• Aucun résultat trouvé

Peu importe le niveau intellectuel d'un individu, il est admis que les troubles psychiatriques existent chez les personnes ayant une DI (Gillberg, Persson, Gruffat, & Themner, 1986). En effet, les chercheurs suggèrent que les personnes ayant une DI ont une sensibilité accrue au développement de troubles psychiatriques comparativement aux personnes sans DI (Di Nuovo & Buono, 2007 ; Matson & Barrett, 1993). Le rapport des taux de prévalence des comorbidités dans la DI va de 10 à 40%, avec la variabilité attribuée aux instruments utilisés, aux critères diagnostiques choisis, aux échantillons de population et aux troubles psychiatriques inclus (Deb, Thomas, & Bright, 2001). Parmi un échantillon de 940 individus atteints de DI profonde, Dudley, Ahlgrim-Delzell, et Calhoun (1999) ont constaté que les diagnostics psychiatriques les plus fréquemment associés étaient la schizophrénie, les troubles affectifs, les troubles du contrôle des impulsions, les troubles du comportement et enfin, les troubles de l'adaptation. Les autres troubles psychiatriques qui sont souvent diagnostiqués chez les personnes ayant une DI comprennent la dépression (Hayes, McGuire, O'Neill, & Morrisson, 2011 ; McGillivray & McCabe, 2007), l'anxiété, (Reid, Smiley, & Cooper, 2011), les troubles de la personnalité (Di Nuovo & Buono, 2007) et les troubles des comportements

alimentaires (Iverson & Fox, 1989 ; La Malfa et al., 2007). Ces troubles sont également très présents chez les personnes présentant une DI et un TSA. La dépression apparaît comme une comorbidité psychiatrique particulièrement fréquente chez les personnes présentant un TSA associé à une DI.

Actuellement, il existe un nombre limité de recherches portant sur les TSA et les comorbidités en comparaison avec d'autres troubles (Matson & Nebel-Schwalm, 2007). Par ailleurs, la majorité des recherches disponibles sont orientées vers les individus qui présentent un haut niveau de fonctionnement et qui ont la capacité d'exprimer leurs symptômes (Bradley, Summers, Wood, & Bryson, 2004). Pour les « plus bas » fonctionnements, les personnes non- verbales, les symptômes de la psychopathologie sont souvent exprimés différemment et difficilement repérés, ce qui représente un défi pour les cliniciens. Au lieu de s'appuyer sur les comptes rendus verbaux des symptômes d'un patient, nécessitant des aptitudes de communication expressive et la capacité de réfléchir sur ses états internes, le clinicien doit s'appuyer sur le comportement observable. Par exemple, lors de l'évaluation de la dépression chez les personnes avec autisme et DI, Ghaziuddin, Ghaziuddin, et Greden (2002) suggèrent de s'appuyer sur des signes végétatifs, c’est-à-dire les changements dans le fonctionnement et la régression des compétences.

Un défi supplémentaire pour les cliniciens réside dans la difficulté à distinguer les symptômes de la comorbidité psychiatrique des caractéristiques de base des TSA. Par exemple, le DSM- IV (APA, 1994, 2000) exclut un diagnostic mutuel de TSA et de Trouble Déficitaire de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH), ce qui a suscité un débat. Les partisans de l'exclusion soulignent que les symptômes d'inattention, d'hyperactivité et d'impulsivité sont fréquents dans les TSA et doivent donc être considérés comme faisant partie des caractéristiques de base. Les adversaires de l'exclusion font valoir qu'un diagnostic de comorbidité de TDAH devrait être utilisé lorsque les symptômes sont excessifs, et que cette identification peut conduire à des traitements efficaces et adaptés à ce diagnostic de comorbidité. L’hétérogénéité des TSA, le degré de déficience associée, l’intensité d’expression des troubles liés aux TSA viennent compliquer le repérage et l’analyse des signes de comorbidité (Matson & Nebel-Schwalm, 2007).

Bien que des instruments d’évaluation des comorbidités chez les personnes adultes présentant un TSA et une DI associée aient récemment été développés (Underwood, McCarthy, &

Tsakanikos, 2010) tels que l’Autism Spectrum Disorders – Comorbidity for Adults scale (ASD-CA ; Matson & Boisjoli, 2008), le Psychopathology in Autism Checklist (PAC ; Helvershou, Bakken, & Martinsen, 2009), il existe encore un manque de preuve concernant leur efficacité. Par ailleurs, mis à part la DASH-II (Matson, 1995), les échelles pouvant être proposées aux personnes déficientes intellectuelles comme la Psychiatric Assessment Schedule for Adults with Developmental Disabilities Checklist (PAS-ADD Checklist; Moss, Patel, Prosser, & Goldberg, 1993), le Reiss Screen for Maladaptive Behavior (RSMB ; Reiss, 1997) et le Psychopathology Inventory for Mentally Retarded Adults (PIMRA ; Matson, Kazdin, & Senatore, 1984) sont davantage adaptées aux personnes présentant une DI légère ou modérée.

En dépit de la contribution probable de la DI dans l'expression de la psychopathologie de l'autisme, il est difficile de savoir à partir de la recherche préliminaire actuelle si l'autisme constitue un facteur de risque supplémentaire dans le développement de comorbidités psychiatriques (Bradley, Summers, Wood, & Bryson, 2004 ; La Malfa et al., 2007). Par exemple, Bradley et al. (2004) ont constaté que les adolescents et les adultes atteints d'autisme et de DI étaient plus exposés à une symptomatologie psychiatrique que ceux avec seulement une DI. Ces résultats ont également été retrouvés par Bakken et al. (2010). En revanche, Tsakanikos, Bouras, Sturmey, et Holt (2006), dans une étude à grande échelle comparant les adultes atteints d'autisme et de DI par rapport aux adultes avec une DI isolée, n'ont trouvé aucune différence entre les deux groupes dans le nombre de diagnostics psychiatriques.

Bakken et al. (2010), à partir de la PAC (Helvershou et al., 2009), ont trouvé, dans leur échantillon d’adultes combinant un autisme et une DI et présentant au moins un trouble psychiatrique associé, que 70% souffraient de dépression, 64% de troubles anxieux, plus de 25% de troubles psychotiques et 24% de troubles obsessionnels compulsifs.

Des chercheurs se sont également intéressés aux relations entre les comorbidités psychiatriques et les troubles du comportement ou les compétences adaptatives (Matson, Rivet, Fodstad, Dempsey, & Boisjoli, 2009 ; McCarthy et al., 2010 ; Underwood et al., 2010). La relation entre la psychopathologie et les troubles du comportement chez les adultes présentant une DI et un TSA a été étudiée dans un large échantillon au Royaume-Uni (McCarthy et al., 2010). Les auteurs ont conclu que, globalement, chez les adultes présentant

une DI et un TSA, les comportements difficiles et les problèmes de santé mentale sont des facteurs indépendants.

La relation entre les compétences adaptatives et la psychopathologie a également fait l’objet d’une recherche portant sur des adultes présentant une TSA et une DI (Matson, Rivet, Fodstad, Dempsey, & Boisjoli, 2009). Les participants présentant un TSA, une DI et un trouble psychiatrique associé connaissaient le niveau de capacités d'adaptation le plus faible comparativement aux autres participants (TSA et DI ; DI isolée).

Une récente étude (Tsakanikos, Underwood, Kravariti, Bouras, & McCarthy, 2011) qui s'est intéressée aux comorbidités psychiatriques des personnes présentant une DI et un autisme selon le sexe, a mis en évidence que les hommes étaient les plus susceptibles de recevoir un diagnostic de trouble psychiatrique associé. Ces derniers présentaient des taux plus élevés de troubles de la personnalité et de schizophrénie que les femmes.

Pour résumer, les recherches portant sur les comorbidités psychiatriques chez les adultes présentant un TSA et une DI sont encore rares. Le repérage de ces comorbidités dans une telle population constitue un réel défi pour les cliniciens qui ne peuvent pas se baser sur des informations rapportées verbalement par les patients et qui doivent faire la différence entre les symptômes comorbides et les symptômes du TSA. Alors qu’il est admis que les personnes ayant une DI ont une sensibilité accrue au développement de troubles psychiatriques comparativement aux personnes sans DI, il est encore difficile de savoir à partir de la recherche actuelle si l'autisme constitue un facteur de risque supplémentaire dans le développement de psychopathologies à l’âge adulte. Certaines études montrent que les comorbidités psychiatriques ont des répercussions négatives sur les compétences adaptatives des personnes atteintes de TSA et de DI. En revanche, il n’y aurait pas de retentissement sur les troubles du comportement. Enfin, les hommes seraient davantage susceptibles de recevoir un diagnostic de trouble psychiatrique associé que les femmes.