Chapitre III - Evolution structurale du Massif de l’Aspromonte et nature des
1.3/ Les directions cinématiques de la déformation en extension
Une première observation concerne l’organisation générale du compartiment supérieur :
nous avons vu auparavant qu’en se déplaçant vers le nord, on accède à des niveaux de plus en
plus profonds de la série lithostratigraphique de l’unité de Stilo. Cette géométrie est également
soulignée par l’orientation des isogrades du métamorphisme mis en évidence par Graessner et
Schenk (1999). Sur la base d’une étude pétrographique approfondie, ces auteurs distinguent au
sein de l’unité de Stilo cinq zones métamorphiques depuis la zone à chlorite dans la partie sud
jusqu’à la zone à muscovite et sillimanite vers le nord. Cette zonation lithologique et
métamorphique est clairement transportée sur le contact détachant. Cette organisation générale
suggère que le compartiment supérieur formé par l’unité de Stilo se serait déplacé du sud vers le
nord (cf. Fig. III-4).
Figure III-10 : Indices de cisaillement froid au niveau du contact tectonique entre les unités de Stilo et de l’Aspromonte. (1) secteur au nord-est de Palizzi Supérieur (toit de l’unité de l’Aspromonte); (2) secteur au sud de Palizzi Supérieur (unité de l’Aspromonte). Ces indices suggèrent un mouvement du compartiment supérieur vers le nord.
D’autre part, les marqueurs cinématiques directement visibles sur le contact sont rares et
souvent contradictoires, soulignant l’histoire tectonique complexe de cette surface. Dans la partie
sud, c'est-à-dire dans la zone où le détachement a fonctionné dans les conditions les moins
profondes, il s’agit le plus souvent de stries et de cannelures, ainsi que de petites fentes verticales
et parallèles qui n’affectent la surface que sur quelques millimètres de profondeur. L’orientation
de ces structures n’est pas réellement significative d’une direction de mouvement générale.
Toutefois, localement des indices d’une déformation cisaillante froide sont visibles dans le
compartiment inférieur. Des couloirs de cataclasite, parallèles au contact, séparent des portions
de roches où la foliation antérieure est cisaillée, indiquant ainsi que le sens de transport du
compartiment supérieur est approximativement orienté vers le nord (Fig. III-10).
Dans la partie nord, à proximité de Roccaforte del Greco, dans la zone où le contact
tectonique traverse un niveau structural sensiblement plus profond, la déformation est marquée
par le développement de structures un peu plus ductiles. On observe des indices de cisaillement
assez nets que nous interprétons comme marquant la prolongation du détachement vers le nord.
Il s’agit d’amandes sigmoïdes d’échelle centimétrique à métrique. L’asymétrie de ces amandes
indique d’une manière générale que le compartiment supérieur s’est déplacé du sud vers le nord
(Fig. III-11).
Figure III-11: Illustration des structures de cisaillement observées au nord de Roccaforte del Greco. Elles indiquent ici un mouvement du compartiment supérieur, c'est-à-dire de l’unité de Stilo, vers le nord ou le nord-est.
Les plans de cisaillement associés à cette déformation sont également visibles de part et
d’autre des principales bandes déformées, de manière plus ou moins pénétrative. Ils affectent y
compris l’intrusion granitique tardi-hercynienne de la Punta d’Atò, qui n’a pas subi la déformation
hercynienne. Ils portent très souvent une linéation minérale marquée par l’étirement des cristaux
de quartz et l’alignement des micas blancs. L’orientation de cette linéation est assez variable, mais
elle se situe toujours dans le quadrant NE-SW, avec une moyenne autour de N30. Cela s’accorde
assez bien avec la direction de transport que nous admettons pour le compartiment supérieur
(Fig. III-12).
Chapitre III - Evolution structurale du Massif de l’Aspromonte
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Figure III-12 :
Diagramme stéréographique (Wulf, hém. Inf.) des mesures de la linéation portée par les plans de cisaillement associés au détachement qui sépare les unités de l’Aspromonte et de Stilo. Ces mesures ont été effectuées dans le secteur de Roccaforte del Greco (15 mesures).
1.3.2/ Au niveau des bandes de cisaillement plus profondes
Au dessous du détachement principal, la pile tectonique est affectée par des couloirs de
cisaillement. La foliation mylonitique visible dans ces bandes de cisaillement porte
systématiquement une linéation d’étirement minérale ; elle est plus ou moins bien marquée, selon
la lithologie, par le rubanement des quartz et l’alignement des micas. Cette linéation est également
régulièrement visible au sein de l’unité d’Africo-Polsi, ce qui implique une transposition partielle
de la fabrique S1 antérieure. Dans l’ensemble cette linéation est orientée de manière assez
régulière autour d’une direction moyenne NNE-SSW (Fig. III-13a). Cette linéation témoigne de
la direction d’étirement principale au moment de la déformation associée à ces bandes de
cisaillement. Cette direction est différente de celle que nos observations suggèrent pour la
déformation associée à l’empilement des nappes (D1).
Figure III-13: Orientations des microstructures associées à la déformation D2 (Wulf, hém. inf.). (a): Linéations d’étirement minéral (Lx) portées par la foliation mylonitique. En blanc : les mesures dans l’unité d’Africo-Polsi (68), en noir les mesures dans l’unité de l’Aspromonte (32); (b) Les flèches noires représentent le sens de transport du compartiment supérieur, déduit de la mesure de couples de plans C’/S.
La foliation mylonitique se développe a priori dans le plan de la foliation métamorphique
antérieure car on n’observe jamais d’indices microstructuraux de deux foliations superposées. Elle
se marque par une diminution importante de la taille des grains. Elle s’accompagne également de
bandes de cisaillement secondaires obliques. Les relations entres ces plans de cisaillement C et C’
et la foliation sont cohérentes sur l’ensemble de la zone étudiée et indiquent systématiquement
que le compartiment supérieur a été transporté du SW vers le NE (Fig. III-13b). Ces marqueurs
sont également visibles à l’échelle microscopique et le sens de cisaillement est confirmé par
d’autres microstructures comme l’orientation préférentielle des grains de quartz, des « mica-fish »
ou des rotations de porphyroclastes contournés par la foliation (Fig. III-14).
Figure III-14 : Exemples d’indices de cisaillement observés dans les bandes de mylonites à la base de l’unité de l’Aspromonte. (a) Microfracturation synthétique et antithétique de porphyroclastes de feldspath ; (b) Bandes C’ dans un échantillon d’orthogneiss mylonitique de l’unité de l’Aspromonte ; (c) Orientation préférentielle des quartz recristallisés dans un filon prélevé au sein du faciès des chloritoschistes de l’unité d’Africo-Polsi. Toutes les sections étudiées sont perpendiculaires à la foliation et parallèles à la linéation d’étirement minéral orientée NNE-SSW en moyenne.
La foliation mylonitique est fréquemment replissée dans la continuité de la déformation
cisaillante D2. Il s’agit en effet de plis isoclinaux bordés par des plans de cisaillement. Un exemple
de ces plis a été étudié plus en détails (Fig. III-15). On observe deux plis aux flancs parallèles qui
affectent un gneiss mylonitique dont la texture est soulignée par une alternance de niveaux
quartzo-feldspathiques et de niveaux plus riches en micas. Ces micas s’orientent parallèlement au
plan axial du pli dans les charnières, soulignant le développement d’une seconde foliation. Les
flancs des plis s’agencent sur un grand cercle dont la polaire a la même orientation que les axes
mesurés. Cette géométrie indique clairement que ces plis se sont formés au cours d’une
déformation en raccourcissement N-S. L’orientation de la linéation d’étirement portée par les
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flancs confirme cette direction. Le sens de déversement des plis vers le nord indique le sens du
cisaillement associé au transport du compartiment supérieur vers le nord ou le nord-est.
Figure III-15 - (a) Exemple de plis associés à la déformation D2 dans les faciès de l’unité de l’Aspromonte. (b) Détail : la foliation mylonitique associée au cisaillement D2 est replissée. (c) Stéréogramme (Wulf, hém. inf.). des mesures associées. Ronds vides : flancs des plis ; étoiles noires cerclées : axes des plis mesurés ; trace cyclographique et losange : meilleur grand cercle et axe du pli calculé correspondant ; triangles noirs : linéation d’étirement dans les flancs des plis ; étoiles blanches cerclées : axes des plis en fourreaux mesurés plus bas dans la pile tectonométamorphique, au sein de l’unité d’Africo-Polsi.