitzgerald, 1975]. Certains auteurs mentionnent que c’est souvent ce chromosome qui se retrouve dans les MN [Tucker et al, 1996 ; Abruzzo et al, 1985] alors que d’autres [Surrallés et al, 1996] n’aient pas noté de différence significative entre la présence du chromosome X inactif et celle du X actif dans les MN.

1.3.5.2.2 La perte du chromosome Y chez l’homme

L’aneuploïdie chez les hommes a été décrite et souligne la perte du chromosome Y [Zhang et al, 2007 ; Fitzgerald et McEwan, 1977]. L’analyse caryotypique a montré que l’incidence de la perte du chromosome Y chez les hommes est nettement plus basse que celle du X chez les femmes. À la puberté, la fréquence de la perte de l’Y est de 0,24 % et atteint 1,34 % chez les hommes de 76 à 80 ans, en raison du changement hormonal [Wojda et Witt, 2003]. Cependant, cette perte n’a aucun effet sur les lymphocytes périphériques étant donné qu’il n’a pas de fonction cruciale pour la survie de ces cellules [Galloway et Buckton, 1978].

L’étude des MN par FISH a montré que chez des jeunes hommes, une moyenne de 14 % des MN analysés contiennent un chromosome Y alors que ce pourcentage grimpe à 20 % pour une cohorte d’hommes plus âgés [Guttenbach et al, 1994]. La perte du chromosome Y dans les MN est de six fois plus chez des hommes centenaires comparée aux hommes plus

jeunes (29 à 33 ans) [Bukvic et al, 2001]. Stone et Sandberg [1995] ont suggéré que des phénomènes de disjonction prématurée des centromères pourraient causer la perte du chromosome Y avec l’âge. Les protéines comme CENP-A, CENP-B et CENP-C sont essentielles à l’activité du kinétochore et si l’une d’elles manque ou subit un changement non conventionnel, les microtubules pourraient devenir non fonctionnels pour le chromosome qui va se retrouver dans un MN [Nath et al, 1995]. Le kinétochore du Y est différent des autres et n’a pas de site de liaison pour la protéine CENP-B [Masumoto et al, 1989]. L’absence de cette protéine causerait une dysfonction dans le kinétochore et le chromosome Y pourrait se détacher des microtubules du fuseau mitotique pour s’incorporer dans un MN [Nath et al, 1995]. Ces auteurs ont trouvé que 15,6 % des MN contiennent le chromosome Y dans une cohorte d’hommes âgés de plus de 35 ans.