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CHAPITRE 2 MATÉRIEL ET MÉTHODES

4.5 L’UTILISATION DE TRÈS FAIBLES CONCENTRATIONS DE BaP

En regroupant les données des trois indicateurs selon le sexe, nous remarquons qu’il existe des différences entre les hommes et les femmes en ce qui a trait à la relation dose- réponse. Tout d’abord, nos résultats montrent que la fréquence des MN (‰) varie de 3,5 à 21 pour les femmes et de 1 à 17 pour les hommes et celle des cellules micronucléées (‰), de 2,5 à 20 pour les femmes et de 1 à 15,5 pour les hommes (Tableau VII, page 101). Puis en regardant la fréquence spontanée des MN ([BaP] = 0 µg/mL), nous pouvons voir qu’il est plus élevé chez les femmes que chez les hommes (Tableau X, page 103). C'est également le cas suite à l'exposition au BaP. Nous pouvons donc dire qu’il y a une tendance vers une différence entre les deux sexes, puisque la différence en elle-même n’est pas statistiquement significative lorsque ces deux groupes sont comparés directement l’un à l’autre pour chaque concentration de BaP (test t de Student pour échantillons indépendants section 3.4, page 108).

Dans la littérature, tout comme nous, plusieurs études ont souligné que les femmes avaient une fréquence de MN plus élevée que les hommes (Tableau XIV, page 131). Par exemple, l'étude de Wojda et al. [2007] sur un groupe d'adultes de 20 à 50 ans a montré que les femmes ont environ 2 fois plus de MN que les hommes (p = 0,0046). Cette différence a été aussi observée dans deux autres groupes de sujets (âgés de 20 à 89 ans et de 20 à 67 ans - p < 0,05) [Fenech et al, 1994 ; Bolognesi et al, 1993]. La question de l’influence des hormones sur la fréquence des MN peut être aussi soulevée pour expliquer la fréquence de MN plus élevée chez les femmes. Cependant, les concentrations d’œstrogène et de progestérone ne semblent pas avoir d'influence significative, d’après l’étude de Baeyens et al. [2005]. Par ailleurs, un âge avancé est également associé à une augmentation de la fréquence des MN, dans les cohortes où la tranche d’âge est assez large [Wojda et al, 2007 ; Radack et al, 1995 ; Fenech et al, 1994 ; Bolognesi et al, 1993]. En effet, une augmentation de la fréquence des MN de 0,58 ‰ par année chez les femmes est observée dans l'étude de Thierens et al.en 2000 après une exposition aux radiations dans les hôpitaux, alors que cette augmentation est de 0,31 ‰ par année pour les hommes [Vral et al, 2011].

Tableau XIV: Revue des études ayant évalué l’effet de l’âge et du sexe sur la fréquence basale des MN.

Intervalle d’âge Effet de l’âge Effet du sexe Auteurs 0 à 70 ans Oui Non Ganguly, 1993

0 à 82 ans Oui Non disponible Fenech et Morley, 1985 8 à 55 ans Oui Non disponible Thierens et al, 1996 18 à 78 ans Oui Non Köteles et al, 1993 19 à 71 ans Oui Non Odagiri et al, 1997 20 à 59 ans Non Non Di Giorgio et al, 1994 20 à 67 ans Oui Oui (f > h)* Bolognesi et al, 1993 20 à 85 ans Oui Non disponible Fenech et Morley, 1986 21 à 72 ans Oui Non Tomanin et al, 1991 21 à 90 ans Oui Oui (f > h)* Fenech et al, 1994 21 à 108 ans Oui Oui (f > h)* Wojda et al, 2007 24 à 75 ans Oui Oui (f > h)* Fenech, 1993 45 à 85 ans Oui Oui (f > h)* Radack et al, 1995

*f = sujets féminins h = sujets masculins

Dans la deuxième approche utilisée, nous avons analysé la relation dose-réponse pour les trois indicateurs chez les femmes et chez les hommes, puis nous avons comparé ces relations dose-réponse entre elles. C’est alors que nous avons noté un comportement différent des hommes et des femmes en réponse aux faibles concentrations de BaP utilisées dans cette étude. En effet, la fréquence des MN et celle des cellules micronucléées augmentent significativement (p < 0,05) chez les hommes à partir de [BaP] = 0,1 µg/mL, alors que chez les femmes, cette augmentation est modérée et non significative (p < 0,1 – Tableau VIII, page 103). Quant au nombre de MN par cellule micronucléée, encore une fois, il augmente significativement chez les hommes à [BaP] = 1 et à [BaP] = 5 µg/mL (p < 0,05), alors que chez les femmes, il n’y a pas d’augmentation significative à ces deux concentrations. De plus, une diminution significative de la fréquence des MN est observée chez les hommes, entre les concentrations de BaP de 5 et 10 µg/mL (p < 0,05) (Figure 26-

(A), page 104). Chez les femmes, cette diminution, quoique visible, est non significative. Il semble donc qu’à nos conditions expérimentales, les hommes soient plus sensibles à l’action

génotoxique du BaP. Toutefois, il est difficile de déterminer si ce phénomène est également présent chez les individus exposés aux HAP, étant donné que les études de travailleurs incluent le plus souvent uniquement des hommes et que, très peu d’études sur l’exposition environnementale considèrent l’influence du sexe sur des biomarqueurs génétiques.

Par ailleurs, les résultats de la FISH montrent aussi une légère différence entre les hommes et les femmes dans le pourcentage des MN contenant des signaux centromériques. En effet, dans les lymphocytes exposés à [BaP] = 5 µg/mL, les hommes ont une augmentation significative (p < 0,01) du pourcentage de MN C+ par rapport à celui des lymphocytes non exposés. Chez les femmes, cette proportion est augmentée, mais pas significativement (p < 0,1). En regardant le pourcentage des MN contenant 3 signaux centromériques et plus (MN C3++), c’est l’inverse, puisque ce pourcentage est augmenté chez les femmes (p < 0,01), mais ne l'est pas chez les hommes (Tableau XI, page 111). Cependant, le nombre de MN analysés est insuffisant pour voir une différence statistique entre les sexes et une comparaison directe des pourcentages obtenus chez les deux sexes ne montre pas de différence significative entre les hommes et les femmes. Il serait intéressant d'analyser les MN produits chez les hommes et les femmes avec une sonde reconnaissant le centromère du chromosome X. En effet, il a été noté chez des sujets non exposés, que les femmes perdaient plus fréquemment le chromosome X dans leurs MN C+ et que ceci pouvait expliquer la différence entre les deux sexes [Vral et al, 2011]. Ceci nous permettrait de déterminer si le BaP agit en accentuant la perte du chromosome X chez la femme, un phénomène déjà présent, ou s'il agit via un autre mécanisme.

4.6 LES EFFETS DU BaP SUGGÈRENT QU’IL POSSÈDE À LA FOIS DES