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C. Tournier (1980 : 39 ) a défini trois lois qui concernent spécifiquement les relations ou la hiérarchisation entre les signes de ponctuation, que N. Catach (1996 : 121-122) a complétées par l’ajout de cinq autres lois.

I.1

Lois d’occurrence de Tournier

C. Tournier (1980 : 39) a édicté trois lois d’occurrence et de cooccurrence de signes, trois lois qui concernent spécifiquement les relations ou la hiérarchisation entre les signes. « Les choses se passent comme si, en linguistique, on s'était contenté d'un

inventaire des mots et de leurs significations sans indiquer selon quelles lois ils se combinent pour former des phrases »103

I.1.1 Loi d’exclusion

Certains ponctuants104 s'excluent mutuellement.

- Une parenthèse ouvrante ne peut suivre une virgule (C.Tournier, 1980: 39).

- S’il y a plusieurs ponctuances à marquer, un seul ponctuant est réalisé, et une seule fois (M-P. Dufour et S-G. Chartrand, 2014: 95).

102

DOPPAGNE, A. (2006). La bonne ponctuation, Bruxelles. De Boeck Supérieur, « Entre guillemets », p. 6.

103

TOURNIER, C. (1980), op.cit., p. 39.

104

Le signe de ponctuation est comme le signe linguistique constitué d’un signifiant (le ponctuant) et d’un signifié (la ponctuance).

En voici quelques exemples de cas, cités respectivement par G. Jarno-El Hilali (2011 : 36) et M-P. Dufour et S-G. Chartrand (2014: 95) :

- Une parenthèse ouvrante, par exemple, ne peut suivre une virgule ; de même, un point ne peut suivre ni une virgule, ni un deux-points, ni un point-virgule, ni des points d’interrogation, d’exclamation ou de suspension. On peut rencontrer plusieurs signes englobant à la suite, tels parenthèse fermante et guillemet fermant, mais pas plusieurs signes séparateurs stricts.

- Un point ne peut suivre une virgule, ni un deux-points, ni un point-virgule, ni un point d’interrogation.

I.1.2 Loi de neutralisation

Si en un point du discours plusieurs ponctuances doivent être marquées et ne peuvent normalement l'être que par le même ponctuant, celui-ci n'est réalisé qu'une fois.

- l’exemple le plus connu est l’absorption du point final par un point abréviatifen fin de phrase.

G. Jarno-El Hilali (2011 : 36) développe cette loi en expliquant que la présence du point de fin de phrase avant le guillemet fermant exclue tout nouveau marquage de fin de phrase par un nouveau point ensuite, la majuscule qui ouvre la nouvelle phrase signalant rétrospectivement la fin de l’ensemble.

Aussi, M-P. Dufour et S-G. Chartrand (2014 : 95) ont cité un exemple de cas : Un point de phrase est neutralisé par un point abréviatif (on ne mettra pas deux points de suite).

I.1.3 Loi d’absorption

II existe des signes qui ne peuvent apparaître l'un à côté de l'autre bien que comportant des ponctuants et des ponctuances différents : dans de tels cas, un seul ponctuant est réalisé et il se charge alors de sa ponctuance propre et des autres.

Exemple : une virgule double abordée au début ou à la fin d’une phrase (C. Tournier, 1980: 39).

Une virgule double, par exemple, peut être absorbée en début ou en fin de phrase. Cette loi explique aussi que la présence des points d’interrogation, d’exclamation ou de suspension en fin de phrase, indiquant une modalité, absorbent le

point final, et se chargent d’exprimer en sus des modalités une valeur de séparation syntaxique (G. Jarno-El Hilali, 2011: 36).

M-P. Dufour et S-G. Chartrand (2014 : 95) ajoutent un autre exemple de cas : Le point d’exclamation, indiquant une modalité, absorbe le point de phrase et exprime alors aussi sa valeur syntaxique.

I.2

Lois de Catach (règles typographiques)

Catach rappelle que les ponctèmes105 font systèmes et obéissent à des lois de fonctionnement.

I.2.1 Première loi

Tout segment syntaxique constitue en même temps un groupe de sens. La ponctuation doit donc respecter avant tout une loi fondamentale : sauf accidents de discours, ne jamais séparer ce que le sens unit étroitement (déterminant/déterminé, sujet/prédicat, verbe/compléments essentiels, copule/attribut, etc.)106.

Cette loi est illustrée par un exemple de cas cité par M-P. Dufour et S-G. Chartrand (2014 : 95) :

- On ne doit pas séparer déterminant et déterminé. I.2.2 Loi d’anticipation

Cette obligation est si forte qu’au seuil d’un groupe de sens que l’on sait devoir être long (excédant, dit Beauzée, la « portée d’une respiration »), il est préférable de prévoir à temps une prise d’air, ou à l’écrit un signe, permettant de ne pas s’arrêter ensuite, comme le font certains speakers, de façon inopportune (vr. aussi 5. Loi de

sobriété).

Un exemple de cas est donné par M-P. Dufour et S-G. Chartrand (2014 : 95) pour illustrer cette loi :

- Un sujet très long pourrait être suivi d’une virgule.

105

Un ponctème est l’unité à deux faces constituée par le signe matériel et sa fonction : CATACH, N. (1980). « La ponctuation ». Langue française, n° 45, p.21.

106

I.2.3 Loi de la longueur

Le nombre et la qualité des signes sont fonction de la longueur des phrases : « Le premier élément de toute phrase, c’est le nombre de syllabes » (Ph. Martinon, 1913). Cette loi n’est valable que si elle entre en conflit avec les autres lois107

.

Exemple : Une phrase très longue sera nécessairement plus ponctuée qu’une phrase très courte.

I.2.4 Loi des accidents du discours

La ponctuation de la phrase complexe formée de parties imbriquées est indispensable, celle de la phrase simple, même longue, ne l’est pas. La syntaxe constructive n’a en elle-même aucune nécessité de signes internes, ex. : À peine a-t-on

franchi les premières montagnes qu’on en voit d’autres s’élever (Racine)108

.

En revanche, l’accident du discours (et donc les risques d’ambiguïté) appelle les signes. La virgule, par exemple, apparaîtra dans trois cas : juxtapositions (virgules plus), incises, inversions de groupes (virgules moins). Les positions privilégiées des accidents de discours sont l’initiale et la finale. Les accidents internes, plus lourds à gérer, peuvent souvent être, sauf effet de style, évités (nécessité de deux signes au lieu d’un).

Ainsi, un adverbe ou une locution adverbiale, comme « demain », « l’autre jour », seront coupés dans « demain, je pars », « l’autre jour, je suis allé », mais peuvent ne pas l’être dans « je partirais demain à la campagne », « je suis parti l’autre jour à la maison de campagne de mes parents ». On évite ainsi des arrêts qui sembleraient pénibles, et qui deviennent inutiles.

Exemple : On doit utiliser la virgule pour insérer une incise dans une phrase graphique.

I.2.5 Loi de sobriété

A/ « Pas plus de signes que de choses à signifier » : Il faut, conseille Beauzée, tenir à tout instant compte de « l’unité de la pensée totale, réellement indivisible ». Cependant, il faut tenir compte aussi de la clarté de l’énonciation. Un équilibre est donc

107

Loc. cit.

108

à trouver entre les impératifs complémentaires de l’unité de la pensée, des accidents du discours et du souci d’éviter l’ambiguïté.

B/ « Pas de signes en cascade » : Une des conséquences majeures de la loi de sobriété est celle-ci : quand une ponctuation de groupe partiel devrait être immédiatement suivie d’une autre ponctuation de groupe de même rang ou de rang supérieur, la première s’efface devant la suivante, ex. (suppression possible d’au moins deux virgules internes)109 :

Je suis parti(,) l’autre jour(,) à la maison de campagne, avec mes parents

Exemple : Deux compléments de phrase courts placés en début de phrase ne seront pas séparés par une virgule si la phrase demeure claire ; une virgule suivra le deuxième.

Dans ce contexte, M.-P. Dufour et S.-G. Chartrand (2014 : 95) résument cette loi : Il faut respecter « l’unité de la pensée totale, réellement indivisible » et éviter l’emploi abusif de signes en établissant des « priorités »110

.

I.2.6 Les rapports entre les signes : « La hiérarchisation »

L’idée de la hiérarchisation est déclenchée par la notion de « force » que peuvent avoir certains signes au détriment des autres selon leurs fonctions.N. Catach (1996 : 50) en distingue trois ordres de signes de ponctuation comme suit : les signes de 1er ordre, qui sont supérieurs à la phrase et concernent le texte lui-même, les paragraphes ; les signes de 2ème ordre, qui régissent au sein de la phrase ou entre les phrases ; enfin, les signes de 3ème ordre, qui agissent sur les mots. N. Catach souligne à ce propos : « On

peut distinguer la ponctuation de mots, la ponctuation de la phrase et la ponctuation de texte(en arrêtant, selon nos, conventions, et alinéa). C’est la deuxième qui est plus riche et la plus intéressante, et c’est d’elle que nous parlerons surtout ».111

Ainsi, certains signes ont une priorité sur d’autres, ils sont hiérarchisés (V. Paolacci et M. Favart, 2010 :117) selon le degré de rupture qu’elles induisent dans le texte. Pour les plus couramment utilisées, la hiérarchie est la suivante : alinéa >. > ; >, > ø.

109

CATACH, N. (1996), op. cit., p.122.

110

DUFOUR, M.-P. & CHARTRAND, S.-G. (2014), op. cit., p. 95.

111

Comme il a été déjà mentionné dans les lois de neutralisation et d’absorption, par exemple le point abréviatif absorbé par le point de phrase. En cas de cumul, quels sont donc les points qui disparaissent devant d’autres ?

Il ressort des études précédentes que les signes-mots disparaîtront devant ceux des membres de phrase, et ceux-ci devant les signes supérieurs :

 La majuscule de nom propre devant la majuscule de phrase ;

 Le point abréviatif, et même le tiret (qui ainsi, possédant cette possibilité, devient simple), devant le point final « Le tiret remplace les virgules pour les renforcer (…) il disparaît devant le point ».

 La virgule ouvrante ou fermante devant un point-virgule, un point ou tout autre signe plus fort, etc.

Les quatre points (final, interrogatif, exclamatif, suspensif) présentent la même capacité de clôture, cumulée avec celle de la modalité : quand ils apparaissent en fin de phrase, les autres points se substituent donc au point final, et ce dernier est supprimé. Il y a cependant une grande différence entre eux : le point final ne peut jamais porter sur un segment en position interne, contrairement à l’interrogation, l’exclamation et la suspension. Les points correspondants sont alors suivis soit de la majuscule (ils prennent alors la valeur de clôture), soit d’une minuscule (ils sont alors séquentiels), ce que ne fait pas le point final, toujours suivi, en français moderne, de la majuscule, avec valeur de clôture.