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Chapitre II - Cartographie et lithologie des unités du Massif de l’Aspromonte

2/ La pile tectonométamorphique du massif de l’Aspromonte

2.2/ L’unité d’Africo-Polsi

2.2.2/ Lithologie de l’unité d’Africo-Polsi

D’une manière générale, la distinction que l’on fait entre l’unité d’Africo-Polsi et l’unité de

l’Aspromonte est basée sur un contraste lithologique net : alors que l’essentiel des roches de

l’unité de l’Aspromonte sont de nature « cristalline » (cf. paragraphe 2.3.2), l’unité d’Africo-Polsi

est constituée de roches d’apparence moins métamorphique, où la nature sédimentaire ou

volcanique est encore bien reconnaissable. Du fait des déformations importantes subies par cette

unité et des discontinuités d’affleurement il est difficile de tracer des contours cartographiques

des lithologies rencontrées. Dans les paragraphes suivants nous allons passer en revue les

principaux lithotypes observés dans l’unité inférieure, en s’appuyant sur la description de certains

secteurs particuliers.

a - Observations dans le secteur de la fiumara La Verde

Cette rivière qui s’écoule grossièrement du cœur du massif vers l’est et la côte ionienne,

prend sa source à proximité du village d’Africo Vecchio, dans les unités sédimentaires

oligo-miocènes. Elle coupe ensuite le contact entre les unités de l’Aspromonte et d’Africo-Polsi, puis

elle est grossie par son affluent principal la fiumara Apòscipo venant du nord. Elle s’écoule en aval

dans une vallée étroite puis recoupe à nouveau l’unité de l’Aspromonte dans laquelle elle incise de

profondes gorges. La coupe E-W en remontant vers l’amont depuis ces gorges permet d’observer

une série particulière d’âge probablement paléozoïque.

Figure II-3: (a) Carte du secteur NE du Massif de l’Aspromonte. Les contours des unités ont été tracés à partir des cartes de Bonardi et al. (1979), de Pezzino & Puglisi (1980) et de Ortolano et al. (2005), complétés ou modifiés à partir de nos observations effectuées au cours des missions sur le terrain depuis 2004. (b) Coupe simplifiée de la structure de la pile tectonique, illustrant les relations géométriques entre les 3 unités du Massif. Les étiquettes (a) à (s) correspondent aux affleurements où peuvent être observés les faciès décrits dans le texte.

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. Schistes charbonneux (Fig. II-3, étiquette a)

Ce faciès est le plus bas de la série observée dans ce secteur. Son épaisseur est difficile à

évaluer du fait de la déformation très pénétrative qui affecte ces matériaux ductiles et de la

discontinuité des affleurements. Elle ne dépasse probablement pas 50 m. Il s’agit de schistes gris

ou noirs, riches en matière organique et en soufre comme en témoigne la couleur localement

jaune de l’affleurement (Fig. II-4). On y trouve également des niveaux centimétriques de quartzite

noir riches en matière organique (lydienne). Quelques petits bancs décimétriques de calcaires roux

sont visibles dans la partie inférieure.

. Dolomies et calcaires métamorphiques (Fig. II-3, étiquettes b et c)

Cette formation de schistes ampéliteux est recouverte vers l’amont par un petit banc

métrique de grès roses riches en micas, immédiatement surmonté par un niveau de dolomie épais

de plusieurs mètres d’épaisseur, puis par des bancs métriques de calcaire micritique. Ces

carbonates sont traversés dans la partie supérieure par des filons volcaniques (Fig. II-4, photo c).

Cette série est épaisse d’environ 75 m.

. Coulées volcaniques et série volcano-détritique (Fig. II-3, étiquette d)

Environ 10 m de roche sombre et massive surmontent les carbonates. Il s’agit probablement

d’anciennes coulées comme le suggère l’organisation en bancs épais (Fig. II-4). Au dessus on

observe une épaisse série de schistes gréseux et chloriteux sombre assez homogène

correspondant probablement à une formation volcano-sédimentaire. De petits lits gréseux s’y

intercalent irrégulièrement, surtout dans la partie supérieure. L’épaisseur de cette formation est

probablement de l’ordre de 100 m.

. Lydiennes et schistes chloriteux (Fig. II-3, étiquette e)

Cette formation constitue l’essentiel de la série et elle est probablement à l’origine du nom

de la rivière. Il s’agit en effet pour l’essentiel de schistes micacés plus ou moins grauwackeux,

localement de couleur rouille, mais le plus souvent verts. Des niveaux de lydiennes sont visibles

dans la partie inférieure. Ils permettent donc de repérer la stratification initiale, en général très

plissée à l’échelle métrique. Les faciès schisteux sont plus ou moins massifs et très souvent riches

en lentilles de quartz d’exsudation. Vers le nord-est en remontant le cours de la fiumara Apòscito,

on reste en permanence dans ces faciès dont la stratification / schistosité reste à peu près

horizontale.

Cette série lithostratigraphique constituée de roches métasédimentaires et métavolcaniques

est schématisée sur le log de la fig. II-4. Elle n’a pas fourni de fossiles macroscopiques.

Figure II-4 : Lithostratigraphie de la série paléozoïque de la fiumara La Verde et illustration de quelques faciès caractéristiques. Les lettres renvoient aux vignettes de la figure II-3.

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La succession des faciès observés permet la comparaison avec différentes séries

paléozoïques d’Europe et d’Afrique du Nord. Selon J.-P. Bouillin (comm. orale), les niveaux

inférieurs correspondraient au Silurien, l’ensemble formé par les carbonates, les coulées

volcaniques massives et les formations volcano-sédimentaires seraient du Dévonien, tandis que

les lydiennes à la base de la série des schistes micacés marqueraient le début du Carbonifère. Il

faut ajouter qu’il n’existe aucune analogie avec les séries mésozoïques décrites en Calabre.

Vers l’amont, dans la torrente Apòscipo, on observe à plusieurs reprises des niveaux de

lydiennes, sans qu’il soit possible d’affirmer qu’il s’agisse de la prolongation latérale de ceux

observés en aval (étiquette d). De la même manière on retrouve également des carbonates un peu

plus en amont. Toutefois le degré métamorphique étant plus élevé à cet endroit (étiquette g), il

devient difficile de comparer les faciès. A cet endroit, la formation des schistes verts ne présente

plus le même aspect à l’affleurement : la roche est sombre et de nombreux petits grenats et

biotites millimétriques y sont clairement identifiables à l’œil nu.

Au nord du Monte Jofri, l’unité inférieure réapparaît dans une petite fenêtre non

cartographiée jusqu’à présent (étiquette h). On y retrouve les faciès de schistes chloriteux et de

lydiennes du haut de la série de la fiumara La Verde. Ces faciès se prolongent ensuite vers le nord,

au travers de la vallée de la fiumara Butramo et de son affluent principal, comme le signalent

Ortolano et al. (2005).

b - Observations dans le secteur de la fiumara Bonamico

Le cours principal de cette rivière descend depuis le Montalto, point culminant du massif de

l’Aspromonte (1957 m), et se dirige vers l’est, d’abord dans d’étroites gorges, au niveau du

sanctuaire de la Madonna dei Polsi, puis dans une vallée plus large, où s’est formé un petit lac de

barrage naturel (Lac Costantino), et poursuit son cours jusque dans la plaine alluviale de la côte

ionienne qui s’ouvre au niveau du village de San Luca.

Au sud de San Luca, dans un petit affluent en rive droite de la fiumara Bonamico (le torrente

Ciliti), un affleurement permet d’observer des carbonates métamorphiques, des schistes

chloriteux et des métavolcanites d’aspects identiques à ceux observés dans la fiumara La Verde

(Fig. II-3, étiquette i et Fig. II-5). Les carbonates métamorphiques forment plusieurs barres

d’épaisseur métrique et semblent emballés dans les schistes chloriteux. Vers l’amont de la fiumara

Bonamico ces faciès verts évoluent de la même manière que vers l’amont de la fiumara La Verde :

le degré métamorphique apparent augmente sensiblement, avec l’apparition de petits grenats et

biotites d’abord millimétriques puis centimétriques. L’aspect général de la roche passe donc de

schistes chloriteux en aval à des micaschistes à grenat et biotite assez hétérogènes vers l’amont.

Cette transition se fait de manière progressive et sans discontinuité tectonique visible. Cette

observation nous conduit à proposer que les séries observées le long des fiumare La Verde,

Butramo et Bonamico appartiennent à la même unité tectonométamorphique. Il est délicat

d’essayer de reconstituer une série lithostratigraphique au sein de la partie nord de l’unité

d’Africo-Polsi, du fait notamment des conditions irrégulières d’affleurement et de la déformation

qui affecte ces roches. Certains faciès n’ont été observés qu’une fois tandis que d’autres semblent

récurrents le long de la coupe, sans que l’on puisse pour autant les relier latéralement. De l’aval

vers l’amont, c'est-à-dire de San Luca, jusqu’au sanctuaire de la Madonna dei Polsi, nous avons pu

distinguer les lithologies suivantes.

. Schistes chloriteux (Fig. II-3, étiquettes i et j, et Fig. II-5)

Ce faciès est tout à fait similaire à celui observé dans la partie amont de la fiumara La Verde

et dans le vallon de la fiumara Butramo. Il s’agit de schistes et de grésoschistes de couleur verte du

fait de l’abondance de chlorite qui constitue avec le quartz et la muscovite le minéral principal de

la roche. Les phyllosilicates définissent une foliation pénétrative principale souvent découpée et

flexurée par une seconde famille de plans obliques. Cette lithologie correspond probablement à

un équivalent moins métamorphique des micaschistes décrits ci-dessous.

Figure II-5 : Affleurements de schistes chloriteux et de carbonates comparables à ceux de la série de la fiumara La Verde. Pour la localisation, les lettres renvoient aux étiquettes de la figure II-3.

. Micaschistes et schistes amphiboliques (Fig. II-3, étiquettes k, r et s, et Fig. II-6)

Ces faciès représentent l’essentiel des roches de l’unité d’Africo-Polsi observées le long de

cette coupe. D’une manière générale ces micaschistes sont constitués de quartz, muscovite,

grenat, amphibole, biotite, chlorite et rares plagioclases en proportions assez variables. Il s’agit de

roches paradérivées ou métavolcano-détritiques hétérogènes, ce qui se traduit sur les

affleurements par des couleurs et des aspects très différents. Les faciès les plus

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muscovitiques sont en général très clairs, parfois roses lorsqu’ils sont très riches en grenats. Les

faciès riches en amphiboles sont en général très sombres. Ces derniers sont surtout visibles

quelques kilomètres en aval du sanctuaire de la Madonna dei Polsi. Dans les faciès les plus clairs,

les grenats sont fréquemment entourés d’une auréole de chlorites.

Figure II-6: Exemples de faciès de la formation des micaschistes à grenat.

. Schistes ampéliteux (Fig. II-3, étiquette l et Fig. II-7)

Ce faciès a été observé au niveau d’un unique affleurement environ 1 km en aval du lac

Costantino, en rive gauche. Des blocs équivalents ont cependant été vus dans des éboulis plus en

amont. Il s’agit d’une formation sombre de schistes et de grés, très riches en matière organique.

Ce faciès présente des analogies avec celui décrit dans la partie aval de la coupe de la fiumara La

Verde (cf Fig. II-3 et II-4, étiquette a) et que nous avons attribué au Silurien. Il est possible, mais

non certain qu’il s’agisse du même niveau stratigraphique.

Figure II-7: Faciès des schistes ampéliteux observés le long de la fiumara Bonamico.Ces faciès sont analogues à ceux observés le long de la fiumara La Verde (cf. Fig. II-3, étiquette a et Fig. II-4)

. Marbres et dolomies (Fig. II-3 étiquettes p et q, et Fig. II-8)

Ces faciès s’observent de manière ponctuelle au sein de la série des micaschistes. Les

dolomies sont rares et les affleurements sont de petite taille. Elles forment de petits niveaux

centimétriques orangés ou des lentilles. Les calcaires métamorphiques en revanche s’observent

sous forme de boudins de taille comprise entre la dizaine de centimètres et la dizaine de mètres.

Ils présentent des alternances de niveaux millimétriques à décimétriques de couleur variable du

blanc au gris bleuté. Ils sont affectés par des plis fortement anisopaques montrant des indices de

fluage.

Figure II-8: Faciès en des dolomies et des marbres, dérivant de niveaux carbonates intercalés dans la série métapélitique. Les dolomies sont rares et forment de petites lentilles, tandis que les marbres peuvent former des affleurements de plusieurs dizaines de mètres.

. Amphibolites (Fig. II-3 étiquettes n, q et r, et Fig. II-9)

Ce lithotype se présente sous trois faciès différents. Le premier est exclusivement visible au

niveau du Lac Costantino : la rive gauche est formée par une falaise d’amphibolites massives

intrudées de filons leucocrates acides plissés. Cet ensemble a probablement valeur de substratum

pour la série des micaschistes. Le second faciès se présente sous la forme de boudins

décimétriques à métriques d’amphibolites sombres, correspondant probablement à d’anciennes

roches basiques volcaniques intercalées dans la série sédimentaire dont dérivent les micaschistes.

Le plus souvent ils présentent une texture fine et homogène formée par des amphiboles de type

hornblende, associée à des plagioclases et des épidotes. On observe également des niveaux plus

massifs, à texture plus grossière, formant des affleurements de plusieurs mètres d’épaisseur,

intercalés sans la série. Ce dernier faciès correspond probablement à d’anciens tufs.

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Figure II-9: Boudins de métabasites au sein des micaschistes ; métabasites interstratifiées à texture grossière probablement formés à partir d’anciens tufs.

Figure II-10 : Filons pegmatitiques acides sécants sur la foliation principale des amphibolites massives correspondant au substratum probable de la série des micaschistes. On observe sur la photo de droite que la texture pegmatitique fluidale est conservée au sein du filon. Des tourmalines pluricentimétriques sont visibles au niveau de l’éponte inférieure.

. Granites leucocrates et filons acides (Fig. II-3 étiquettes m et o, Fig. II-10)

La partie structuralement la plus basse de la série de la fiumara Bonamico est localement

recoupée par des filons de roche cristalline acide. Il s’agit de lentilles subhorizontales, peu

épaisses (1 à 3 mètres) et présentant une texture parfois aplitique mais le plus souvent

pegmatitique marquée par de grands cristaux pluricentimétriques de tourmaline et de muscovite.

La texture magmatique est souvent bien conservée, mis à part au niveau des épontes ou un début

de foliation a été observé. Deux intrusions de plus grande taille sont reportées sur la carte

géologique. Il s’agit de sills granitiques leucocrates, cette fois encore sans déformation intensive

apparente. L’âge de ces intrusions n’est pas défini et leur relation avec la foliation principale n’est

pas clairement établie : elles semblent souvent sécantes, mais présentent cependant une

déformation localisée. Des datations et des observations complémentaires seraient nécessaires

pour pouvoir utiliser cette observation comme un jalon de chronologie relative.

D’une manière générale, l’unité d’Africo-Polsi présente un degré métamorphique apparent

croissant depuis des paragenèses dominées par la chlorite au sud-est jusqu’à des paragenèses à

grenat, biotite, amphibole vers le nord-ouest. Cette organisation semble recoupée par le contact

avec l’unité de l’Aspromonte. Les différentes études pétrographiques des roches de cette partie du

Massif de l’Aspromonte indiquent une évolution métamorphique polyphasée, marquée en

particulier par un stade prograde dans les conditions du faciès Schistes Verts suivit d’un stade

rétrograde associé à une intense déformation cisaillante contemporaine de l’exhumation (Bonardi

et al., 1984 ; Platt et Compagnoni, 1990 ; Bonardi et al., 1990 ; Messina et al., 1992 ; Pezzino et

al., 1992 ; Ortolano et al., 2005). Ces différents auteurs en revanche ne s’accordent pas sur

l’extension de l’influence de ce métamorphisme, de la même manière qu’ils ne s’accordent pas sur

la position cartographique du contact entre l’unité de l’Aspromonte et l’unité inférieure. Ce

métamorphisme semble être d’âge alpin au sens large, les données géochronologiques disponibles

ne fournissant en effet qu’une fourchette imprécise comprise entre 30 et 25 Ma (Bonardi et al.,

1987).

Ces deux aspects (métamorphisme et datation) ont fait l’objet d’une étude plus détaillée dont

les principaux résultats sont présentés dans les chapitres IV et V.