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6. RESULTATS

6.4 Degré d’élaboration

6.4.1 Commentaires à propos du degré d’élaboration

D’un point de vue global les résultats sont très satisfaisants et confirment les explications données précédemment.

Si l’on observe à présent le degré d’élaboration pour chacun de ces niveaux, on peut avant tout souligner l’importance de l’apport de la discussion en groupe. Hébert l’a relevé dans sa recherche concernant les cercles littéraires entre pairs (2004). Elle y affirme en effet que les cercles de lecture qui tentent d’intégrer de multiples niveaux de fonctionnement des élèves auraient des effets nettement supérieurs aux approches individuelles. Les résultats obtenus avec la recherche autour de « Alice au pays des merveilles » confirment cela. Un simple coup d’œil aux tableaux permet de voir que les résultats sont bien meilleurs lorsque les élèves ont pu discuter de leurs réponses, spécialement pour le niveau 3, concernant l’analyse. De plus il faut souligner que les élèves se montraient peu motivés par l’expression écrite. De ce fait les moyennes sont très basses pour l’écrit surtout pour le troisième et quatrième niveau. La possibilité que les élèves puissent discuter de leurs idées est un apport important pour les questions portant sur l’analyse et permet également une meilleure évaluation critique du texte, ce qui explique ce grand écart entre l’écrit et l’oral.

En conclusion on peut affirmer que ces résultats sont bons car ils varient de la mention

« correct » à « très bien » en ce qui concerne le tableau oral/écrit. Le seul point négatif concerne les résultats de l’écrit pour lesquels les élèves obtiennent tout de même deux résultats insuffisants pour le troisième et quatrième niveau, entre autres pour les raisons données plus haut. Toutefois ces résultats ne doivent pas être séparés des autres tableaux et les résultats généraux sont très bons et permettent de voir que dans la majorité des cas les élèves atteignent la note C (correct) et plus, pour tous les niveaux, ce qui est très satisfaisant vu les conditions, originales et complexes qui leur ont été imposées.

7. Discussion des résultats

7.1 Réponses aux sous-questions et aux hypothèses

Pour rappel, la recherche en plus de sa question centrale, comporte deux sous-questions ainsi que deux hypothèses. La première des sous-questions est une interrogation à propos du dispositif à mettre en place pour travailler avec les élèves la compréhension d’un texte complexe. Quelle forme doit-il avoir pour produire un maximum d’impact auprès des élèves ? Au vu des résultats de cette recherche, on peut avancer que le dispositif par effraction est un modèle à suivre pour obtenir un investissement des élèves dans leur lecture. Il faut bien évidement partir du principe que le modèle de la lecture par effraction est une base qu’il faut ensuite adapter en fonction du contexte, c’est-à-dire de l’âge des élèves, du livre sélectionné et du temps à disposition. On peut donc affirmer que les différents principes de la lecture par effraction et plus généralement les principes de la lecture esthétique permettent une approche très stimulante de la littérature. Ces différents principes qui vont à l’encontre les modèles traditionnels permettent d’approcher un livre complexe tel qu’«Alice au pays des merveilles»

sous un autre angle que s’il avait été travaillé avec une méthode traditionnelle, c’est-à-dire de manière individuelle avec une série de questions fermées. Les questions ouvertes et le travail en groupe ont permis au élèves discuter des différentes parties de l’histoire afin de mieux les comprendre et de les interpréter. On peut imaginer qu’avec un dispositif plus traditionnel les élèves n’auraient pas pu creuser autant le texte et se seraient arrêté à une lecture au premier degré, c’est-à-dire une lecture de compréhension dite littérale (Hébert, 2004).

On peut aussi ajouter que ce dispositif permet aux les élèves d’analyser l’œuvre sans qu’ils aient besoin de connaitre le contexte. Effectivement, comme relevé précédemment, on a pu constater que pour la scène du thé par exemple, même si les élèves ne connaissaient pas le contexte de l’époque et que leur mécanisme de compréhension était différent, cela ne leur posait pas de problème au niveau de l’analyse ou de la compréhension du texte.

De cette première sous-question découle une hypothèse qui est la suivante : la difficulté du texte d’« Alice » lié entre autres à la stéréotypie, à l’illogisme et à l’étrangeté du texte, laisse à penser qu’un certain nombre d’élèves ne vont pas pouvoir formuler des hypothèses interprétatives. De plus l’entrée par effraction construite sur la compréhension d’un extrait décontextualisé renforce cette difficulté. À cela on peut

ajouter que si les élèves cherchent à tirer un sens de ce texte fantastique, cela pourrait les démotiver dans leur lecture et compliquer leurs analyses. Rappelons que selon Bouvet (2007), la lecture fantastique est assez paradoxale dans le sens qu’elle présente une grande facilité mais comporte tout de même des obstacles de compréhension et d’interprétation.

A propos de l’entrée décontextualisée, les élèves ont posé très peu de questions et se sont rapidement mis à la lire les premiers extraits. Par contre, les élèves étaient un peu perdus au début de l’intervention, face aux questions ouvertes. Cela les perturbait car ils voulaient trouver la réponse « juste » à chacune des questions. Pour illustrer ce « conditionnement » à des questions fermées, on peut noter que les élèves ont d’ailleurs tout de suite demandé s’ils avaient droit au texte, et l’ont sorti immédiatement après avoir eu ma réponse positive.

Cependant une fois qu’ils eurent compris que la justesse de leurs réponses dépendait de leurs arguments ils furent plus à l’aise pour interpréter le texte. L’incohérence du texte est, selon Bouvet (2007), une motivation pour le lecteur lors de la en-progression. Cette lecture-en-progression est une lecture réfléchie que les élèves doivent faire pour répondre aux questionnaires (pour interpréter le texte). Cette motivation liée à l’incohérence expliquerait la facilité (relative) que les élèves ont eue pour se lancer dans l’analyse du texte.

L’analyse des résultats montre que les élèves ont apprécié le texte du livre lors de leur première lecture et lors de leur analyse, ce qui confirme les propos de Bouvet (2007) qui affirme que la lecture d’un texte fantastique, dans un premier temps, c’est saisir l’indétermination et la laisser irrésolue, c'est-à-dire que le lecteur comprend assez pour apprécier le texte mais sent qu’une partie lui échappe. Cette première approche de l’indétermination peut alors susciter un deuxième processus visant à élaborer une interprétation. Ce deuxième processus est déclenché par les questionnaires et le système qui les entoure.

Au vu des résultats, on peut penser qu’« Alice au pays des merveilles » fait partie des textes dont « les spécificités entrainent une éclosion d’une lecture littéraire dans ses dimensions formelles, intertextuelles, imaginaires et culturelles » (Canvat, 1999 ; Thérien, 1997 cité par Hébert 2004). Contrairement aux appréhensions que l’on pouvait avoir à propos de la difficulté de comprendre, d’apprécier et d’interpréter le texte, cette recherche a démontré que les élèves sont, malgré les nombreux obstacles, entrés dans la tâche et se sont investis dans celle-ci en s’appropriant le texte et ses interprétations. L’approche de ce texte fantastique par ce dispositif de lecture par effraction a donc bien fonctionné de manière générale, il a permis

aux élèves de surmonter les différents obstacles dus au type de texte mais elle a également permis l’appropriation du texte et de son analyse par les élèves.

La deuxième sous-question est dirigée sur les résultats de cette recherche : dans le cadre de ce dispositif quelles formes prennent ces interprétations du texte et de la réception ? Sachant qu’il y a trois variations : forme intra-individuelle, forme intergroupe ou forme en rapport avec la progression, quelles variations constate-t-on ?

Pour répondre à cette question très générale, on peut commencer par s’interroger sur les différents niveaux de Hébert (2004) et se demander lequel est le plus développé par les élèves.

Grâce aux résultats et aux différents tableaux, on peut voir qu’il s’agit du second niveau, celui de l’engagement esthétique. Mais les résultats ont montré que le premier niveau, celui de la compréhension littérale, est aussi très développé. Les résultats entre le premier et le second niveau sont d’ailleurs très proches. Ce deuxième niveau est très développé car les élèves avaient une image très précise des personnages, la plupart ayant été inspirés par le dessin animé de Walt Disney. Les différents média utilisés au cours de la séquence ont également permis aux élèves de confronter leurs idées en rapport avec les personnages. Ce second niveau englobe également l’identification aux personnages et les jugements portés sur ces derniers.

Les élèves n’avaient aucun mal à juger les personnages ou à s’identifier à Alice. Tous avaient une opinion très claire lors des questions se rapportant à un jugement ou à une identification.

Si l’on compare les résultats individuels et avec les résultats intergroupes obtenus par les élèves, on remarque que l’écart est très marqué. Les résultats obtenus par les groupes de discussion sont bien meilleurs que ceux obtenus de manière individuelle. Cet apport du groupe a été souligné par Hébert (2004) : « Les approches collaboratives (…) auraient des effets supérieurs aux approches individuelles » (p.605). Ce n’est donc pas une réelle surprise de voir que les résultats obtenus par les groupes sont plus élevés que ceux des questionnaires individuels. Toutefois, on peut souligner que la différence est ici très importante puisque pour le degré d’élaboration on passe d’un résultat insuffisant pour les troisième et quatrième niveaux, à un résultat correct voire très bon.

On peut à présent se questionner sur la troisième variable, celle qui a trait à l’évolution. Plus spécifiquement, y a-t-il une évolution des résultats après chaque séance ? Les élèves changent-ils de stratégies ? Si l’on se réfère aux tableaux concernant les résultats après chaque intervention, on peut voir que les différents extraits n’ont pas beaucoup influencé les élèves sur les choix des stratégies utilisées. On peut également constater qu’il n’y a pas d’évolution

frappante entres les résultats des trois extraits, mis à part la moyenne du niveau 2 qui descend légèrement après le deuxième extrait. Cette baisse peut être attribuée à l’intervention des médias et plus exactement du film et du dessin animé qui ont influencé les élèves dans leur engagement esthétique. L’effet de la stéréotypie a beaucoup influencé les résultats de ce deuxième niveau, du fait que les élèves avaient une image très précise d’Alice car la majorité avaient visionné le dessin animé de Walt Disney avant l’intervention. Du coup, pour eux, ce dessin animé représentait le monde et les personnages officiels du livre. Les élèves se sont

« placés sous l’autorité d’un discours préexistant » (Dufays, 1994), ce qui a engendré une uniformisation de leurs personnages et a entrainé cette légère baisse au niveau des résultats. A propos du niveau 2, la moyenne est au plus haut lors de la première séance car il a été demandé aux élèves une description d’Alice. Bien que beaucoup des élèves aient visionné le dessin animé de Walt Disney, cela n’était pas récent et la séance ne comportait aucune intervention médiatique. Les influences et les stéréotypes étaient donc moins présents et les élèves, bien qu’ayant une vision très semblable d’Alice, ont tout de même beaucoup plus diversifié leurs descriptions que lors de la deuxième séance.

Comme nous avons pu le constater, il n’y a pas de grandes variations quant aux résultats entre les différences séances. On peut alors se demander, en fonction d’Hébert (2004), à quel niveau de compréhension les élèves se situent à la fin du troisième extrait, et s’il y a une évolution. Si l’on se réfère aux tableaux, on constate qu’à la fin de la séquence le niveau des résultats des élèves est élevé puisqu’ils sont qualifiés de « correct » pour les niveaux 1, 3 et 4 et un résultat « très bon » pour le second niveau. On peut donc en déduire que les élèves de cette classe ont un bon niveau de compréhension. Quant aux résultats entre les trois extraits, ils sont très proches, on ne peut donc pas parler d’évolution au niveau de la compréhension.

Le fait que la séquence ne compte que cinq interventions dont trois de lecture et de discussion, ce qui est très court, explique probablement cette absence d’évolution. Bien que les élèves soient entrés rapidement dans la tâche, ils ont eu à peine le temps de s’habituer au système présenté que l’intervention était déjà terminée. On peut imaginer qu’une séquence plus longue aurait créé des évolutions plus marquées au niveau des résultats de la compréhension, car les élèves auraient pu approfondir leur technique d’analyse.

Pour terminer, une dernière hypothèse a été posée à propos des retours au texte et de la variation de ceux-ci en fonction des séances. Un système a été mis en place dans le dispositif afin de visualiser ces retours au texte. L’hypothèse suivante a été avancée : si un enseignant conduit une séquence grâce à un dispositif qui met en présence des pairs et leur donne

une responsabilité interprétative, les retours au texte seraient présents. Ces retours au texte varieraient en fonction des séances. Pendant les premières séances, les élèves auraient tendance à utiliser un cadre de référence faisant partie de leurs connaissances générales pour interpréter le texte. Au fil des séances suivantes les élèves utiliseraient un cadre de référence plus centré sur le texte ce qui entrainerait une augmentation des retours au texte.

Comme nous avons pu le remarquer, le système du retour au texte n’a pas fonctionné comme prévu (voir p.60). Les traces laissées par les élèves avec un crayon de couleur n’ont pas été très exploitables pour les résultats. Les enregistrements ont été beaucoup plus intéressants pour quantifier le nombre de retours au texte fait par les élèves. Après analyse, il en résulte que les élèves ont réalisé extrêmement peu de retours au texte. Lorsque ceux-ci étaient présents, c’était lors de conflits d’interprétation. Les élèves ont effectué des retours au texte plutôt lors de leur travail individuel, lorsqu’ils devaient répondre aux questionnaires. Dans ces cas-là on peut parler d’activités métalangagières par reformulation. Ainsi pour répondre à l’hypothèse, on voit que dans certains cas les retours au texte sont peu présents et que leur nombre ne varie pas en fonction des séances mais plutôt en fonction des conflits d’interprétation entre les élèves. Ces conflits résultent de points de vue et d’interprétations différents. De plus, si ces conflits touchent le second niveau, celui de l’engagement esthétique, ils ont souvent un rapport avec la stéréotypie influencée par les films ou le dessin animé. On pourrait d’ailleurs penser que l’apport des médias a plutôt été négatif car comme on a pu le constater, la visualisation du dessin animé a appauvri les interprétations des élèves.

Cependant il faut souligner que ces médias sont également positifs car ils ont entrainé des conflits d’interprétation et donc des retours au texte comme par exemple lors de cette discussion de groupe :

« él1 : vous avez préféré quoi le film ou le dessin animé ? él3 : moi le dessin animé

él4 : dessin animé

él5 : j’aime pas les personnages / le dessin animé j’aime mieux les personnages

él2 : ouais // ouais mais c’est la vraie histoire / moi j’ai regardé le texte ils disaient pratiquement les mêmes trucs / moi je préférais le film » (Séance 3 groupe C discussion en groupe).

Quant à la variation des « cadres de référence » on voit que celui-ci ne dépend pas des séances mais plutôt du type de question et du mode de lecture qu’il entraine. On peut reprendre les auteurs cités par Bouvet (2007) pour illustrer cela. Par exemple si la question est de niveau 3, c'est-à-dire qu’elle demande le mode de lecture d’analyse, alors les élèves vont rester dans le même cadre de référence, celui du texte, pour interpréter le récit. Par contre si les élèves sont confrontés à une question de niveau 4 (évaluation critique) qui demande de faire des liens avec d’autres œuvres, alors les élèves vont plutôt agir selon la manière amenée par Pinto (1983 cité par Bouvet, 2007) qui démontre qu’une interprétation peut provoquer un passage d’un cadre de référence à un autre en utilisant deux cadres de référence sans que l’un soit plus présent que l’autre. Lors de l’’évaluation critique, les élèves vont devoir utiliser deux cadres de référence à savoir celui de leurs connaissances personnelles, pour pouvoir trouver un ouvrage en rapport avec le texte qu’ils ont lu, et le cadre de référence du texte, ce qui n’est pas aisé.

7.2 Réponse à la question de recherche

Pour rappel, la question de recherche de ce mémoire est la suivante : dans le cadre d’un dispositif, la lecture « par effraction », visant au développement de la compréhension de lecture de textes littéraires, comment les élèves de 6P réceptionnent-ils et interprètent-ils le texte fantastique de Lewis Carroll : « Alice au pays des merveilles» ? D’après l’analyse et les résultats de cette séquence, on peut affirmer que le texte d’« Alice au pays des merveilles» a été non seulement compris mais également apprécié par les élèves de 6ème primaire de cette classe. En effet les élèves non seulement ne se sont pas bloqués face à l’absurdité du texte, mais ont également montré beaucoup d’intérêt. Cet engouement pour le texte peut être expliqué par l’affirmation de Bouvet (2007), selon laquelle le processus affectif est très important lors de lectures fantastiques. Comme expliqué plus haut, les difficultés liées à ce type de texte étaient pourtant assez importantes. Tout d’abord il y avait une crainte concernant la « résistance » du texte selon les termes Tauveron (1999). Cette résistance

« trouve sa source dans l’ensemble des moyens qui sont utilisés, en rupture délibérée avec les lois élémentaires de la communication naturelle, pour ne pas rendre la saisie du message immédiat et laisser ainsi une part de travail au lecteur » (p.19). Une autre crainte résidait dans le fait que ce livre date de 1865 et que le style d’écriture de Lewis Carroll pouvait paraitre désuet aux yeux des élèves. De plus l’héroïne de cette aventure pouvait également déplaire

aux élèves car elle est représentative d’une époque révolue. De ce fait, les élèves auraient pu avoir du mal à s’identifier à elle ou à la juger. Il y a aussi le facteur du temps qui aurait pu être un obstacle à la compréhension du texte. Cinq séances pour approcher le livre dans son ensemble était un temps extrêmement court, ce qui m’a obligé à concentrer au maximum le travail.

Si l’on reprend les deux conceptions que Bouvet (2007) oppose, à savoir la lecture comme expérience esthétique ou comme expérience ludique, on peut affirmer que les élèves ont vécu cette lecture comme une expérience esthétique mais également comme une expérience ludique. On peut donc concevoir de vivre ces deux expériences autour d’un même livre.

Cette recherche a donc été concluante, dans le sens où, malgré tous ces obstacles, les élèves se sont investis avec une relative facilité dans la tâche et ont été motivés pour travailler avec le dispositif mis en place. De plus les résultats montrent en général de bonnes moyennes, mis à

Cette recherche a donc été concluante, dans le sens où, malgré tous ces obstacles, les élèves se sont investis avec une relative facilité dans la tâche et ont été motivés pour travailler avec le dispositif mis en place. De plus les résultats montrent en général de bonnes moyennes, mis à