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Localisation d’onde au sens d’Anderson et exposant de Lyapunov

4.3 Un autre r´egime de pi´egeage dans le d´esordre : la localisation d’Anderson

4.3.1 Localisation d’onde au sens d’Anderson et exposant de Lyapunov

Le ph´enom`ene de localisation d’une onde sans interactions dˆu `a la pr´esence de d´esordre a ´et´e propos´e pour la premi`ere fois `a la fin des ann´ees 50 par P.W. Anderson [4]. Dans ces tout premiers travaux, Anderson d´ecrit la possible absence de diffusion d’´electrons dans une r´egion finie d’un cristal contenant des impuret´es distribu´ees al´eatoirement. Il montre en particulier que ce ph´enom`ene de localisation est dˆu `a la pr´esence de d´esordre dans le syst`eme16. La localisation

au sens d’Anderson r´esulte d’interf´erences destructives entre les ondes multiples diffus´ees par la structure du d´esordre (ou, dit autrement, d’interf´erences entre les diff´erents chemins que peut suivre l’´electron qui diffuse sur un r´eseau d´esordonn´e). Il s’agit donc d’un ph´enom`ene ondulatoire qui apparaˆıt dans la mati`ere lorsque la nature quantique de cette derni`ere devient pr´epond´erante. Cela ´etant, si le ph´enom`ene de la localisation d’Anderson a ´et´e initialement d´evelopp´e pour une onde ´electronique (quantique) [4] et ses cons´equences observ´e [57, 58], des ph´enom`enes de localisation dˆu `a la pr´esence de d´esordre ont ´egalement ´et´e observ´es avec des ondes ´electro-magn´etiques (classiques) [5–8,161] et des ondes acoustiques (classiques) [12].

Le ph´enom`ene de localisation d’Anderson peut avoir lieu dans une situation o`u l’ampli- tude du potentiel al´eatoire est faible devant l’´energie typique de l’onde. Supposons que nous travaillons avec des particules classiques (c’est `a dire de caract`ere corpusculaire) et que le po- tentiel al´eatoire perturbatif soit conservatif et compos´e de barri`eres de potentiel. Dans cette situation de faible potentiel al´eatoire, l’´energie de la particule classique est sup´erieure `a l’ampli- tude des barri`eres : la particule passe au dessus du d´esordre sans que sa diffusion soit supprim´ee. Supposons maintenant que la particule soit quantique. Son caract`ere ondulatoire implique des r´eflexions multiples sur les barri`eres du potentiel al´eatoire qui peuvent conduire `a la localisa- tion de la particule. La r´ealisation d’une exp´erience de localisation au sens d’Anderson devient alors particuli`erement excitante lorsqu’elle est r´ealis´ee avec ce qu’il est classiquement consid´er´e comme des corpuscules (des atomes de Rubidium par exemple). Cette situation est une mani- festation ”magique” du caract`ere ondulatoire (quantique) de la mati`ere.

Dans un premier temps, nous allons d´ecrire plus en d´etail que nous ne l’avons fait au cha- pitre 1 le ph´enom`ene de localisation d’Anderson. Il s’agit, pour le moment, de traiter le cas g´en´eral d’une onde plane de vecteur d’onde k et nous ne faisons pas forc´ement r´ef´erence `a un condensat de Bose-Einstein gazeux. Nous ne discuterons pas l’existence d’´etats fondamentaux localis´es au sens d’Anderson dans le potentiel al´eatoire en ´etudiant les ´etats propres d’un sys- t`eme ferm´e. Nous pr´esentons cependant la forme d’un tel ´etat localis´e au sens d’Anderson sur la figure 4.22a). Cette image, qui fait notamment apparaˆıtre le profil exponentiel de l’onde lo- calis´ee, nous permet de discuter le processus du transport d’une onde plane sans interaction `a travers un milieu diffusant al´eatoire.

16Rappelons que cette description a ´et´e ´elabor´ee afin prendre en compte l’effet du d´esordre dans la transition

a) c) b) -0.25 0.0 0.25 -3 -2 -1 0 1 δθ/π ψ (z) z z z

Fig. 4.22 – a) Onde plane de vecteur d’onde k localis´ee au sens d’Anderson (trait plein bleu) dans un potentiel al´eatoire de faible longueur de corr´elation (trait plein rouge). La d´ecroissance de l’enveloppe est ajust´ee par une fonction exponentielle (traits noirs pointill´es). b) Variation de la phase autour de la valeur moyenne de l’onde plane δθ(z) = θ(z) − kz (trait plein noir) dans le potentiel al´eatoire (trait plein rouge). c) Image agrandie de l’image b) : les modulations du potentiel al´eatoire (trait plein rouge) induisent les variations spatiales de la phase θ(z) − kz (pointill´es noirs).

Nous allons ainsi esquisser une image dynamique de la localisation d’Anderson : celle de la localisation d’une onde plane de vecteur d’onde k se propageant sur un potentiel al´eatoire perturbatif17. Le potentiel al´eatoire est suppos´e de tr`es faible amplitude devant l’´energie de

l’onde et de longueur de corr´elation petite devant la longueur d’onde 2π/k. La r´eflexion de l’onde plane sur chaque modulation du potentiel est alors faible et l’amplitude ψ(z) de l’onde apr`es chaque modulation est tr`es l´eg`erement inf´erieure `a l’amplitude avant la modulation (autrement dit la transmission de l’onde est proche de l’unit´e). De mˆeme, la phase θ(z) de l’onde plane va ˆetre peu modifi´ee par les modulations du potentiel al´eatoire : l’´ecart δθ de la phase `a celle d’une onde plane dans l’espace libre, δθ(z) = θ(z) − kz, va subir des sauts de phase faibles devant 2π sur chacune des modulations du potentiel al´eatoire (voir figure 4.22).

Les faibles r´eflexions multiples subie par l’onde par chacune des modulations du potentiel al´eatoire peuvent interf´erer. Le caract`ere al´eatoire de chacune de ses r´eflexions multiples en- gendre des interf´erences destructives qui induisent une diminution (faible) de l’amplitude de l’onde lors de la transmission `a travers chacune des modulations du potentiel al´eatoire. Dans

cette image, l’´etat localis´e de l’onde se ”construit” donc en quelque sorte au cours de la diffu- sion sur les modulations du potentiel al´eatoire et la fonction d’onde localis´ee est caract´eris´ee par une enveloppe qui d´ecroˆıt spatialement `a partir du centre de la localisation. Nous pouvons d´efinir la longueur caract´eristique de d´ecroissance de l’enveloppe, Lloc(k), que nous appellerons

longueur de localisation. Notons que le construction de cette enveloppe d´ecroissante `a partir de nombreuses modulations du potentiel al´eatoire implique que Lloc(k)  ∆z. La variation de

l’enveloppe r(z) de l’onde sur une distance de l’ordre de la taille de corr´elation ∆z du potentiel est donc tr`es faible. Or, en anticipant quelque peu sur le paragraphe suivant, le formalisme de phase permet alors d’´ecrire une ´equation sur l’enveloppe du type [voir Eq(4.26)]

∂zr(z) = f(z, k) r(z) (4.19)

o`u la fonction f varie spatialement sur une ´echelle de l’ordre de la longueur d’onde λ. Nous pouvons alors remarquer que l’´echelle spatiale Lloc(k) sur laquelle varie l’enveloppe r(z) de l’onde

est tr`es grande devant λ. La valeur prise par la fonction f aux diff´erents points de l’espace est donc faible. De plus, comme, λ  ∆z, nous pouvons suppos´e que la valeur moyenne de f sur une ´echelle spatiale ´egale `a ∆z est ind´ependante du point de l’espace z (nous supposons ainsi que la diminution de l’enveloppe est spatialement homog`ene). Nous pouvons alors ´ecrire une variation lin´eaire de r(z) sur cette ´echelle ∆z,

r(z + ∆z) = r(z) − dr(z) = r(z)  1 − ∆z Lloc  (4.20) qui donne lieu `a un profil d’enveloppe exponentiel. A une distance du centre de localisa- tion grande devant la longueur de corr´elation du potentiel al´eatoire, il vient alors r(z) ∝ exp[−z/Lloc(k)]. Une fonction d’onde localis´ee au sens d’Anderson apparaˆıt sur la figure 4.22a) :

la phase de l’onde est `a peu pr`es ´egale `a kz puisqu’on voit toujours des oscillations p´eriodiques et l’enveloppe d´ecroˆıt exponentiellement comme le montre l’ajustement avec une fonction ex- ponentielle. Les variations spatiales de la phase δθ sur chaque modulation apparaˆıt clairement sur la figure 4.22c). Remarquons ´egalement que la variation de la phase δθ sur un grand nombre de modulation peut conduire `a des variations importantes de cette derni`ere comme le montre la figure 4.22b). La localisation de l’onde au sens d’Anderson r´esulte ainsi des interf´erences multiples destructives engendr´ees par le d´esordre.

La d´ecroissance exponentielle de la fonction d’onde localis´ee au sens d’Anderson [voir figure 4.22a)] est tr`es certainement la caract´eristique la plus connue de ce ph´enom`ene. Cela ´etant, si l’image de la localisation avec laquelle nous travaillons nous `a conduit `a ce type de d´ecroissance pour l’enveloppe, nous verrons dans le paragraphe suivant qu’il faut apporter des corrections `a ce comportement spatial de l’onde localis´ee [44,45].

Pour une fonction d’onde ´etendue (non localis´ee), la longueur de localisation Lloc est infinie

(c’est le cas pour une onde plane en l’absence de potentiel al´eatoire). Il est alors plus commode de d´efinir un coefficient γ(k) ´egal `a l’inverse de cette longueur de localisation Lloc(k). Ce coefficient

γ(k) est appel´e exposant de Lyapunov. Dans le cas d’une onde non localis´ee, le exposant de Lyapunov est nul, γ(k) = 0. Si la longueur de localisation est finie, γ(k) est diff´erent de z´ero. γ(k) est d´efini par le comportement asymptotique de l’enveloppe de la fonction d’onde localis´ee tel que [69], γ(k) = −lim|z|→∞ log [r(z)] |z|  . (4.21)

Remarquons que nous prenons la moyenne sur les r´ealisations du potentiel al´eatoire afin que le exposant de Lyapunov ait un sens statistique et refl`ete les propri´et´es statistiques du potentiel al´eatoire.

Nous allons maintenant d´ecrire le formalisme de phase qui nous permet d’appr´ehender le ph´enom`ene de localisation d’Anderson de particules libres. En particulier, l’exposant de Lya- punov de la localisation d’Anderson est calcul´e et sa d´ependance avec les diff´erents param`etres du potentiel al´eatoire est discut´ee.