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Conclusion du chapitre

Chapitre 3 : Libéralisation, stratégie des compagnies aériennes et conséquences sur les aéroports

I. 2.1) Le low cost, un modèle en rupture avec celui des compagnies traditionnelles

Comme le souligne Jacques Mosnier188, il convient de distinguer une entreprise low cost d’une entreprise « low fare ». La stratégie « low fare », qui consiste à vendre en dessous de son coût de revient, comporte des limites évidentes qui peuvent conduire rapidement à la faillite. La politique commerciale d’Air Lib par exemple, qui a déposé son bilan en 2003, relevait davantage d’une stratégie « low fare » que « low cost »189. A l’opposé de cette stratégie, le low cost repose sur une structure de coûts qui rend durablement possible la vente à bas prix. Cette structure de coût est elle-même le résultat de l’exploitation d’un modèle économique190 basé sur la chasse systématique des coûts qui était au départ en rupture avec celui des compagnies traditionnelles. Souvent cité, le commentaire du directeur de Southwest, « pour qu’un client bénéficie d'un prix extrêmement attractif, Southwest prend en charge son transport, mais uniquement son transport », résume bien ce modèle191. Ainsi, tout service additionnel devient une option payante et tout coût jugé inutile est supprimé.

I.2.1.1) Une offre construite sur des principes efficaces pour réduire les coûts

- Un produit standardisé : les compagnies low cost proposent essentiellement des liaisons point à point sans escales et sans correspondances. Cela leur permet de faire des économies sur tous les postes habituellement liés à un service de correspondance tels que

185 Beigbeder C., Le low cost : un levier pour le pouvoir d’achat, rapport remis le 12 décembre 2007 à Luc

Chatel Secrétaire d’Etat chargé de la consommation et du Tourisme. Le rapport est téléchargeable à l’adresse suivante : http://www.minefe.gouv.fr/directions_services/sircom/consommation/rapport_low_cost071212.pdf

186 Lehuédé F., « L’Internet donne plus de pouvoir aux consommateurs », Problèmes économiques, n°2922, La

documentation française, 25 avril 2007.

187

DGAC, Observatoire de l’aviation civile, 2006-2007, Tome 1, Analyse.

188 Mosnier J, « Le phénomène low cost. Contre un certain nombre d’idées reçues », Problèmes économiques

n°2843, La documentation française, 2003.

189 Mosnier J., op. cit. 190

Dans le sens de Business Plan

191

Berthier S., Lafargue V., Navarra M., La révolution « low cost », une menace pour les compagnies

traditionnelles ?, Groupe Transport-Tourisme CSC Consultants, 2004. Téléchargeable à l’adresse suivante :

http://fr.country.csc.com/fr/kl/uploads/223_1.pdf. Dans le même ordre idée, on peut également citer une des plus célèbres campagne publicitaire de Southwest, « peanuts for free, flying for peanuts ! ».

le transit des bagages ou encore le transfert des passagers. Elles proposent une classe unique et ne cherchent pas à segmenter leur clientèle comme le font les Majors. L'avion se résume en une mono-cabine où le placement à bord y est totalement libre. Cette organisation engendre des économies liées aux frais de gestion attachés à un système de réservation. En outre, cette pratique influe sur la ponctualité des vols en incitant les passagers à embarquer le plus tôt possible, les sièges étant occupés en fonction de l’ordre d’arrivée. Cette simplification des formalités d’embarquement va également réduire les délais de rotation des avions entre deux vols. Par ailleurs, l’offre de ces compagnies se caractérise par l’absence de service à bord, ce qui leur a valu le surnom de « no frills airlines », à savoir les compagnies « sans chichi ». En fait, dans la plupart des cas, on trouve les services offerts par les Majors, à la différence que ceux ci sont payants192. - Une distribution directe : les compagnies low cost vendent leurs billets directement par

Internet (90%) ou call-center (10%). Ceci a pour effet de supprimer quasi-intégralement deux types de coûts193. D’abord, les commissions aux agences de voyages qui sont de l'ordre de 8%. Cependant, l’absence d’intermédiaire oblige les compagnies low cost à disposer de budgets marketing/communication importants pour promouvoir leur offre. Puis, les frais liés aux systèmes de réservation (SIR/GDS) tels qu’Amadeus, qui englobent également les réservations d’ensemble de services connexes, tels les réservations d’hôtels, les locations de voiture, les tours opérateurs, les croisières, etc. Les frais de transaction liés à l’utilisation de ces systèmes représentent environ 3.5 euros par réservation194.

Dès l’origine, les compagnies low cost se sont distinguées par l’absence de « catering » qui consiste à ne pas attribuer de siège au passager, ce qui supprime tous les coûts liés au processus d'impression des billets195. Par ailleurs, les compagnies low cost développent des

recettes annexes, notamment en vendant de l’espace publicitaire sur leur site Internet. Ryanair, par exemple, dont le trafic sur son portail Internet est de 42 millions de visiteurs par mois, loue son site depuis plusieurs années aux annonceurs publicitaires. De plus, ces compagnies proposent des produits payant optionnels (loterie/casino à bord, location de lecteur DVD, assurances complémentaires, réservation d’hôtels et de location de voitures sur leur site, etc.)196.

- Une tarification simple et unique : les compagnies low cost ont opté pour une tarification simple et unique en ayant recours à un yield management simplifié où le prix proposé dépend essentiellement de la date du voyage et de la destination197. La contrepartie de cette simplification tarifaire est que les billets offrent très peu de souplesse, que le remboursement est impossible et la moindre modification (nom du passager, date etc.) est

192 Mosnier J., op. cit. 193

Decker M., Structures et stratégies des compagnies aériennes à bas coûts, L’Harmattan, 2004

194 Saglietto L., « Transport aérien et montée en puissance des systèmes informatisés de réservation », Annales

des mines Gérer et Comprendre, n°75, mars 2004.

195 Sur ce dernier point, les compagnies traditionnelles ont rejoint les compagnies low cost puisque depuis le 1er

juin 2008, tous les billets émis par les 240 compagnies aériennes membres de l’Association du transport aérien international (IATA) sont électroniques entraînant ainsi, la disparition du traditionnel billet papier. L’économie ainsi réalisée est importante puisque le billet électronique ne coûte que 1 dollar, contre 10 pour le billet en papier. Soit 3 Md$ (1.9 M d’euros) d’économies par an pour l’ensemble des membres de l’IATA. In,

Air&Cosmos, n°2128, 6 juin 2008. Par ailleurs, depuis juin 2008, Air France propose aux passagers qui voyagent

entre Paris et Amsterdam d’obtenir leur carte d’embarquement sur leur téléphone portable (site Internet d’Air France).

196 Informations disponibles sur le site de l’aérogare MP2 de Marseille : www.mp2.aeroport.fr 197

payante. Cela dissuade les passagers à effectuer des modifications de billet et induit donc des économies sur l'après vente198.

I.1.2.2) Une organisation qui minimise les coûts de fonctionnement

- Une flotte homogène, jeune et densifiée : les compagnies low cost exploitent une flotte jeune constituée d’un type d'avion unique (parfois deux), en général des Boeings 737 ou des Airbus A 320 alors que les compagnies traditionnelles exploitent sept ou huit types différents avec une flotte plus âgée (neufs ans en moyenne pour Air France mais pouvant aller jusqu’à quinze ans pour leurs A320). Les avions utilisés sont de moyenne capacité, bien adaptés à l’exécution de vols fréquents courts et moyens courriers.

L’utilisation d’une flotte homogène réduit les coûts des stocks de pièces et d’entretien grâce à des effets de synergie. Les coûts et le temps de formation des mécaniciens sont abaissés et ces derniers sont interchangeables au sein des équipes. En outre, le Boeing 737 étant l’avion le plus vendu dans le monde, il est facile de trouver des pièces de rechange et des équipages qualifiés. Un autre avantage est la réduction des dépenses liées à la formation et aux changements de qualification des pilotes, celles ci étant spécifiques à chaque type d’appareil.

Quant au jeune âge de la flotte, il permet de réduire les coûts d’entretien mais accroît le coût de dépréciation mesuré par les amortissements. Aussi, pour exploiter leurs avions de façon optimale et répartir les coûts fixes (entretien et dépréciation) sur un plus grand nombre de passagers, les compagnies low cost utilisent des avions aux capacités en sièges densifiées. Ceci est permis par la suppression de la classe affaire et une réduction de l’écart entre les rangées de sièges. A titre d'exemple, chez Easyjet, cela permet de passer de 142 sièges à 156 sièges sur un Airbus A319.

- Un personnel productif : profitant des différences en matière de législation du travail au sein des pays européens, les compagnies low cost réduisent le nombre des personnels navigants et commerciaux au strict minimum réglementaire. Ainsi par exemple, on compte neuf salariés pour 6000 passagers chez British Airways contre un seul chez Ryanair199. Cela oblige les personnels à beaucoup de souplesse et de polyvalence. Le personnel de bord doit se charger du nettoyage de l’avion durant les escales, puis se reconverti en responsable de sécurité pendant le départ et en vendeur de repas et de boissons pendant le vol avec des objectifs chiffrés par passager. Pour les pilotes, cet effort de productivité se manifeste par des temps de vol annuel proche de la limite légale fixée à 900 heures alors que le temps de vol annuel des pilotes chez Air France se situe à 600 heures.

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