Chapitre IV - Apports de l’étude des roches métamorphiques du Massif de
5/ Estimations pression - température : résultats
5.1/ Les conditions de l’épisode métamorphique anté-alpin M
H... 140
5.2/ Les conditions des épisodes métamorphiques alpins M
A1et M
A2... 142
5.2.1/ Secteur de la fiumara Bonamico ... 142
5.2.2/ Secteur de Cardeto ... 144
5.2.3/ Secteur de la fiumara La Verde ... 146
5.3/ Les conditions de M
A2dans les zones de cisaillement D2 ... 147
Chapitre IV – Apports de l’étude des roches métamorphiques
Les chapitres précédents avaient pour objectifs de présenter la structure d’ensemble du
Massif de l’Aspromonte, de discuter la nature des différentes unités identifiées et la nature des
contacts tectoniques qui les séparent, et enfin de décrire les observations structurales effectuées
au cours de cette thèse et ce qu’elles indiquent en terme d’évolution cinématique. Nous avons vu
que le Massif de l’Aspromonte peut être découpé en trois unités tectono-métamorphiques
séparées par des contacts tectoniques subhorizontaux. Nous avons mis en évidence deux phases
de déformations successives : la première aboutissant à l’empilement de l’unité de l’Aspromonte
et de l’unité de Stilo sur l’unité d’Africo-Polsi ; la seconde entraînant l’amincissement de
l’ensemble de la pile tectonique. L’âge de cet empilement n’est pas clairement défini en regard des
données structurales et lithologiques seules, tandis que l’âge de l’extension est partiellement
contraint par les dépôts syn- à post-orogéniques oligo-miocènes. De nombreuses données
métamorphiques existent déjà sur le Massif de l’Aspromonte. Elles révèlent une histoire
métamorphique polyphasée, mais des imprécisions subsistent dans le scénario métamorphique.
Les paragraphes suivants présentent une synthèse des données existantes ainsi qu’une description
des données nouvellement acquises au cours cette thèse pour tenter de préciser cette évolution,
en complément de l’étude géochronologique rapportée au chapitre V.
1/ L’évolution métamorphique du Massif de l’Aspromonte
La structure tectonométamorphique actuelle du Massif de l’Aspromonte est connue depuis
les travaux de Bonardi et al. (1979) et de Crisci et al. (1982). Elle a été précisée par les travaux de
Pezzino & Puglisi (1980), Bonardi et al. (1980), Platt & Compagnoni (1990), Pezzino et al. (1990 ;
1992), Messina et al. (1992), Graessner & Schenk (1999), Ortolano et al. (2005). Tous ces auteurs
s’accordent sur une évolution polyphasée, cependant il apparaît des divergences d’interprétation.
La principale divergence porte sur la définition des limites des unités tectonométamorphiques. Si
la majorité des auteurs s’accordent sur l’existence de trois unités, leurs contours définis sur la base
d’arguments structuraux et métamorphiques, diffèrent d’une étude à l’autre.
Les contours de la base de l’unité de Stilo ont été précisés au cours de cette étude. Nous
avons montré que les unités de l’Aspromonte et de Stilo constituaient probablement un seul
ensemble litho-tectonique avant le fonctionnement du détachement qui les sépare. Le
détachement recoupe donc une même unité caractérisée dans son ensemble par un
métamorphisme de type barrovien (Graessner & Schenk, 1999) dont le degré augmente depuis
des conditions de basse température – basse pression (zone à chlorite) dans la partie la plus haute
(au sud), jusqu’à des conditions de haute température – basse pression (zone à sillimanite –
muscovite) dans la partie inférieure (au nord), c’est à dire lorsque l’on atteint les faciès de l’unité
Chapitre IV – Apports de l’étude des roches métamorphiques
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de l’Aspromonte qui constitue le soubassement normal de l’unité de Stilo. Ces conclusions sont
en accord avec les observations de Bonardi et al. (1979 ; 1984 ; 1992) et de Messina et al. (1992)
pour lesquels l’unité de l’Aspromonte présente un degré métamorphique caractéristique du faciès
amphibolite. Ce métamorphisme serait d’âge hercynien compris environ entre 330 et 290 Ma, et
scellé par la mise en place des leucogranites tardi-hercyniens (Graessner et al., 2000).
Le second point de divergence est relatif à la définition de la limite cartographique de l’unité
inférieure (dite unité d’Africo-Polsi dans cette étude). D’après Bonardi et ses collaborateurs seuls
les affleurements observés dans les fenêtres tectoniques de Cardeto et d’Africo-Vecchio peuvent
être distingués de l’unité de l’Aspromonte. Mises à part ces deux zones, ces auteurs considèrent
que l’ensemble de la partie inférieure de la pile tectonique appartient à l’unité de l’Aspromonte, et
est caractérisé par un métamorphisme hercynien du faciès amphibolite. Ils sont donc en
désaccord avec les interprétations de Pezzino & Puglisi (1980) et de Pezzino et al. (1990 ; 1992),
qui suggèrent l’existence d’une vaste demi-fenêtre tectonique le long de la fiumara Bonamico. Nos
observations qui confirment notamment le fort contraste lithologique entre les deux unités dans
ce secteur sont en accord avec Pezzino et al. (1990 ; 1992) et Ortolano et al. (2005) : il apparaît
donc que l’extension de l’unité inférieure est beaucoup plus grande que ce que suggèrent Bonardi
et al. (1979, 1992) (cf. chapitre III).
L’ensemble des études s’accorde sur la superposition dans la partie nord-est du massif d’une
empreinte métamorphique alpine, oblitérant partiellement voir intégralement les associations
hercyniennes. Le métamorphisme alpin n’affecterait pas en revanche la partie supérieure du
massif et l’unité de Stilo (Graessner & Schenk, 1999). Selon Bonardi et al. (1984 ; 1987 ; 1992) et
Messina et al. (1992), la rééquilibration métamorphique alpine affecte de la même manière
l’ensemble de la pile tectonique dans la partie nord-est du massif. Elle se serait faite en deux
phases. La première est marquée par une paragenèse à disthène + grenat + chloritoïde +
amphibole + albite + zoïsite/clinozoïsite. La cristallisation a été essentiellement statique et cet
assemblage témoigne de conditions maximales proches de 5 ± 1 kbar et 500 ± 30 °C (Bonardi et
al., 1984). La seconde phase est accompagnée par une intense déformation ductile non-coaxiale
au cours de laquelle une paragenèse à biotite + mica blanc + chlorite + albite/oligoclase se
développe. Cet assemblage témoigne d’après Bonardi et al. (1984) de conditions de plus basses
pressions. La déformation cisaillante associée à cette seconde phase alpine est localisée sur des
couloirs d’épaisseurs plurimétriques ou davantage (Platt & Compagnoni, 1990).
Pour Pezzino et ses collaborateurs, seul le métamorphisme alpin est visible dans ce qu’ils
considèrent comme l’unité inférieure. Une étude récente publiée par Ortolano et al. (2005) s’est
focalisée sur la partie sud de l’unité d’Africo-Polsi (secteurs des fiumare La Verde et Butramo
exclusivement). Selon ces auteurs, seule la phase tardive associée à la déformation cisaillante
alpine est commune aux unités d’Aspromonte et d’Africo-Polsi. Ils proposent que la partie de
l’unité d’Africo-Polsi qu’ils ont étudiée corresponde à une série sédimentaire post-hercynienne
impliquée dans les déformations alpines, dont en particulier un stade métamorphique prograde
atteignant presque les conditions du faciès éclogite (environ 10 à 12 kbar et 480 à 560 °C). Ce
stade de relativement haute pression n’avait jamais été décrit jusqu’alors, et n’affecte pas selon
Ortolano et al. (2005) l’unité de l’Aspromonte. Il serait contemporain de l’épaississement crustal
associé à la convergence et à l’orogenèse alpine.
Les structures associées à la seconde phase de déformation alpine décrites par Bonardi et al.
(1984, 1992) et Platt & Compagnoni (1990) correspondent aux structures relatives à la
déformation D2 définie au chapitre III. Cette déformation affecte l’ensemble de l’unité de
l’Aspromonte, ainsi que l’unité d’Africo-Polsi de manière hétérogène et diffuse. En particulier, le
contact tectonique chevauchant à la base de l’unité de l’Aspromonte a été réactivé pendant cette
déformation. Cette zone de cisaillement correspond probablement au contact proposé par
Pezzino & Puglisi (1980) pour définir le toit de leur unité inférieure. Cette seconde phase de
déformation est responsable de l’exhumation du massif (Platt & Compagnoni, 1990).
A la lumière de cette rapide revue bibliographique, il ressort que l’évolution métamorphique
du massif de l’Aspromonte est clairement polyphasée. Il semble cependant que plusieurs points
nécessitent d’être précisés. Comment expliquer que le métamorphisme alpin « HP » décrit par
Ortolano et al. (2005) dans la partie sud de l’unité d’Africo-Polsi n’ait pas été observé plus au
nord dans les séries métamorphiques de la fiumara Bonamico identifiées par Pezzino & Puglisi
(1980)? Les conditions suggérées par ces auteurs sont elles réalistes ? Existe-t-il des indices clairs
d’un métamorphisme anté-alpin dans les roches de l’unité d’Africo-Polsi, comme le suggèrent
Bonardi et al. (1984) et Platt & Compagnoni (1990) ? En nous focalisant sur l’étude des roches
des unités d’Africo-Polsi et de l’Aspromonte, nous proposons dans les paragraphes suivants des
éléments de réponses partiels, qui, ainsi que nous le verrons dans le chapitre V, sont confortés
par les principaux résultats de l’étude géochronologique.
2/ Description pétrographique
2.1/ Les paragenèses métamorphiques de l’unité d’Africo-Polsi
2.1.1/ Secteur de Cardeto
La fenêtre tectonique à l’est de la ville de Cardeto, permet d’observer les faciès de l’unité
tectonométamorphique située sous l’unité de l’Aspromonte dans la partie la plus occidentale du
Massif (Fig. IV-1). Le contact tectonique entre ces deux unités n’a pas pu être observé
directement, mais la nature des roches (initialement décrites par Bonardi et al., 1980), ainsi que
Chapitre IV – Apports de l’étude des roches métamorphiques
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leur position structurale suggèrent que cette unité correspond très probablement au
prolongement latéral de l’unité d’Africo-Polsi.
La partie de l’unité que nous avons étudiée est située en rive droite de la fiumara de
Sant’Agata. Les affleurements sont très souvent glissés et désorganisés. Il est difficile d’y
reconstituer précisément la série, mais dans l’ensemble cette unité est constituée en majorité de
micaschistes avec des intercalations locales de quartzites, de carbonates métamorphiques et
d’amphibolites. Seuls les faciès de micaschistes et les carbonates métamorphiques ont fait l’objet
d’une étude pétrographique.
Figure IV-1 : Carte de localisation des échantillons cités dans le texte. Les trois secteurs auxquels il est fréquemment fait référence ont été encadrés. Il s’agit (1) du secteur de Cardeto ; (2) du secteur de la fiumara Bonamico ; et (3) du secteur de la fiumara la Verde. Les abréviations AV, Bg, C, MdP, RdG et SL correspondent respectivement à la position des localités d’Africo Vecchio, de Bagaladi, de Cardeto, du sanctuaire de la Madonna dei Polsi, de Roccaforte del Greco et de San Luca.
Les micaschistes (éch. Ca02.111 ; Ca02.112 ; Ca02.113 ; TH061) sont composés d’un
assemblage à quartz + micas blancs + chlorite + grenat + opaques (matière organique et oxydes)
+/- tourmaline. On observe généralement les indices de plusieurs épisodes de déformation
successifs. La foliation principale (S1) à quartz + phengite + grenat + chlorite + opaques
contourne des grenats de taille pluri-millimétrique (Grt 1) fracturés et partiellement déstabilisés
sur leur bordure. Lorsqu’ils sont complètement déstabilisés, ils forment des amas de petits grains
(Grt 2) dispersés dans la foliation S1 (Fig. IV-2, cliché a – éch. Ca-02-113). Lorsqu’ils sont mieux
conservés, ils présentent des alignements d’inclusions de quartz et d’opaques, parfois selon une
géométrie sigmoïde correspondant à une foliation antérieure à la foliation principale S1, préservée
au sein du minéral. Une déformation cisaillante diffuse affecte l’ensemble des échantillons. Elle
est marquée par des plans de cisaillement parallèles dans lesquels la chlorite et le quartz
recristallisent en petits cristaux alignés. Ces plans délimitent des amandes sigmoïdes dans
lesquelles la foliation principale S1 est plus ou moins bien préservée. Des queues de cristallisation
le plus souvent à chlorite + quartz sont visibles de part et d’autre des porphyroclastes de grenat.
Localement on observe également des plis dissymétriques tardifs. La recristallisation associée est
peu intense et n’affecte que les niveaux de quartz qui présentent alors une orientation des cristaux
parallèle aux plans axiaux des plis.
Le niveau de calcaire métamorphique intercalé dans le haut de la série de Cardeto, quelques
mètres sous le contact tectonique avec l’unité de l’Aspromonte, est un marbre impur (échantillon
TH064) constitué essentiellement de calcite +/- grenat +/- phengite et de rares opaques, et
quelques cristaux d’épidote. On y observe également des lits pluri-millimétriques plus riches en
quartz +/- plagioclases (Fig. IV-2 cliché f –éch. TH064).
L’étude des roches de ce segment occidental de l’unité d’Africo-Polsi reste encore
incomplète. Les lames minces étudiées permettent cependant de suggérer l’existence d’au moins
deux étapes métamorphiques successives. La plus ancienne, M0, est matérialisée par les
porphyroclastes de grenats contenant en inclusions des reliques d’une foliation S0, sur laquelle la
foliation actuelle est oblique. Les inclusions observées étant uniquement composées de quartz, il
est difficile de préciser les conditions de M0. Le second épisode métamorphique M1 est
caractérisé par la foliation S1 à quartz + phengite + chlorite. Cet épisode est marqué par une
déstabilisation partielle des grenats de M0. Les petits grenats issus de la désagrégation des
porphyroclastes sont peut-être en équilibre avec les minéraux de la foliation S1 sans qu’il soit
possible de l’affirmer. En outre cet épisode est probablement accompagné ou prolongé par une
déformation cisaillante marquée par le développement de nombreux plans de cisaillement dans
lesquels la chlorite et le quartz recristallisent (M2) (Fig. IV-2, clichés c – éch. TH061, d – éch.
Ca02-112, e – éch. Ca02-111). Cet épisode M2 est également marqué par le plissement de la
foliation principale S1 (Fig. IV-2, cliché b – éch. Ca02-113). Localement, dans les niveaux riches
en quartz, ce plissement s’accompagne du développement d’une foliation de plan axial S2,
identifiable dans les charnières des plis. L’orientation de ces microstructures est généralement
compatible avec la déformation D2 associée au transport vers le nord-est du haut de la pile
Chapitre IV – Apports de l’étude des roches métamorphiques
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tectonométamorphique du massif de l’Aspromonte. De plus amples investigations seraient
toutefois nécessaires pour mieux préciser cette direction dans le secteur de Cardeto, où les
glissements de versants sont abondants.
Figure IV-2 : Microphotographies des échantillons de l’unité d’Africo-Polsi dans le secteur de Cardeto. (a) : éch. Ca02-113, deux générations de grenat ; (b) éch. Ca02-113, plissement D ; (c) : éch. TH061, (d) : éch. Ca02-112 et (e): éch. Ca02-111 : structures de cisaillement D2. Le sens de cisaillement déduit de l’orientation approximative des sections est systématiquement du haut vers le nord ; (f) : éch. TH064 : faciès des carbonates métamorphiques impurs.