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Conclusion du chapitre

Chapitre 3 : Libéralisation, stratégie des compagnies aériennes et conséquences sur les aéroports

I. 1.1) L’analyse des stratégies

Afin de comprendre les choix stratégiques adoptés par les compagnies traditionnelles nous allons les analyser au travers de la grille proposée par Michael Porter165. Pour cet auteur, toute firme évoluant dans un secteur concurrentiel est soumise à cinq forces dont l’intensité est variable selon les cas. Il s’agit de la rivalité entre les entreprises en place, du pouvoir de négociation des fournisseurs et des clients, des menaces liées aux nouveaux entrants et aux produits de substitution. Dans le cas du secteur aérien, les transporteurs ont apporté des réponses spécifiques en termes de stratégie à chacune de ces forces exercées par le marché. Paradoxalement, alors que la libéralisation venait introduire la concurrence dans ce secteur, les principales stratégies des compagnies ont eu pour effet de limiter ses conséquences. Le tableau qui suit récapitule à la fois les cinq forces du secteur aérien ainsi que les principales stratégies adoptées par les compagnies traditionnelles pour y faire face.

164 Intervention de Jean-Cyril Spinetta, 14ème Airlines Forum de Cannes, 28 octobre 2005. 165

Tableau 1 : Analyse des réponses stratégies aux forces du marché Forces du marché selon M. Porter

Concurrence entre compagnies Pouvoir de négociation des fournisseurs (aéroports) Pouvoir de négociation des clients Nouveaux entrants : les low

cost Produit de substitution : le TGV (pour le cas de la France) Principales réponses stratégiques des compagnies - Alliance commerciale - Fusion / Acquisition - Hub166 (international / régional) - SIR/GDS167 - Yield management168 - Programmes de fidélisation169

- Filiale low cost - Plans de réductions des coûts - Offres promotionnelles - Suppression des lignes en concurrence - Développement à l’international

Certains auteurs proposent de distinguer parmi l’ensemble de ces stratégies celles qui constituent les fondamentaux pour une compagnie, celles qui sont basées sur la maîtrise des coûts et enfin les stratégies dites complémentaires170. Parmi les fondamentaux, on trouve la stratégie de hub, le recours au yield management, le développement de programme de fidélisation et la mise en place de système informatisé de réservation (SIR). Tirant parti de la dérégulation aux Etats-Unis et de l’exemple des compagnies américaines, ces stratégies ont été mises très tôt en place par les opérateurs européens afin d’anticiper les effets de la libéralisation. Parmi les stratégies de réduction des coûts, on rencontre toutes les mesures visant à réduire la masse salariale et à rationaliser la gestion de la flotte. Les transporteurs ont également développé des alliances afin de faire jouer la complémentarité des réseaux commerciaux pour offrir davantage de destinations aux clients. Cela permet également d’atténuer les effets de la concurrence entre les compagnies. Enfin dans le cadre des stratégies dites complémentaires, une compagnie peut décider d’adopter le modèle des compagnies low cost en créant une filiale low cost.

Les stratégies adoptées ne sont pas une réponse exclusive à une force du marché en particulier mais elles jouent simultanément sur plusieurs registres. Eu outre, elles sont complémentaires les unes aux autres et se renforcent mutuellement. Ainsi de la stratégie du hub, elle peut être analysée comme un moyen très efficace pour accroître l’offre et la compétitivité d’une

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Un hub permet à une compagnie d’organiser son réseau commercial autour d’un aéroport pivot.

167 SIR (Système informatisé de réservation) ou GDS (Global Distribution System ou système de réservation

centralisé) sont des plates-formes électroniques de gestion des réservations qui permettent aux agences de voyages de connaître le nombre de sièges disponibles des différentes compagnies et de faire des réservations à distance. Les plus importants sont les américains Sabre, Galileo (créé par trois compagnies américaines et neuf européennes) et Worldspan ainsi que l’européen Amadeus créé par Air France, Iberia et Lufthansa. Ces systèmes sont de plus en plus concurrencés par Internet.

168 Le yield management (appelé également gestion optimisée des recettes ou encore système de tarification en

temps réel) consiste en une politique tarifaire qui vise à maximiser la rentabilité d’un vol grâce à une gestion rigoureuse des prix des billets à partir de plusieurs paramètres tels que l’heure du vol, le type de clientèle, la destination, etc.

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Programme d’attribution de points acquis à chaque achat de billet et échangeables contre des vols.

170 Grisé J., Lécine M-E., Les stratégies concurrentielles des compagnies aériennes traditionnelles face à la

compétition des compagnies à bas coût : le cas d’Air France, Faculté des sciences de l’administration,

compagnie, mais elle sert également à étendre son pouvoir de domination sur un aéroport et sur un réseau. De plus, elle permet de limiter l’arrivée de nouveaux entrants (compagnies low cost par exemple) grâce à une gestion opportune des créneaux horaires (slots). Ainsi des plans de réduction des coûts qui passent par la rationalisation des achats, par la modernisation de la flotte avec des avions plus récents et donc moins gourmands en kérosène, par l’augmentation de la productivité des personnels, etc. La baisse globale des coûts permet aux compagnies de résister à la concurrence exercée par les low cost, voire du TGV (dans le cas de la France) mais aussi par les autres compagnies historiques. Elle permet également de réduire les prix des billets proposés aux clients, entraînant ainsi une augmentation de la demande, ce qui accroît l’efficacité du hub. L’ensemble de ces mesures qui ont toutes pour objectif d’augmenter la rentabilité des compagnies en les rendant plus compétitives, peut entraîner parfois la fermeture de lignes déclarées non rentables.

Alliance entre les compagnies aériennes : on peut ainsi distinguer trois stades dans une alliance171.

- La première étape correspond à un partenariat commercial qui repose sur un même programme de fidélisation de la clientèle, des salons communs dans les aéroports, etc.

- La seconde étape permet de travailler en partage de codes, c’est-à-dire, qu’un vol est assuré par un

transporteur tout en étant commercialisé par l’ensemble des compagnies de l’alliance. Le bloc siège, permet à chacune des compagnies de commercialiser une partie des sièges disponibles chez les partenaires. Enfin le

free-flow, permet à chaque compagnie d’accéder à l’ensemble des sièges disponibles de l’alliance pour les

vendre selon des conditions déterminées à l’avance. C’est ce que faisaient KLM et Northwest ou encore Air France et Delta Air Lines dans le cadre de l’alliance Skyteam avant le rachat de Northwest par Delta en 2008.

- La dernière étape consiste en la création de sociétés communes dans le cadre d’une filiale commune ou joint

venture.

Juridiquement, une alliance avec une compagnie américaine requiert de pouvoir bénéficier de l’immunité anti- trust délivrée par le Département des transports américains (DOT). Cette immunité autorise les transporteurs de contracter des accords qui, par nature, sont contraire au principe de la concurrence mais qui sont cependant considérés comme conformes à l’intérêt public. En Europe, la mise en œuvre d’une alliance doit être notifiée à la Commission européenne au titre du contrôle des concentrations (articles 81 et 82 du Traité de Rome). En contrepartie, les compagnies peuvent être amenées à faire des concessions, notamment, en termes de lignes desservies ou de créneaux horaires172.

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