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2. CADRE THEORIQUE

2.1 Synthèse des courants et des ouvrages de référence

2.1.3 La littérature fantastique

Le récit fantastique a, par le passé, souvent été vu comme pur divertissement ou même comme un danger. Effectivement, l’imagination enfantine a parfois été mal vue, car on pensait qu’elle séparait l’enfant de la réalité, et l’empêchait de discerner le réel du fictif. Ce temps est heureusement révolu grâce à des auteurs comme Held (1977) qui défend les apports des textes littéraires fantastiques dans son ouvrage « L’imagination au pouvoir ».

Qu’est ce que la littérature fantastique ?

Dans le cadre de ce mémoire le terme de compréhension sous-entend « compréhension de textes littéraires », mais plus spécifiquement compréhension des textes fantastiques. Or, pour ce qui est de la compréhension du fantastique on constate qu’il s’agit d’un domaine encore peu exploré et cela sans doute à cause de la difficulté à définir le genre. Ce n’est que ces dernières années que des auteurs se sont penchés sur la question de la compréhension de ces textes. Rachel Bouvet (2007) en fait partie. Elle a écrit un ouvrage « Etranges récits, étranges lectures » dans lequel elle se demande quel est l’acte de lecture engendré par ce type de textes. D’après elle ce genre de textes est inqualifiable. « On peut se demander (…) si tenter de définir le fantastique en tant que genre littéraire ne revient pas à s’engager dans une perspective erronée, tout simplement parce que le fantastique n’est pas une forme, mais un effet. » (Tousson, 1978, cité par Bouvet, 2007, p.64).  

L’indétermination : notion clé

Il faut souligner que dans la littérature fantastique, la notion d’indétermination est très présente. Elle est d’ailleurs considérée comme un élément du texte littéraire. Il existe deux modèles théoriques qui se centrent sur cette notion d’indétermination : le premier est celui de Roman Ingarden (1983 cité par Bouvet, 2007) et le second est celui de Wolfgang Iser (1985 cité par Bouvet, 2007). Ce qui oppose Ingarden à Iser, c’est leur manière d’aborder l’étude de l’indétermination. Ingarden se situe dans une perspective ontologique et ne procède jamais à une analyse littéraire alors qu’Iser s’interroge sur l’acte de lecture ou de réception et l’effet esthétique des textes littéraire. Il met en lien le texte avec le lecteur mais garde à l’idée que le texte contiendra toujours une part d’indétermination. « Le texte contient une composante d’indétermination. Ce n’est pas un défaut, mais bien une condition fondamentale de la communication du texte : elle permet la participation du lecteur à l’intention du texte » (Iser, 1985 cité par Bouvet, 2007, p.12).

Les deux auteurs s’entendent ainsi sur le fait que la lecture fantastique va amener « des lieux d’indétermination », terme d’Ingarden (1983 cité par Bouvet, 2007) appelés « blancs » par Iser (1985 cité par Bouvet, 2007). Ce sont des moments du récit où le lecteur est soumis à une discontinuité du texte. Pour donner du sens au texte il va être obligé de se reformuler le texte pour lui-même, afin de combler ces lieux d’indétermination pour que l’histoire lui paraisse cohérente.

Pour Ingarden (1983 cité par Bouvet, 2007) les lieux d’indétermination n’ont qu’un seul niveau alors que pour Iser (1985 cité par Bouvet, 2007), les blancs sont séparés en deux catégories : dans le premier cas le blanc signale une omission du texte, et le lecteur doit utiliser son imagination pour la combler. Dans ce cas là, le blanc stimule l’activité de représentation du lecteur Dans le deuxième cas, le blanc est dû à une omission au niveau du contenu du texte. Le lecteur doit alors compléter le texte et expliciter ce qui est implicite.

Cette négation dite « primaire », introduit une négation dite « secondaire ». Le lecteur face à une négation va tenter de trouver un équilibre entre sa découverte et ses habitudes. Trouver une cohérence du texte lors d’un blanc n’est pas forcément aisé pour le lecteur. Iser souligne d’ailleurs les cas où les blancs ne sont pas résolus. Dans ce cas le lecteur va alors chercher une signification à la présence des ces négations. Face aux textes qui comportent de tels blancs, le lecteur devra prendre conscience de ses propres projections. Pour Bouvet (2007), il faut faire une nette séparation entre les blancs et les négations primaires d’un côté, et les négations secondaires de l’autre. Selon elle il est évident que toute œuvre littéraire contient des blancs et

des négations primaires. Par contre, il est beaucoup plus rare qu’elles contiennent toutes des négations d’ordre secondaire. « Alice au pays des merveilles », par exemple, est un ouvrage qui contient ces deux types de négations

Une dernière question sur laquelle Ingarden (1983 cité par Bouvet, 2007) et Iser (1985 cité par Bouvet, 2007) s’opposent est de savoir si tous les blancs ou lieux d’indétermination sont comblés par le lecteur. Selon Ingarden les lieux d’indétermination ne peuvent en principe pas tous être complètement éliminés. De plus, pour cet auteur, les lieux d’indétermination ne sont pas remarqués par le lecteur. Ce n’est que lorsque l’on étudie de près l’œuvre que l’on en prend conscience. Iser s’oppose à Ingarden car selon lui tous les blancs sont toujours comblés par le lecteur. Iser est plus intéressé par le « processus de détermination » que par l’indétermination même. Ce qui l’intéresse c’est comment l’indétermination est surmontée grâce à la création d’une signification ou d’une image mentale. Ce n’est donc pas l’indétermination qui est importante mais ce qu’on peut en faire. Vandenlorpe (1992 cité par Bouvet, 2007) pour sa part rejoint quelque peu Ingarden sur le fait de ne pas devoir combler toutes les indéterminations mais il ajoute le facteur de plaisir lors de l’analyse. Plutôt que de qualifier l’indétermination comme une lacune à combler par tous les moyens, on peut la concevoir comme un « espace jeu » :

Ce n’est pas que l’œuvre doive être absolument hermétique ou obscure. Elle doit au minimum faire l’impasse sur ses déterminations et laisser au lecteur un espace « jeu »- à prendre au deux sens du terme- qu’il ne pourra pas épuiser et qui lui laissera toute latitude pour instancier les contextes de compréhension dans lesquels l’œuvre fera plus de sens et contribuera la plus à nourrir son esprit. (Vandenlorpe, 1992 cité pas Bouvet, 2007, 214).

Comme nous venons de le constater, dans le cas d’une réception d’un texte littéraire fantastique les lecteurs sont donc confrontés à la nécessité de combler beaucoup d’indéterminations afin de rendre le texte cohérent. On pourrait qualifier les textes fantastiques de « résistants » selon les termes de Tauveron (1999). La résistance d’un texte ne provient pas seulement des lacunes volontaires du texte. Elle trouve sa source dans l’ensemble des moyens qui sont utilisés, en rupture délibérée avec les lois élémentaires de la communication naturelle, pour ne pas rendre la saisie du message immédiat et laisser ainsi une part de travail au lecteur. (p.19)

Pour décrire le mode de saisie de l’indétermination, Bouvet (2007) relie l’indétermination avec deux types de lecture, qui sont axés sur la tension entre progresser et comprendre. Ces

deux types de lecture sont : la lecture-en–progression et la lecture-en-compréhension (termes de Gervais (1997). Ces deux termes sont aussi connus sous les noms de lecture heuristique – c'est-à-dire découverte- et lecture herméneutique pour Riffaterre (1979 cité par Bouvet, 2007).

La lecture-en-progression est motivée par l’envie d’aller de l’avant, le lecteur ne produisant que de faibles inférences puisqu’il ne produira que les inférences nécessaires pour la compréhension immédiate du texte. « On se contente d’un « à peu près » (…) Le lecteur va passer au dessus de la difficulté plutôt que de s’y heurter » (Bouvet, 2007, p.38). Pour ce qui est de la lecture-en-compréhension, la lecture s’effectue au ralenti. La lecture est très lente et elle « n’intrigue pas », soit parce que le lecteur devine la suite, soit parce qu’il a déjà lu l’œuvre. À ajouter qu’il existe une « double lecture », où le lecteur est amené à faire une lecture-en-compréhension dès sa première lecture. Cela est le plus souvent visible chez des professeurs de littérature par exemple.

Comme le souligne Bouvet (2007) les indéterminations ne sont pas gérées de la même façon suivant le processus de lecture (lecture-en-compréhension ou lecture-en-progression). « De manière générale, on pourrait dire que la lecture-en-progression du fantastique donne une part plus importante aux processus affectif et argumentatif de la lecture tandis que lors d’une lecture-en-compréhension, c’est le processus symbolique qui prime. » (Bouvet, 2007, p.48).

Bouvet se base sur les recherches de Gilles Thérien (1990 cité par Bouvet, 2007) qui sépare l’acte de lecture en cinq processus : le neurophysiologique, le cognitif, l’affectif, l’argumentatif et le symbolique, et qui insiste sur l’importance du processus affectif car il ne faut pas perdre de vue le fait que la lecture n’est pas seulement une construction intellectuelle, visant à l’élaboration d’une signification : « Le plaisir ou la déception ressenti au cours de la traversée du texte, le rappel de certains souvenirs, de certaines émotions, font de la lecture un acte intime, un lieu où se construit un véritable complexe émotionnel. » (Bouvet, 2007, p.49).

Le processus affectif est donc très présent et important, spécialement lors de lecture fantastique, car ce type de livres est réputé pour les effets émotifs qu’il suscite chez le lecteur (inquiétant, étrangeté…).

Le sentiment de l’étrange

Dans le cadre de la littérature fantastique, le sentiment de l’étrange vient s’ajouter au plaisir de l’indétermination. Selon Lovecraft (1969) « c’est le sentiment de peur ressenti par le lecteur qui permet d’affirmer l’appartenance du récit au genre fantastique » (cité par Bouvet, 2007, p.59). Bouvet (2007) ainsi que certains auteurs tels que Vax (1965 cité par Bouvet,

2007) soulignent l’importance du refus de résoudre les indéterminations du récit, car ces dernières amènent un plaisir certain. L’effet fantastique suppose « que le lecteur perçoive les indéterminations du texte sans pour autant chercher à les résoudre » (Bouvet, 2007, p. 2). La sensation d’incompréhension que ressent le lecteur est à considérer comme un plaisir de lecture. Ainsi Bouvet (2007) arrive à la supposition que « la lecture d’un récit ne s’appuie pas sur une compréhension textuelle satisfaisante, puisque aucune cohérence ne peut être établie, mais bien sur le plaisir de l’indétermination » (Bouvet, 2007, p.61). L’hypothèse de Bouvet (2007) est la suivante : l’effet du fantastique ne se produit que dans un cas bien précis : lors d’une lecture-en-progression d’un récit fantastique, à savoir que l’effet du fantastique se traduit par le fait de ne pas chercher à résoudre toutes les indéterminations d’un texte afin d’en tirer un plaisir particulier.

L’effet fantastique et l’approche ludique

Le thème de l’effet fantastique est présent dans la théorie de lecture de Riffaterre (1971 cité par Bouvet, 2007). Cet auteur va s’intéresser à l’effet que le style du livre produit sur le lecteur. Il va se baser sur différentes réactions de lecteurs afin d’examiner les éléments du texte qui ont plu ou déplu a ces derniers. Une fois cela fait, il va analyser de manière objective les procédés stylistiques du texte en question. C’est donc l’effet stylistique qui intéresse cet auteur.

Pour comprendre l’effet fantastique, Bouvet (2007) se base sur Riffaterre (1971) en faisant un parallèle entre l’effet stylistique et fantastique. En conclusion à sa recherche sur l’effet fantastique et en réponse à son hypothèse, Bouvet (2007) affirme que « le plaisir de l’indétermination n’est pas l’apanage de la seule lecture axée sur la progression à travers le texte fantastique. Il peut également résulter d’une analyse du texte fantastique, autrement dit être produit par la lecture-en-compréhension. Mais il ne contribue pas dans ce cas à la création d’un effet fantastique, qui exige quant à lui une progression rapide à travers le texte. » (Bouvet, 2007, p.161). Bouvet (2007) sépare donc le plaisir d’indétermination en deux, il peut être soit un plaisir de lecture, soit un plaisir d’analyse.

Bouvet (2007) ajoute également que les indéterminations du discours fantastique ne sont pas gérées de la même manière selon le mode lecture choisi. Pour elle, la lecture d’un texte fantastique dans un premier temps, c’est laisser les indéterminations irrésolues, comprendre le texte tout en sachant qu’une partie nous échappe. Cette première approche de l’indétermination peut alors susciter un deuxième processus visant à élaborer une

interprétation. Il faut également noter que l’effet fantastique et l’interprétation sont deux points opposés de la lecture. Il y a en effet beaucoup de différence entre lire pour ressentir et lire pour comprendre un texte et en faire une interprétation. Ainsi deux conceptions entrent en scène : celle où la lecture est envisagée comme une expérience esthétique et celle où l’expérience est considérée comme ludique.

L’interprétation du texte fantastique

Mais comment s’enclenche l’interprétation ? Pour Bouvet (2007), la motivation d’interpréter un texte fantastique viendrait de l’incohérence qui résulte de la lecture en progression du texte. L’amorce du processus interprétatif provient tout d’abord du plaisir d’indétermination qui peut susciter le désir de reprendre un passage ou de mener une enquête. En supposant que plus le lecteur est confus plus la résolution est pressante. Pour Calinescu (1993 cité par Bouvet, 2007), l’amorce du processus d’interprétation se situe dans le fait que les interprétations sont en compétition, cette compétition étant considérée comme ludique. Mais il faut souligner que pour ce chercheur, la relecture n’amène pas forcément à une interprétation, (même si c’est au moment de la relecture qu’a lieu l’interprétation). En effet, l’interprétation demande au lecteur de répondre à une question posée par le texte. Le simple plaisir qu’éprouve le lecteur en jouant avec le texte ne l’amènera pas à une interprétation. Ce point de vue est partagé par Todorov (1978 cité par Bouvet, 2007) :

L’interprétation (en tant que distincte de la compréhension) n’est pas (…) un acte automatique : il faut que quelque chose dans le texte ou en dehors de lui, indique que le sens immédiat est insuffisant, qu’il doit être considéré seulement comme un point de départ d’une enquête dont l’aboutissement sera un sens second (cité par Bouvet, 2007, p.166).

Ainsi le lecteur met en place un processus interprétatif afin de réguler les incohérences du texte. Il passera d’une lecture-en-progression à une lecture-en-compréhension. C’est-à-dire d’une lecture pour découvrir le texte, à une lecture où le lecteur tente de comprendre le texte et de le rendre cohérent. A propos de cette incohérence, Fry (1977 cité par Bouvet, 2007) propose un postulat selon lequel, avant même de lire un texte, le lecteur imagine qu’il forme un tout. Lorsqu’il est face à une incohérence il imposera sa propre cohérence. Dans le cas du récit fantastique l’incohérence est résolue lorsqu’elle est expliquée par une interprétation argumentée et cohérente avec le reste du récit. On peut donc affirmer que les indéterminations sont un prétexte à l’interprétation. Bouvet (2007) en conclut que l’amorce du processus interprétatif et le passage de la lecture-en-progression à une lecture-en-compréhension, sont

basés sur la saisie de l’indétermination dans le cas du récit fantastique. L’indétermination est importante pour l’amorce du processus interprétatif. C’est elle qui va déclencher l’interprétation. L’interprétation consiste donc en une manipulation du texte afin de lui donner une certaine cohérence aux yeux du lecteur.

Un autre thème lié à l’interprétation est l’attitude du lecteur. Bouvet (2007) affirme que l’attitude du lecteur est liée à l’interprétation. Elle part du principe que l’attitude interprétative est une attitude de lecture. Jauss (1978) ainsi que d’autres auteurs affirmeront que ce qui caractérise l’attitude interprétative « c’est l’horizon dans lequel elle se profile » (Bouvet, 2007, p.175). Jauss (1978) fait un lien entre expérience esthétique et jouissance. Pour son modèle, Jauss (1978) se base sur l’herméneutique philosophique de Gadamer (1976 cité par Bouvet, 2007). Le concept le plus important de cette théorie est la « fusion des horizons », c’est-à-dire que lors de l’interprétation « L’horizon du texte et l’horizon de l’interprète fusionnent. (…) Le sens dépend donc en grande partie des circonstances personnelles du lecteur. » (Bouvet, 2007, p.176). Ainsi plus le lecteur peut faire une interprétation poussée, plus il en ressentira une certaine jouissance. Cette jouissance est appelée « vertige » par Chambers (1982 cité par Bouvet, 2007). L’idée est que la lecture interprétative menée sur le mode ludique entrainerait une sensation de « vertige ». Le vertige est en rapport avec le lecteur qui après avoir été confronté à une difficulté décide d’aller plus loin dans la compréhension du texte. « Il s’agit d’une lecture marquée par des difficultés irréductibles, et non pas des difficultés pouvant être résolues au cours de la lecture. » (Bouvet, 2007, p.182).

L’engagement dans la lecture peut provoquer le jeu ou l’angoisse. La tension qui en découle fait sentir au lecteur le fameux vertige.

Dans un tout autre registre, Held (1977) s’est également interrogée sur la réception des textes fantastiques mais surtout au niveau des enfants. Elle précise que la compréhension et l’interprétation des récits fantastiques ne dépendent pas seulement de l’âge du lecteur mais surtout de son caractère, de sa maturation et de ses lectures habituelles. Elle s’est penchée sur les livres à succès qui se lisent à tout âge (adulte comme enfant) comme « Alice au pays des merveilles ». Pour elle, ces récits ont plusieurs degrés, dont des références plutôt adressées à des personnes adultes. « L’œuvre d’art est ambiguë par essence, susceptible en tant que telle de plusieurs déchiffrages. De sorte qu’une œuvre littéraire riche est, dans des cas, celle que l’on peut retrouver à des âges divers de la vie, et relire autrement » (Held, 1977, p.206).

Douglas (2005 cité par Bouvet, 2007) ajoute que contrairement aux idées reçues, et comme le

démontre « Alice au pays des merveilles », la fiction destinée aux enfants inclut l’approche intertextuelle qui est aujourd’hui de mise dans la littérature en général.

Débats autour de l’interprétation et du cadre de référence

Concernant l’interprétation et les cadres de références, les différents chercheurs ne sont pas tous du même avis. En résumé deux attitudes sont possibles : soit l’interprète situe son point de vue à l’intérieur d’un cadre de référence soit il se déplace au cours de l’interprétation de l’intérieur à l’extérieur du cadre et inversement. Pour illustrer la première attitude, on peut citer les auteurs qui ont analysé « Alice au pays des merveilles » sous l’angle des théories freudiennes, puisqu’ils ne se réfèrent qu’à un seul cadre de référence, celui de la psychanalyse. La seconde attitude entend que l’interprète commence son analyse « dans » le texte pour ensuite aller dans le cadre d’analyse et finit par retourner au texte et à sa signification. Cette attitude peut être illustrée par Marret (1995) qui analyse l’attitude d’« Alice » en commençant par analyser son attitude dans le texte en tant que telle, pour ensuite convoquer différents cadres de références (époque victorienne, attitude de Lewis Carroll, psychanalyse, logique) et retourner finalement au texte pour mettre en parallèle le savoir amené par le cadre de référence et l’analyse première du texte.

Le dernier aspect pointé par Bouvet (2007) est la possibilité pour une interprétation de provoquer le passage d’un cadre de référence à un autre. Pinto (1983 cité par Bouvet, 2007) démontre cela en effectuant une analyse qui utilise deux cadres de référence, sans que l’un ne soit plus présent que l’autre. « Si l’interprétation consiste de façon générale à décoder le discours fantastique à l’aide d’un autre discours, déjà existant, la méthode utilisée par Pinto a ceci de particulier qu’elle utilise une lecture comparée, qu’elle juxtapose deux textes. » (Bouvet, 2007, p.212)

Pour en revenir à la littérature fantastique, Bouvet (2007) affirme que la lecture-en-progression du texte fantastique met en jeu un enchâssement de cadre de référence, alors que la lecture-en-compréhension met en jeu un enchainement de cadres de référence. En effet différents cadres sont convoqués lors de l’analyse lorsque l’interprète suite à une relecture construit une signification qui lui parait incomplète.

Bouvet (2007) ajoute que, quelque soit le cadre de référence, l’interprétation, lorsqu’elle s’interroge sur les indéterminations du récit, enrichit chaque fois la compréhension du texte.