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CHAPITRE 1 INTRODUCTION

1.1. LA SANTÉ ENVIRONNEMENTALE ET LA GÉNÉTIQUE

1.1.2 La génétique et la génotoxicologie

1.1.2.3 Les tests de génotoxicité

1.1.2.3.1 Les biomarqueurs

Pour pouvoir évaluer l’exposition aux effets adverses des polluants et détecter de façon précoce les risques pour la santé, des biomarqueurs sont utilisés et il est essentiel de connaître leur portée et leurs limites afin d’éviter de faire une interprétation abusive des données de surveillance biologique de l’exposition [Viau, 2008a].

Tout d’abord, un biomarqueur est un indicateur biologique (protéine, métabolite, caractéristique biologique, etc.) qui permet de mesurer, au niveau moléculaire, biochimique, cellulaire ou physiologique, l’exposition à des agents chimiques polluants. Les biomarqueurs les plus utilisés dans le développement de stratégie de prévention des cancers sont classés en trois catégories [Sari-Minodier et al, 2005] :

• Les biomarqueurs d’exposition : ils permettent d’évaluer la pénétration d’une substance exogène dans l’organisme par le dosage de la substance elle-même ou de ses métabolites dans les fluides biologiques, les tissus ou les cellules [Orsière et al, 2008] et de donner une appréciation de la dose interne. Ils peuvent aussi

mesurer l’activité mutagène des métabolites, par exemple le test d’Ames urinaire sur les opérateurs d’épandage de bitume routier, les travailleurs dans la fabrication d’ensachage de noir de carbone et dans l’incinération de déchets [Sari-Minodier et al, 2005]. L’approche par l’utilisation de ces biomarqueurs prend en considération les différentes voies d’absorption, ainsi que les conditions réelles d’exposition, telles que le port d’équipements de protection individuelle.

• Les biomarqueurs d’effet : ils mettent en évidence une interaction entre des agents génotoxiques et le matériel génétique de la cellule [Orsière et al, 2008]. Les biomarqueurs d’effets les plus utilisés sont des marqueurs biochimiques, tels que les adduits à l’ADN ou aux protéines, et des marqueurs cytogénétiques comme les MN et les AC [van Delf et al, 2001]. Par exemple, dans diverses études de surveillance chez les travailleurs de four à coke, une augmentation des adduits à l’ADN et des ÉCS sont observés lors de l’exposition aux HAP [Binkova et al, 1998 ; Kalina et al, 1998 ; Forni et al, 1996 ; Schell et al, 1995]. Parmi les biomarqueurs d’effet, deux types sont cités : les biomarqueurs de prévention et les biomarqueurs de prédiction. Les biomarqueurs de prévention, comme son nom l’indique, sont plus utilisés pour la prévention en biologie médicale dans l’identification et le calcul d’un risque ou d’une prédisposition pathologique [Orsière et al, 2008]. Ce terme est plus employé dans la recherche sur le cancer. Quant aux biomarqueurs de prédiction, ils prédisent le développement d’une maladie et peuvent aider à implanter des programmes de prévention [Bonassi et Au, 2002].

• Les biomarqueurs de susceptibilité : ils permettent d’expliquer les différences interindividuelles dans la réponse à une exposition génotoxique, résultant du polymorphisme des gènes impliqués dans le métabolisme des xénobiotiques et dans la réparation des lésions de l’ADN [Sari-Minodier et al, 2005]. La plupart des agents génotoxiques requièrent une activation métabolique pour exercer leurs effets. La dose efficace d’un agent génotoxique est dépendante de la compétition entre les réactions métaboliques d’activation et de détoxification de cet agent, ainsi que des composés auxquels un individu est exposé. Toute variation dans ces voies métaboliques constitue un important déterminant de la susceptibilité individuelle, ce qui suggère qu’une meilleure identification des déterminants de

cette variabilité interindividuelle sera possible grâce au développement de biomarqueurs de susceptibilité [Kirsch-Volders et al, 2002b].

Les biomarqueurs cytogénétiques les plus utilisés en génotoxicité sont les AC, les ÉCS et les MN. Ils sont utilisés pour la surveillance de l’exposition chez l’humain et pour la détection des effets précoces des cancérogènes génotoxiques, principalement, sur les lymphocytes sanguins humains [Miliç et al, 2008 ; Murgia et al, 2008 ; Norppa, 2004]. L’utilisation des ces biomarqueurs est basée sur le fait que la plupart des cancérogènes reconnus chez l’homme sont génotoxiques après une courte exposition et sont capables d’induire des dommages chromosomiques [Norppa, 2004]. C’est en Europe que ces biomarqueurs cytogénétiques sont les plus utilisés, en comparaison avec l'Amérique du Nord.

Les AC sont causées par des agents mutagènes, lorsque les lésions à l’ADN qu’ils induisent, ne sont pas réparées rapidement ou que leur réparation est erronée. Les AC sont habituellement mesurées dans des cultures de lymphocytes sanguins stimulés par la phytohémagglutinine (PHA) [Norppa, 2004]. Les AC sont des anomalies de nombre et de structure des chromosomes. Afin de définir le mode d’action du BaP par exemple, en l’occurrence, son effet clastogène, les AC de structure constituent un bon choix. Elles sont facilement observables sur des cellules en métaphase après l’exposition à un agent génotoxique. Ce sont des structures induites par des dommages mécaniques dans les chromosomes pendant la division cellulaire et peuvent être de deux types, intra- chromosomiques et inter-chromosomiques [Pfeiffer et al, 2000]. Ces anomalies de structure sont des cassures ou bris, des lacunes (gaps), des chromosomes acentriques et des réarrangements. Les cassures, en elles-mêmes, sont : soient des cassures simple-brin (bris simple-brin, BSB) et sont appelées des cassures chromatidiennes, soient des cassures double-brin (bris double-brin, BDB) ou cassures chromosomiques. La Figure 11, page 32, illustre ces deux types de cassures.

Les fragments provenant des BDB peuvent mener à des délétions terminales ou intercalaires sur le chromosome ou se recoller ensuite sur le segment restant avec/sans inversion ou alors même, aller se coller à un autre chromosome pour former une

translocation. Dans les aberrations intra-chromosomiques, en général, l’implication d’un seul chromosome mène à des délétions interstitielles, terminales et des inversions, tandis que, dans les aberrations inter-chromosomiques, il y a des réarrangements entre deux chromosomes ou plus, aboutissant à des translocations ou à des dicentriques [Pfeiffer et al, 2000].

Figure 11 : Les deux types de cassures pouvant se trouver dans l’ADN. Source modifiée :

Association nucléaire canadienne, 2010.

Les molécules de l’ADN sont des cibles permanentes des agents chimiques de diverses origines [Obe et al, 2002] et les principales lésions dans le processus de formation des AC concernent les BDB et leurs mécanismes de réparation [Pfeiffer et al, 2000]. Les BDB peuvent être formés et réparés pendant la phase G0 ou G1 par la voie NHEJ. Des erreurs peuvent s’ensuivre par cette voie et il y aura des AC stables (translocations, inversions) ou instables (fragments acentriques, dicentriques, anneau). Si les BDB ne sont pas réparés en phase G1, des cassures chromosomiques peuvent survenir et en phase G2, des cassures chromatidiennes. De plus, si ces BDB ne sont pas réparés en phase G2, des fragments acentriques pourront se perdre et il y aura des délétions.

Le test des ÉCS peut déterminer le potentiel génotoxique et le degré d’exposition à un agent génotoxique et est basé sur la réplication semi-conservatrice de l’ADN ; c’est-à- dire que chaque chromatide contient toujours un brin de la cellule parentale et un nouveau

brin après la synthèse. Les ÉCS sont des interchanges produits lors de la réplication de l’ADN, au niveau des locus homologues entre les chromatides-sœurs suite à la réparation de BDB à l’ADN par la recombinaison homologue [Sonoda et al, 1999].

L’autre biomarqueur d’effet souvent utilisé dans les tests de génotoxicité est le MN. Ce sujet va être traité plus en détail à la section 1.3, page 54, puisqu’il constitue le sujet principal de ce mémoire.