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CHAPITRE DEUXIÈME : SIGNES DE PONCTUATION, ENTRE DÉFINITIONS

I.3 Signes à valeurs sémantique et énonciative

I.3.4 Les guillemets

Dans un bref historique, N. Catach (1996 :77) fait remonter l’appropriation des guillemets au XVIe siècle, les difficultés extrêmes de l’imprimerie française expliquent peut-être préféré « guillemeter » les passages à mettre en relief. L'exemple le plus typique en est sans conteste celui des guillemets, qui se sont largement répandus au XVe siècle, selon l'avis même des imprimeurs, « pour épargne du caractère italique ».

Le terme « guillemets » serait un dérivé de Guillaume, nom de l’inventeur prétendu de ces signes (XVIIe s.) écrit A. Doppagne (2006: 69) dans son article « Les guillemets ». Les guillemets sont des signes d’insertion qui s’emploient par paires : les

guillemets ouvrants et les guillemets fermants. Leur rôle essentiel est de marquer le changement d’auteur du discours. Les guillemets sont donc appelés à encadrer toute

citation, toute intervention d’un personnage en discours direct.

N. Catach (1996 : 78) a aussi précisé que les guillemets, mis « au long » dans la marge, qui évitaient de changer de caractères, se sont donc répandus largement, non seulement pour les citations, mais pour les idées générales, les passages importants, et plus tard pour les dialogues, de plus en plus nombreux dans les romans du XVème siècle. Les guillemets, dit-elle, conservent leur valeur primitive de distanciation et de mise en valeur.

C. Tournier (1980 : 38), quant à lui, cite les guillemets ainsi :

Ce sont, par ordre de pouvoir isolant décroissant : les guillemets, les parenthèses et les crochets, les tirets doubles, les virgules doubles. Ils délimitent, certes, des éléments également constitutifs de la phrase, mais dont la suppression ne rendrait pas agrammaticale la séquence subsistante ni ne modifierait l'essentiel de sa structure.83

Il ajoute que leur présence permet de faire remplir à n'importe quel type de séquence le rôle d'un élément constitutif : une phrase entière peut ainsi devenir un complément d'objet ou un sujet : Son « Je vous ai compris » est resté célèbre. En outre, ils possèdent la propriété de pouvoir affecter n'importe quelle séquence de mots à l'intérieur d'une phrase donnée, ce qui est impossible avec les autres signes de ce groupe. Les guillemets sont classés différemment selon les linguistes et les grammairiens, M. Riegel et al (2009 : 156) les classent dans l’ensemble des signes à

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valeur énonciative, A. Doppagne (2006 : 70) les qualifie de signes s’insertion, C.Tournier (1980 : 38), à son tour, pense qu’il n'existe pas de ponctuation spécificatrice pure, à côté d'une ponctuation limitatrice pure. Les guillemets, en particulier, remplissent le plus souvent les deux fonctions : ils indiquent que tel passage est emprunté et en marquent en même temps les limites. Il reste cependant que dans la plupart des cas, l'une des deux fonctions l'emporte nettement sur l'autre. Leur rôle essentiel est de marquer le changement d’auteur du discours. Marquant un changement de niveau énonciatif, les guillemets sont donc appelés à encadrer toute citation, toute intervention d’un personnage en discours direct. Ils sont toujours doublés, mais la distinction des guillemets dits français entre une forme ouverte au début et une forme fermés à la fin du fragment (« … ») est souvent abandonnées, avec les traitements de texte, au profit d’une forme unique indifférenciées (‘‘ ’’)84.

Les guillemets français (« »), appelés abusivement chevrons à cause de leur forme, sont ceux que l’on utilise normalement dans un texte français. Une espace insécable sépare les guillemets ouvrants et fermants du texte guillemeté.

Les guillemets anglais (‘‘ ’’) se présentent sous la forme de doubles apostrophes dont la première paire est à l’envers ; on fait parfois la distinction entre guillemets anglais (‘‘ ’’) et guillemets américains (" "), aussi appelés petits guillemets. On ne met pas d’espace entre le texte ainsi guillemeté et ces guillemets.

Les guillemets allemands se présentent généralement sous la forme d’apostrophes simples (‘ ’) ou (' '). Il n’y a pas d’espace entre le texte ainsi guillemeté et ces guillemets.

Ainsi, si l’on doit guillemeter un élément à l’intérieur d’un passage déjà entre guillemets, on utilise successivement les guillemets français, anglais, puis allemands pour marquer les différents niveaux de citation.

Dans l’usage, il y a souvent concurrence entre l’italique et les guillemets dans certains emplois. N. Catach (1980 : 21) affirme : « Aujourd'hui encore, italique et

guillemets alternent et ont des usages souvent interchangeables. »85. Par exemple pour

les citations, les mots étrangers non francisés, les néologismes, les titres d’œuvres et les formes critiquées. Dans la presse en particulier, les citations sont fréquemment

84

RIEGEL, M et al. (2009), op. cit. , p. 156.

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encadrées de guillemets et écrites en italique pour les distinguer encore davantage du contenu rédactionnel (bien que l’emploi de deux marques ne soit pas réellement utile pour indiquer où commence et où se termine la citation). Pour éviter la confusion à l’intérieur d’un même document, on doit adopter une règle et s’y tenir. Si le texte est écrit à la main, on peut guillemeter ou souligner ce qui figurerait en italique dans un document électronique ou dans un texte imprimé.

Le discours rapporté pouvant avoir une longueur variable, d’un mot seul à un texte de plusieurs pages, lorsqu’il comporte plusieurs paragraphes, les guillemets sont placés, généralement, au début de chaque alinéa et à la fin du dernier. Selon M. Riegel et al (2009 :158), le scripteur marque ses distances par rapport aux termes qu’il rapporte grâce aux guillemets : distance par rapport à un terme argotique ou un néologisme qu’il introduit prudemment, mais distance ironique aussi quand il rapporte des termes en indiquant explicitement, avec les guillemets, qu’il s’en désolidarise ou les fustige (l’expression figurée « entre guillemets »). Quelques conseils sont préconisés au moment d’employer les guillemets dans des situations particulières. À l’oral, on marque le début d’une citation par la formule je cite, et la fin, par la formule fin de

citation. Lors d’une dictée, on dira plutôt ouvrez les guillemets et fermez les guillemets.

On mime aussi parfois les guillemets (on mime en fait les guillemets anglais ou américains, les guillemets français étant moins facilement imitables !) par un geste de l’index et du majeur de chaque main, pour indiquer une citation ou encore sa réserve quant aux mots prononcés. La locution orale entre guillemets à la même fonction, soit de marquer une distance par rapport aux mots employés. L’une des fonctions les plus importantes des guillemets est d’encadrer les citations. Commençons par trois principes généraux. D’abord, on commence la citation par un guillemet ouvrant et on la clôt par un guillemet fermant. Ensuite, il faut distinguer la ponctuation appartenant à la citation, qui est incluse à l’intérieur des guillemets, de la ponctuation appartenant à la phrase où figure la citation. Enfin, on doit guillemeter les paroles rapportées telles quelles, contrairement au discours indirect, qui demande des modifications grammaticales et qui ne nécessite pas l’usage des guillemets. Lorsque la citation est introduite par les deux points et termine la phrase, le point terminal se place avant le guillemet fermant. Si la citation n’est pas introduite par les deux points, le point final se place après le guillemet fermant. Une incise brève n’entraîne pas la fermeture et la réouverture des guillemets. Lorsqu’une brève incise coupe la citation, on inclut cette incise dans les guillemets, bien

qu’elle ne fasse pas partie de la citation comme telle ; si elle est longue, on ferme les guillemets avant l’incise pour les rouvrir après, afin de délimiter clairement ce qui appartient vraiment à la citation. Dans le cas où la citation est une phrase complète, elle est souvent annoncée par un deux-points et elle commence par une majuscule. Elle perd son point final si elle est au début ou au milieu de la phrase où elle s’insère ; mais si la citation termine la phrase, elle conserve son point final et aucun point n’est ajouté après le guillemet fermant. En fait, c’est ici un autre principe qui prévaut : celui de l’économie des signes. Par ailleurs, les citations conservent toujours leurs points de suspension, d’exclamation et d’interrogation. Par contre, il faut s’avoir qu’une citation longue correspondant à un nombre de lignes variables, allant de quatre à plus de huit lignes, elle peut, cependant, se présenter de la même façon qu’une citation courte. Elle est en général introduite par un deux-points suivi d’un retour à la ligne et forme un paragraphe autonome qui peut être mis entre guillemets (ce qui est le plus simple), écrit en italique ou en plus petits caractères, ou mis en retrait. On rencontre aussi des combinaisons de ces procédés. Dans le cas d’une citation longue qui se poursuit sur plus d’un alinéa, il est conseillé de placer un guillemet fermant au début de chacun des alinéas (sauf le premier, qui est précédé d’un guillemet ouvrant). Ce guillemet fermant, appelé guillemet

de suite, rappelle au lecteur qu’il s’agit toujours d’une citation.

A. Doppagne (2006 : 71) a évoqué une petite problématique quant au point final du proverbe cité dans une phrase, et finit par l’analyser ainsi : Au proverbe qui affirme «Tel père, tel fils », il est facile de répondre par «À père avare, fils prodigue». Il est évident que, isolément, le proverbe Tel père, tel fils se termine par un point. Ce point n’a pas été reproduit, il s’efface devant la virgule de la phrase où il est cité. Le second proverbe, n’étant pas introduit par deux points, perd son propre point final au profit de celui de la phrase qui contient la citation. Dans un autre contexte, celui de la poésie, A. Doppagne (2006 : 72) souligne que les vers ne se citent pas entre guillemets, mais en respectant leur présentation typographique. Très souvent, pour des questions de justification, on change de caractère : corps plus petit, italique. Les vers cités sont disposés au milieu de la ligne, dans un emplacement centré.

Pour finir, on ne manque pas de soulever cette concurrence qui existe entre les guillemets et l’italique. Les guillemets, dans un texte, encadreront tout ce qui paraît anormal dans la langue : un mot inconnu, un néologisme non encore accrédité, un terme régional, technique, un mot en langue étrangère et même un mot français auquel on

donne une acception particulière. Néanmoins, A. Doppagne (2006 : 74) affirme que la typographie moderne préfère, en général, recourir aux caractères italiques. Il ajoute que cette concurrence peut aussi se présenter, chez le même auteur, et, qui plus est, dans la même phrase.