Chapitre II - Cartographie et lithologie des unités du Massif de l’Aspromonte
2/ La pile tectonométamorphique du massif de l’Aspromonte
2.6/ La limite septentrionale entre les unités de Stilo et de l’Aspromonte
L’unité de Stilo dans le Massif de l’Aspromonte a été identifiée à la fois sur la base des
caractéristiques lithologiques évoquées ci-dessus qui tranchent nettement avec le complexe de
paragneiss et d’orthogneiss de l’unité de l’Aspromonte, mais aussi par l’observation d’un contact
tectonique majeur à l’interface entre ces deux ensembles (Afchain, 1967 ; Bonardi et al., 1979 ;
Crisci et al., 1982). Ce contact, bien visible dans la partie sud du massif, est plus difficile à
localiser vers le nord. La trace cartographique proposée par Bonardi et al. (1979) et complétée à
l’issue des travaux de Crisci et al. (1982) est généralement reprise et figure depuis lors sur les
cartes du massif de l’Aspromonte (Fig. II-1 et II-17). Cependant de nouvelles observations
(Graessner & Schenk, 1999) ont remis en question sa position en montrant l’absence de
discontinuité métamorphique entre des faciès initialement attribués à l’unité de Stilo et à l’unité de
l’Aspromonte au niveau de ce contact. Nos observations nous amènent à modifier la position
cartographique de la limite entre ces deux unités.
Deux coupes mettent plus particulièrement en évidence la continuité entre les séries
attribuées aux unités de Stilo et de l’Aspromonte. Dans la région de Allai, une faille normale a été
tracée sur la carte de Bonardi et al. (1979) (Fig. II-17). Cependant, selon nos observations sur une
coupe verticale depuis la fiumara di Valanidi vers le sud, on observe un passage graduel depuis une
zone dominée par des paragneiss et des micaschistes traversés par des filons de granites
leucocrates jusqu’à une zone dominée par des schistes séricito-chloriteux (Fig. II-18, coupe AA’).
La foliation principale conserve la même orientation du bas de la pile vers le haut. Elle est
globalement subhorizontale et aucune discontinuité tectonique majeure n’a pu être observée.
L’observation de faciès phylliteux gris clair dans la partie haute de la série a probablement conduit
les auteurs à étendre l’unité de Stilo jusqu’à cet endroit.
Figure II-16 : (a) Log synthétique de la série lithostratigraphie formée par les unités d’Aspromonte et de Stilo telle que l’on peut la reconstituer entre la région de Palizzi Supérieur et Bagaladi. (b) Détail de la série de Pietrapennata d’après Bouillin et al. (1987) ; (c) Détail de la série transgressive oligocène inférieur (formation de Palizzi) d’après Bouillin (1985).
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Figure II-17 : Carte lithologique de l’unité de Stilo dans la partie SW du massif de l’Aspromonte d’après Bonardi et al. (1979), Crisci et al. (1982) et Graessner et Schenk (1999). Le trait épais correspond à la limite Stilo/Aspromonte. La partie nord de ce contact a été modifiée (trait épais). Le trait épais tireté figure la position du tracé d’après Bonardi et al. (1979).Les coupes AA’ et BB’ sont reportées sur la figure II-18, la coupe CC’ est reportée sur la figure II-22.
Toutefois, selon nous il n’existe pas dans ce secteur d’argument tectonique pour séparer les
unités de Stilo et de l’Aspromonte. A l’inverse ce découpage se justifie clairement en d’autres
endroits.
De la même manière, lorsque l’on lève la coupe vers le nord, depuis Bagaladi, le long des
fiumare Pietre-Bianche ou Tuccio, on n’observe ni discontinuité tectonique majeure, ni
changement lithologique brutal. La série métasédimentaire de l’unité de Stilo passe graduellement
d’une lithologie dominée par des faciès de phyllades et de porphyroïdes à une lithologie dominée
par des faciès d’arénites et de psammites, avec des intercalations locales de niveaux
amphibolitiques et carbonatés (Fig. II-18, coupe BB’).
La transition est également marquée par l’augmentation régulière du degré métamorphique
qui se marque bien dans ces matériaux par l’apparition de micas blancs visibles à l’œil nu dans la
foliation métamorphique. Vers l’amont, la série est traversée par des filons sub-verticaux de
roches cristallines leucocrates, souvent sécants sur la foliation principale. Une seconde génération
de muscovite également sécante sur la foliation apparaît dans les faciès encaissants. Elle pourrait
résulter d’un effet thermique local associé aux intrusions. De part et d’autres de celles-ci la
lithologie est identique. A cet endroit il n’y a pas d’arguments qui justifient la distinction de deux
unités. L’apparition des filons magmatiques coïncide avec la limite nord de l’unité de Stilo
proposée par Bonardi et al. (1979).
A l’est du Monte Peripoli, le long de la coupe naturelle du torrente Zapparia (Fig. II-17),
l’unité de Stilo est constituée par les mêmes phyllades grises observées plus en aval, vers le sud. Il
s’agit d’un ensemble de schistes gris clairs à gris sombres plus ou moins riches en niveaux gréseux
qui permettent alors de retrouver l’ancienne surface de stratification de la série. Des niveaux plus
massifs, riches en quartz d’exsudation sont intercalés localement. L’ensemble de la série est penté
vers le sud, de telle manière que l’on descend vers les niveaux structuraux inférieurs vers le nord.
Du point de vue métamorphique, ces schistes présentent une texture finement cristallisée
composée selon la lithologie par des micas blancs et des chlorites et souvent tachetée de
minéraux millimétriques d’andalousite et de grenat. Il ne semble pas y avoir de variation rapide du
degré métamorphique même si dans l’ensemble, vers le nord, la biotite devient dominante
marquant ainsi une augmentation sensible des conditions pression-température. La relation de ces
schistes avec les orthogneiss de l’unité de l’Aspromonte que l’on observe au sud-est du Monte
Peripoli est assez difficile à préciser, même s’il apparait que ces deux ensembles sont intimement
liés. Vers le nord les orthogneiss et les schistes sombres constituent indifféremment le matériel
encaissant des filons granitiques leucocrates qui pourraient être associées à l’intrusion de la Punta
d’Atò (Fig. II-19). Hormis des failles normales tardives, là non plus, il n’existe pas d’évidences
d’une discontinuité tectonique majeure justifiant la distinction de deux unités tectoniques
différentes.
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Figure II-18
: coupes simplifiées du contact entre les faciès des u
n
it
és de l’Aspromonte et de Stilo
dans la région d’Allai et
de Bag a ladi. Sur la coupe AA’, la position de la faill
e normale dessinée par Bonardi et
al. (
1979)
a été reportée approximativemen
t, mais n’a pas été obs
erv
ée sur le te
rr
ain. Les
marqueurs st
ructuraux comme la foliation principal
e sont continus
du bas de la pile vers l
e haut suggérant l’absence de contact
tectonique maj
eur. Sur
la coupe BB’, La zonation
métamorphique de
l’unité
de Stilo, représentée par le dégradé
de gris et
les isogrades est
ext raite d es trava u x de Gra ess ner & Schenk (1999) complétés p a r des observations personnelles (cf. ch
apitre III). La limite
entre l
es unités de l’
Aspromonte et de
Stilo est
celle proposée par
Bonardi et al.
(1979)
. Localisations des
En résumé, vers le nord, il semble que la limite entre les unités de l’Aspromonte et de Stilo
ne soit pas tectonique. On observe au contraire un passage graduel des faciès caractéristiques de
l’unité de Stilo à ceux de l’unité de l’Aspromonte. De la même manière, les variations
métamorphiques semblent continues. Par conséquent, nous proposons que les unités de Stilo et
de l’Aspromonte constituent une seule unité formée d’une même série lithostratigraphique depuis
des niveaux métamorphiques jusqu’à la couverture sédimentaire paléozoïque et méso-cénozoïque
essentiellement visible dans la partie sud-est. La partie inférieure de cette série est recoupée par le
granite tardi-hercynien de la Punta d’Atò. La définition de deux unités tectoniques devient alors
caduque dans cette partie du massif, comme le suggèrent également Acquafredda et al. (1994) et
Graessner & Schenk (1999).
Figure II-19 : Illustration de l’intrication des faciès des unités d’Aspromonte et de Stilo : les filons granitiques associés à l’intrusion de la Punta d’Atò s’injectent indifféremment dans des phyllades (d) et des orthogneiss (e) qui forment alors une seule et même entité lithostructurale. Localisations sur la figure II-18.