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Chapitre III - Evolution structurale du Massif de l’Aspromonte et nature des

1.1/ L’épaississement et la mise en place de la nappe de l’Aspromonte

Le caractère chevauchant de l’unité de l’Aspromonte par rapport à l’unité d’Africo-Polsi est

mis en évidence par la superposition anormale de roches métamorphiques de degré moyen à

élevé, sur des roches de degré métamorphique a priori plus faible. Cette nappe, correspondant à

une lame de croûte continentale a donc été transportée dans sa position actuelle au cours d’un

épisode tectonique en raccourcissement. L’étude des marqueurs tectoniques associés à ce

déplacement devrait nous permettre de caractériser, la direction et le sens de transport de la

nappe de l’Aspromonte (unités de l’Aspromonte et de Stilo) et, partant, la direction du

raccourcissement. Cependant, ces marqueurs sont assez rares et la superposition ultérieure d’un

second épisode de déformation rend délicate l’interprétation de ces observations structurales.

Nous avons vu au chapitre précédent que l’unité d’Africo-Polsi est en majeure partie formée

par des roches paradérivées. Cette série présente une foliation métamorphique principale

globalement subhorizontale et a priori parallèle au contact avec l’unité de l’Aspromonte. Dans la

partie aval de la fiumara La Verde, les variations lithologiques franches entre les différents

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ensembles de la série attribuée au Paléozoïque permettent de définir localement une stratification.

Dans ce secteur situé à quelques dizaines de mètres sous le contact de nappe, des plis ont été

observés. Ils sont en particulier visibles lorsqu’ils affectent les niveaux de lydiennes de la partie

supérieure de la série (Fig. III-1). Ces plis présentent une surface axiale subhorizontale

correspondant à la foliation métamorphique. Dans ce matériel, cette foliation, peu pénétrative, est

limitée aux surfaces axiales tandis que dans les lithologies métapélitiques environnantes, elle est

beaucoup plus marquée et il est difficile d’y observer ce plissement du fait de l’absence de

marqueurs stratigraphiques. La plupart du temps, le niveau stratigraphique affecté est boudiné et

fragmenté. Ces plis ont des flancs longs parallèles et une dissymétrie qui suggèrent une

composante de cisaillement importante au cours de la déformation dont ils dérivent (Fig. III-1).

Les charnières anticlinales sont systématiquement déversées vers l’est ou le sud-est. Les axes de

ces plis tels que l’on peut les mesurer au niveau des charnières préservées sont en moyenne

orientés selon une direction NE-SW. On observe également par endroits une linéation

d’intersection entre la stratification et la foliation métamorphique principale qui s’oriente

sensiblement selon la même direction que les axes mesurés (Fig. III-3). Si l’on admet que ces plis

sont cylindriques et de type « b », leur géométrie indiquerait un transport du compartiment

supérieur vers l’est ou le sud-est. Cette conclusion doit cependant rester prudente car elle ne

reflète pas les complications observées sur les affleurements.

Figure III-1 : (a) Exemple de plis P1 sous le contact de nappe, au sein des lydiennes de la partie supérieure de l’unité d’Africo-Polsi. (b) Schéma de la déformation associée à la mise en place de la nappe formée par l’unité de l’Aspromonte ; S0 pour stratification ; S1 pour foliation ; L(S0/S1) pour linéation d’intersection entre stratification et foliation ; Lx1 pour linéation d’étirement.

Toutefois, cette indication est confortée par l’observation à l’échelle cartographique d’un

gradient métamorphique apparent au sein de l’unité d’Africo-Polsi, sous le contact de nappe. En

effet, pour une même lithologie, les minéraux index des paragenèses métamorphiques de la

foliation S1 principale ne sont pas identiques au nord-ouest et au sud-est. Dans la partie aval de la

déplaçant vers le nord-ouest, on observe que la chlorite disparaît en même temps que le grenat et

la biotite apparaissent. Cette évolution est identique à celle observée le long de la fiumara

Bonamico (Fig. III-2). Il semble que les conditions métamorphiques soient sensiblement plus

sévères au nord-ouest qu’au sud-est. Cette zonation peut s’interpréter comme le résultat d’un

enfouissement tectonique plus marqué au nord-ouest qu’au sud-est. Si cette zonation

métamorphique est contemporaine de la phase d’épaississement, cela pourrait indiquer que la

mise en de la nappe de l’Aspromonte serait hors-séquence. Le plan de chevauchement

s’enracinerait donc vers le NW et l’allure de la zonation observée pourrait suggérer que la nappe

de l’Aspromonte s’est mise en place sur l’unité d’Africo-Polsi depuis le NW vers le SE.

Cependant il faut ajouter que la géométrie actuelle du contact, et sa relation avec la zonation

métamorphique de l’unité d’Africo-Polsi, est probablement en grande partie le résultat d’une

phase de déformation ultérieure décrite plus loin.

Figure III-2: Illustration schématique de la zonation métamorphique observée sur le terrain au sein de l’unité d’Africo-Polsi, sous le contact de la nappe de l’Aspromonte. La limite entre la zone où les roches présentent des assemblages à grenat + biotite, au nord, et celle où les roches présentent essentiellement de la chlorite est figurée par l’épais trait noir, dont la position est approximative. (1) : unité d’Africo-Polsi ; (2) : unité de l’Aspromonte et (3) couverture sédimentaire discordante. MdP: Madonna dei Polsi; AV: Africo Vecchio.

Comme on le verra un peu plus loin, l’essentiel des marqueurs microstructuraux visibles au

niveau du contact tectonique entre les unités d’Africo-Polsi et de l’Aspromonte sont associés à

une seconde déformation. Cependant, une linéation minérale apparemment contemporaine de la

foliation métamorphique principale a été observée dans les orthogneiss de l’unité de

l’Aspromonte à quelques dizaines de mètres environ au dessus du contact. Ces observations ont

été faites dans une zone qui semble avoir été épargnée par la déformation ultérieure. Cependant il

nous est impossible d’établir avec certitude que ces marqueurs sont associés à l’épisode

d’empilement tectonique, l’origine et l’histoire tectonométamorphique de ces orthogneiss restant

à l’heure actuelle très mal connues. La linéation observée est marquée en particulier par

l’étirement des porphyroclastes de feldspaths. Elle est orientée selon une direction moyenne

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N130 qui est voisine de la direction de raccourcissement et de transport de la nappe déduite de

l’orientation de plis P1 observés au sein de l’unité d’Africo-Polsi sous le contact de nappe (Fig.

III-3). Par conséquent, et malgré les incertitudes mentionnées plus haut, ces marqueurs

pourraient être associés au transport de la nappe.

Figure III-3 : Orientation des marqueurs de la déformation associée au chevauchement de l’unité de l’Aspromonte. Les étoiles et les ronds correspondent respectivement aux axes de plis P1 et aux linéations d’intersection entre la stratification et la foliation mesurés dans l’unité d’Africo-Polsi, les triangles correspondent à la linéation d’étirement minérale mesurée à la base de l’unité de l’Aspromonte. (Canevas Wulf, hém. inf.)

Ces quelques observations bien que dispersées et assez rares, sont cohérentes et suggèrent

que la mise en place de la nappe formée par les unités de l’Aspromonte et de Stilo se serait

effectuée du NW vers le SE dans les coordonnées géographiques actuelles. On verra dans la suite

de l’exposé que cette orientation s’accorde d’une certaine manière avec les autres données

caractérisant l’empilement des nappes dans l’Arc Calabro-Péloritain.

1.2/ La reprise en extension de la pile de nappes du massif de l’Aspromonte