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LIMITES POUR CAPTURER LE CHANGEMENT DANS NOTRE ETUDE

La méthodologie que nous avons utilisée comporte des limites. De plus, de manière générale, le discours des éducateurs est allé dans le sens d’une amélioration concernant les aspects cliniques, comportementaux et adaptatifs depuis l’intégration de nos sujets dans la MAS. Néanmoins, nos analyses statistiques n’ont pas retrouvé de changement significatif. A partir de ce constat, nous pouvons nous questionner sur les propos des professionnels qui ont été impliqués dans cette étude, mais également sur les outils de mesure que nous avons utilisés qui ne sont peut-être pas adaptés pour capturer le changement.

4.1. Étude rétrospective

La première limite de ce travail concerne la méthode de recueil des données qui s’est fait de manière rétrospective. Lors de cette étude, la plupart des informations que nous avons recueillies résultent de données obtenues à partir d’entretiens semi-structurés menés auprès de certains membres de l’équipe de la MAS. Ainsi, mis à part pour le dernier temps d’étude, les répondants ont dû faire appel à leurs souvenirs et ce, pour le premier temps investigué, à des souvenirs remontant à une trentaine d’années. Les informations rassemblées longtemps après les faits sont susceptibles d’être influencées pour plusieurs raisons. Il est difficile de se rappeler exactement de tout ce qui s’est passé à un moment donné de notre vie. Les souvenirs peuvent évoluer et « se reconstruire » avec le temps par le système cognitif. Les données rétrospectives peuvent aussi être biaisées par le contexte dans lequel elles sont rassemblées. L’état d’humeur de la personne qui fournit les données, par exemple, va affecter ses souvenirs : nous avons tendance à mieux nous rappeler les évènements positifs lorsque nous sommes de bonne humeur et plutôt les évènements négatifs lorsque nous sommes de mauvaise humeur (Myers & Hansen, 2003). Notons que dans notre étude, afin de limiter ces biais, les entretiens ont toujours été réalisés avec au minimum deux intervenants ayant côtoyé de manière régulière le sujet pour lequel ils étaient interrogés. De plus, certaines données ont été recueillies à partir du dossier médical et éducatif des sujets permettant de confirmer des informations apportées lors des entretiens. L’utilisation et l’intérêt de cette dernière méthodologie ont été rapportés dans un certain nombre d’études (Gearing, Mian, Barber, & Ickowicz, 2006). Par ailleurs, dans le souci d’objectiver les informations recueillies, nous avions envisagé d’utiliser des séquences vidéo disponibles pour les différents sujets depuis

leur arrivée à la MAS afin de corroborer les informations récoltées lors des entretiens. Cette méthode rejoint celle proposée par Adrien (1991) consistant à analyser les films familiaux. Toutefois, après le visionnage et l’analyse des différentes séquences, les éléments recueillis sont apparus inexploitables pour notre recherche.

4.2. Personnes interrogées

La plupart des professionnels interrogés dans notre étude prennent en charge quotidiennement nos sujets depuis leur entrée à la MAS. Nous pouvons donc supposer que, dans une certaine mesure que pour ce personnel apprécier l’évolution de leurs patients revient de manière indirecte à évaluer leur pratique professionnelle. On pourrait envisager que pour ces professionnels, faire le constat de l’absence d’évolution des personnes qu’ils prennent en charge revient à penser que depuis toutes ces années, le temps passé auprès d’elles et leur implication professionnelle de tous les jours ont eu peu d’effets sur leurs patients. Les professionnels qui travaillent en MAS sont confrontés à la maladie, aux handicaps physique et mental, à l'accompagnement de fin de vie et à la mort. Il est tout à fait légitime qu’ils aient besoin de penser que, malgré toutes les difficultés qu’ils rencontrent au quotidien, leur travail a des conséquences positives sur leurs patients et qu’ils les aident à évoluer. Rappelons que pour chaque sujet, les entretiens pour les différents temps étudiés n’ont pas été proposés de manière chronologique, afin d’éviter que les professionnels interrogés surestiment l’évolution des capacités de ces personnes.

4.3. Outils de mesure

Nous pouvons également envisager que nos sujets ont connu au cours de ces trente dernières années des améliorations cliniques, comportementales et adaptatives significatives, mais que nos outils n’ont pas été en mesure de capturer ces changements. Prenons par exemple le cas des capacités adaptatives que nous avons évaluées à partir de l’échelle ADL. Peut-être que si nous avions mesuré ces compétences à l’aide de la sous échelle « autonomie de la vie quotidienne » de l’échelle Vineland II (Sparrow et al., 2005), nous aurions pu retrouver des changements significatifs dans le profil des compétences de nos sujets. En effet, cette échelle permet une évaluation beaucoup plus fine des capacités dans la vie quotidienne que celle

proposée par l’ADL. Nous n’avons pas pu utiliser cet outil car il nécessitait des souvenirs trop précis.

Par ailleurs un de nos outils, la CARS, n’a pas été conçu à l’origine pour l’évaluation des personnes adultes autistes. On peut donc s’interroger sur la pertinence de cet outil dans la mesure du changement à l’âge adulte.

4.4. Taille de la population

L’une des limites de cette étude concerne la taille de la population, à savoir 7 participants. Ce qui limite le pouvoir statistique de l’étude. Il est important de noter que nous avons inclus tous les participants atteints d’autisme présents depuis trente ans dans la MAS.

4.5. Absence de groupe contrôle

Une autre limite importante de cette étude est l’absence de groupe contrôle. Il aurait été plus satisfaisant d’un point de vue statistique d’avoir notamment un groupe contrôle de comparaison. Nous aurions pu, par exemple, comparer nos résultats à ceux obtenus par des personnes présentant une DI sans autisme afin de capturer plus finement ce qui relève de la DI et de l’autisme.

5.

PERSPECTIVES

Nous allons à présent présenter les perspectives que nous avons envisagées à partir de notre étude.

Il serait intéressant de continuer à suivre les patients de notre étude afin d’apprécier la poursuite de leur évolution, notamment les premières manifestations du vieillissement. En plus des différents outils que nous avons utilisés aux quatre temps de l’étude, la Vineland II et

l’AAPEP pourraient également être réalisées et comparées aux données de notre dernier temps d’étude. Nous pourrions envisager de les réévaluer dans une dizaine d’années.

Il serait également intéressant de constituer un échantillon représentatif de personnes adultes présentant un TSA associé à une DI sévère ou profonde et de réaliser un suivi prospectif de ces personnes. La comparaison de leur évolution à celle d’un groupe contrôle constitué de personnes adultes sans TSA mais présentant le même niveau de DI, permettrait d’apprécier s’il existe une spécificité de l’autisme dans l’évolution des personnes atteintes de DI.

Il est important de mentionner qu’une équipe de recherche montpelliéraine, qui suit depuis l’enfance une cohorte de sujets présentant un TSA associé pour la plupart à une DI, va prochainement réévaluer ces sujets pour la troisième fois, alors qu’ils sont désormais jeunes adultes.

Nous pourrions également envisager de mettre en place des protocoles d’apprentissage de tâches spécifiques de la vie quotidienne à partir de méthodes éducatives et comportementales généralement utilisées auprès des enfants autistes (HAS & Anesm, 2012), afin d’apprécier l’impact de ces méthodes dans l’acquisition de nouveaux savoir-faire chez les personnes adultes présentant une DI.