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Caractéristique 2 : Dégrée de polymérisation (DPn) prédictible.

1.3.2. Mécanisme de greffage et développement de la morphologie

Tout d’abord, il est évident que le produit de la réaction de couplage entre deux polymères immiscibles est un copolymère à bloc ou greffé. Il peut avoir une structure compliquée, puisque par exemple après la réaction, des fractions insolubles peuvent se retrouver en bon solvant

dans un des deux constituants du mélange149. Il est

néanmoins possible de discuter de la localisation du copolymère formé après la réaction. Il apparaît clairement que la réaction produit un copolymère greffé qui à tendance à rester à l’interface. Cependant, quand l’interface ne peut par être augmenté (recuit statique), le CpB peut quitter l’interface pour former une phase riche en CpB (Figure 51)

1.3.2.1. Morphologie d’un mélange non réactif

A cause de l’importance de la morphologie dans les propriétés mécaniques des mélanges de polymères, la prédiction et le contrôle de la taille finale des domaines sont primordiaux.

Figure 51 : Schéma de la localisation des copolymères à l’interface et de la formation de micelle de copolymère

Les premiers travaux de Taylor150 font généralement référence. En décrivant la stabilité d’une gouttelette Newtonienne (diamètre d) en suspension dans un autre fluide Newtonien subissant un flot de cisaillement constant (taux de cisaillement ), on peut calculer le nombre

adimensionnel de Weber ou nombre capillaire We qui est le rapport entre les forces de

cisaillement et les forces interfaciales de la goutte.

Équation 20

Il existe un nombre de Weber critique à partir duquel la goutte se fractionne, en dessous de celui-ci, elle est stable. Pour les mélanges de polymères avec une fraction volumique fixe de

phase dispersée, Wu151 a montré que le nombre de Weber critique est une fonction du

rapport de viscosité p, ce qui nous permet d’en déduire la taille des gouttelettes d :

Équation 21

Équation 22

La fonction f(p) de Équation 22 est mesurée expérimentalement à la fois pour des mélanges réactifs et pour des mélanges non réactifs et est représentée Figure 52. Tous les points suivent les deux droites tracées qui se coupent au minimum en p=1, ce qui signifie que la dispersion la plus fine est obtenue pour un mélange de polymères possédant des viscosités identiques.

Figure 52 : Courbe maitresse sans dimension de γηmd/σ en fonction de p après mélange de différents

mélanges PA et PET/caoutchouc. EPX pour caoutchouc réactif151.

A partir de ce graphique, on peut estimer soit la taille des domaines que l’on aura après mise en œuvre du mélange, soit la tension interfaciale relative quand la taille des particules est connue152. ) ( . f p d m η γ σ = m d pη ) ( p f We =

Cependant, cette relation est valable pour un polymère dispersé en faible proportion dans un autre (systèmes dilués), et il a été montré qu’en changeant la fraction volumique de la phase

dispersée la taille des particules changeait153. Un facteur empirique additionnel est donc

introduit dans l’Équation 22 pour tenir compte cet effet. De plus, la viscosité du mélange (ηb)

remplace la viscosité de la matrice (ηm) pour rendre compte plus fidèlement des forces

mécaniques en jeu puisque dans les systèmes concentrés, la viscosité du mélange est plus

élevée que celle de la matrice154. La formule améliorée donnée par Serpe est la suivante :

Équation 23

Les effets de la coalescence sont introduits dans le facteur dépendant de la composition [1-

4(φdφm)0,8]. Cependant, le processus de coalescence dépend aussi de la modification

interfaciale par les CpB formés dans les mélanges réactifs.

1.3.2.2. Spécificité du mélange réactif

Étudions les effets respectifs de la réduction de la tension interfaciale et de l’inhibition de la coalescence sur la taille des particules pour les mélanges réactifs.

La Figure 54 nous montre la taille moyenne des domaines en fonction de la fraction massique de phase dispersée pour des mélanges PS/PMMA non réactif et réactif (PS-

COOH/PMMA-époxy)92.

Figure 54a : Diamètre mesuré par diffusion de la lumière en fonction de la fraction de phase PMMA dispersée dans le mélange PS/PMMA obtenu à 180°C. Points pleins : mélanges non réactifs, points vides : mélanges réactifs. Avec σ=1,5mN/m, p=31, ηm=420Pa.s, et γ°=21s-1, la prédiction de Taylor dans

Figure 54b : Vitesse de coalescence sous recuit statique à 180°C de différents mélanges PS/PMMA en fonction de la couverture interfaciale en CpB relativement à la surface saturée

92

Couverture interfaciale relative (S0/Sc)

Vitesse de coale

scence (en min

-1 )

Fraction de phase dispersée (en wt%)

Diamèt re (e n µm) Limite de Taylor Réactif Non Réactif

(

)

[

1 4 0,8

]

. ( ) p f d b m dφ γη φ σ − =

Pour le mélange non réactif, la taille de particules dépend fortement de la fraction volumique de la phase dispersée, ce comportement est intégré dans l’Équation 23. Ceci est cependant, beaucoup moins important pour les mélanges réactifs.

Quand on compare la taille limite des particules pour une petite fraction volumique de phase dispersée, il n’y a qu’une très faible différence entre les mélanges réactifs et non-réactifs. En effet, dans cette gamme de concentration le processus de coalescence devient très lent et peut raisonnablement être négligé. Si on compare maintenant la taille des particules à la prédiction de la loi de Taylor (Équation 20), les mélanges réactif et non-réactif ont des tailles de particules supérieures à la limite de Taylor. Ceci est dû à des effets viscoélastiques dans les mélanges de polymères ou à des difficultés dans l’estimation précise du taux de cisaillement. La « limite de Taylor » calculée sur la Figure 54a est indépendante de la concentration en phase dispersée. Pour des fractions volumiques plus élevées, la différence de tailles de particules observées entre les mélanges réactifs et non réactifs est assez importante et correspond à la coalescence. En effet, les CpB formés dans les mélanges réactifs provoquent des interactions répulsives et limitent la coalescence évitant la formation de gros domaines. Cependant, pour les mélanges réactifs, l’écart avec la limite de Taylor prouve que la coalescence n’est pas totalement inhibée par la présence des CpB.

La réduction de la vitesse de coalescence dans les mélanges réactifs est observée à la Figure 54 où la vitesse de coalescence à 180°C de mélanges de PS-COOH/PMMA-époxy

(70/30) est tracée en fonction de la couverture interfaciale relative (S0/Sc) du copolymère à

bloc92. La surface (S0) par CpB à la saturation de l’interface est calculée à partir de

l’Équation 17. Dans des conditions statiques, la vitesse de coalescence diminue rapidement avec la couverture interfaciale, et au dessus d’une valeur critique la coalescence est

complètement inhibée. La valeur critique de Sc est environ 2,5 fois plus grande que la valeur

de saturation S0. Très peu de CpB formés in situ suffisent pour une réduction importante de

la vitesse de coalescence.

1.3.2.3. Physique de la réaction à l’interface

A cause des effets de tension interfaciale, l’état initial de dispersion des matériaux avant le mélangeage conditionne la conversion finale de la réaction de greffage. Par exemple dans un mélange PS-COOH/PMMA-époxy le taux de réaction est plus élevé quand les matériaux sont introduits en poudre que quand ils sont introduits en granulés pour des conditions d’extrusion identiques155. Rapport NHCO/CH2 du PA Taux de ré ac tion Épaisseur d e l’interface (e st im ée e n Å )

Figure 55 : Réactivité et épaisseur de l’interface en fonction de la polarité du PA utilisé pour le mélange réactif SEBS/PA156

De même, une surface interfaciale spécifique élevée et une interface fine sont favorables à la réaction. Une interface fine peut être obtenue soit en ajustant la valeur de χ entre les deux

polymères156, soit en ajoutant des petites molécules à l’interface. Dans les deux cas, le taux

de réaction obtenu est amélioré. La valeur de χ du mélange réactif polyamideX,X (PA6,6 par exemple) avec SEBS-g-MA peut être ajustée en faisant varier la longueur de la chaine alkyle du PA. Pour X petit, les groupes amides étant nombreux, la polarité du PA est élevée, et l’interface avec le SEBS devient très étroite. Au contraire, un X grand donne une interface élargie.

La Figure 55 montre le taux de réaction calculé par dosage des amines en bout de chaine et une estimation de l’épaisseur de l’interface en fonction du rapport amide/méthyle du polyamide pour les mélanges PAX,X/SEBS-g-MA. Finalement, lorsque la polarité des constituants du mélange est différente (concentration en amide élevée), l’interface est plus fine et le taux de réaction de greffage plus élevé.

Le mélangeage est aussi important pour l’efficacité de la réaction à l’interface. Un tel effet

est visible dans des mélanges PA6/caoutchouc réactif157 sur la Figure 56 où le taux de

réaction, calculé à partir des résultats de dosage des bouts de chaines, est tracé en fonction de la concentration en groupes anhydrides sur le caoutchouc réactif.

Le taux de réaction est plus élevé pour un mélange effectué avec un cisaillement plus élevé (75rpm>30rpm/10rpm), car celui-ci provoque une dispersion et une distribution rapides des matériaux donnant ainsi une surface interfaciale spécifique

(Ssp) plus grande, ce qui augmente la vitesse de

réaction.

D’autre part, pour des concentrations en anhydrides élevées sur le caoutchouc, la quantité de PA greffé stagne. Ceci vient du fait que la vitesse de réaction diminue lorsque la couverture interfaciale en CpB approche de la saturation. Cet équilibre final peut être déplacé par un cisaillement élevé.

Finalement, pour un mélange réactif avec une déformation totale constante (cisaillement multiplié par le temps de mélangeage), une vitesse de réaction élevée sera favorisée par un cisaillement élevé.

1.3.2.4. Diffusion à l’interface

La cinétique de réaction à l’interface dépend tout d’abord de la formation des interfaces, mais aussi de la manière dont elles se renouvellent, c'est-à-dire de la manière dont les

Figure 56 : Taux de conversion en fonction de la fraction massique d’EP-g-MA dans des mélanges PA6/EP-g-MA mélangés 2min à 240°C à vitesse variable dans un mélangeur Brabender157.

Anhydrides du EP-g-MA (en méq/kg de PA)

Amine terminale du PA ayan

t ré ag i (en méq /kg )/

chaines de copolymères greffés quittent l’interface et les chaines libres y accèdent pour réagir.

Pour comprendre comment le groupe réactif atteint l’interface avant de subir la réaction, une comparaison avec l’adsorption des chaines de polymères sur un substrat en solution diluée peut être faite. La cinétique d’adsorption est limitée par la diffusion des chaines de la solution vers la surface. Quand la couverture de l’interface augmente, pour s’adsorber les chaines doivent traverser une brosse sèche de chaines greffées formant à l’interface une

barrière énergétique due à la répulsion stérique comme illustré à la Figure 58a158. Quand

l’adsorption augmente, la brosse de chaines adsorbées devient de plus en plus dense, et il est de plus en plus difficile pour une chaine d’atteindre l’interface. En conséquence, la

cinétique d’adsorption décroit avec la couverture de l’interface159.

La Figure 58b montre un exemple de l’évolution de la cinétique d’adsorption en fonction de la couverture surfacique dans le cas de l’adsorption d’un CpB PVP6-PS sur de la silice en solution dans le toluène. Quand l’interface devient saturée en CpB (partie droite de la Figure 58), une brosse sèche se forme et la cinétique d’adsorption chute rapidement jusqu’à ce que la réaction/adsorption devienne quasiment improbable.

Comme la diffusion dépend fortement de la masse molaire, la masse molaire a un effet important sur la réactivité des molécules. Par exemple, dans les mélanges de PA6/caoutchouc réactif, la masse molaire du PA libre et du PA greffée peut être mesurée ; et ceux décroissent en fonction du temps de réaction pour différentes concentration en caoutchouc. Cette diminution de masse molaire pendant le mélangeage est expliquée par

Figure 58a : Profile schématique de l’énergie potentiel agissant sur une chaine pénétrant une couche de polymères greffés. µ est le maximum de la barrière de potentiel pour une couverture donnée et D est l’énergie gagnée par adsorption158.

Figure 58b : Coefficient cinétique d’adsorption en fonction de la surface de couverture du CpB PVP-PS adsorbé sur le silicium à partir d’une solution de toluène159.

Paroi Brosse

Couverture surfacique (en mol/cm2)

Énergie potenti elle C inéti que d’adsorpti on (en c m /s )

l’hydrolyse du PA après réaction de l’amine terminale avec l’anhydride du caoutchouc135. De plus, la masse molaire du PA greffé est environ la moitié de celle du PA non-réagit. Cette différence vient du fait que la réaction est plus rapide avec les extrémités des chaines de PA de plus faible masse molaire. Ce phénomène est appelé ségrégation de masse molaire induite par réaction interfaciale. Dans le cas d’une réaction rapide et impliquant des groupes terminaux comme dans le mélange PA6/EPR-g-MA, cela est dû à la cinétique de diffusion et de ségrégation des espèces de faible masse molaire à l’interface (voir 1.2.2.2). Les effets de ces différents phénomènes changent suivant les conditions de mélangeage, les vitesses de réaction, la concentration des groupes réactifs, la place des groupes réactifs sur la chaine, et la fraction de chaines réactives.

Comme on vient de le voir dans les deux exemples ci-dessus, une fois les interfaces formées, la cinétique du greffage à l’interface est limitée par la diffusion des chaines :

☼ Diffusion des chaines greffées hors de l’interface limitée par leur masse molaire plus élevé après greffage

☼ Diffusion des chaines libres vers l’interface pour y réagir : les courtes chaines migrent plus vite vers l’interface ce qui leur permet une plus grande réactivité.