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CHAPITRE I : BILAN DE LA LITTÉRATURE ET PROBLÉMATIQUE

C. Encadrement juridique de l’obligation de disponibilité au Québec

2. Les limites de l’obligation de disponibilité : une obligation non absolue

Une des particularités de la L.n.t est qu’elle instaure certaines balises quant au temps de travail. Elle fixe la durée de la semaine normale de travail8 et par conséquent, impose «à l’employeur de rémunérer à taux majoré, ou par un congé compensateur à la demande du salarié ou si la convention collective le prévoit, le travail qui est exigé au-delà de cette durée» (Vallée, 2010 :7). Sans permettre au salarié de refuser de travailler au-delà de la semaine normale, ces dispositions peuvent avoir un effet dissuasif puisqu’elles augmentent les coûts salariaux pour les employeurs qui souhaitent recourir au travail supplémentaire.

Au début des années 1990, suite à une modification de la L.n.t., le salarié acquiert le droit de ne pas être l’objet de sanctions s’il refuse de travailler au-delà de ses heures habituelles de travail pour certaines raisons familiales, notamment lorsque «sa présence était nécessaire pour remplir des obligations reliées à la garde, à la santé ou à l’éducation de son enfant mineur9» (Vallée, 2010 :7). Amendé en 2002, cet article tient désormais compte des obligations relatives à son enfant, sans égard au fait qu’il soit mineur ou non, à l’enfant du conjoint et à l’état de santé d’un proche10.

De plus, depuis 2002, le salarié acquiert le droit, quel qu’en soit le motif, de refuser de travailler au-delà d’un certain seuil11. Le salarié possède également le droit à un repos hebdomadaire, ce qui peut avoir des incidences sur la possibilité de refuser de travailler au-delà d’un certain seuil12. De plus, «la L.n.t. prévoit des jours fériés, chômés et payés13, auxquels

8 L.n.t., art.52 et suiv.

9Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives, RLRQ 1990, c. 73, art.55;

ajoutant l’actuel article 122 par. 6 de la L.n.t

10 Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives, RLRQ 2002, c. 80, art. 61,

amendant l’article 122 par. 6 de la L.n.t.

11 L.n.t., art.59.0.1 12 Id., art.78 13 Id., art.59.1-65

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s’ajoute le jour férié et chômé de la fête nationale prévu dans la Loi sur la fête nationale14, des congés annuels payés15, le droit du salarié de s’absenter pour certains motifs16 et des absences ou congés pour des raisons familiales ou parentales17qui viennent limiter l’obligation de disponibilité du salarié» (Vallée, 2010 :9). En outre, d’autres lois posent des balises quant à l’indisponibilité du salarié, par exemple, s’il est appelé ou agit à titre de témoin18 ou s’il exerce la fonction de juré19.

Par ailleurs, la Loi sur la santé et la sécurité du travail permet au salarié de se distancer de son obligation d’obéissance puisqu’elle lui confère le droit de refuser d’exécuter un travail «s’il a des motifs raisonnables de croire que l’exécution de ce travail l’expose à un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique»20 Or, notons que ce danger doit trouver son origine dans les conditions d’exécution du travail ou dans l’altération des conditions physiques du salarié découlant des conditions de travail elles-mêmes. Le refus d’exécuter le travail doit être lié au caractère objectif du danger, c’est-à-dire que la perception de danger doit découler du travail en lui-même. En ce sens, les dispositions personnelles du travailleur ne peuvent pas teinter la perception de dangerosité du travail.

En somme, ces dispositions limitent l’obligation d’obéissance, et par conséquent, l’obligation de disponibilité du salarié puisqu’elles définissent les circonstances où le salarié possède un certain droit de refuser de se présenter ou d’exécuter un travail malgré la demande de son employeur. À cet égard, notons que ces dispositions n’interdisent pas à l’employeur de faire ces demandes mais elles accordent le droit au salarié de ne pas les accepter (Vallée, 2010). En outre, ces dispositions précisent les motifs pour lesquels un refus du salarié de travailler en temps supplémentaire, au-delà de ses heures habituelles de travail ou d’un certain seuil est permis. Ces dispositions mettent également en lumière les différents temps qui se succèdent dans la vie d’un salarié. En effet, elles définissent «un temps de travail, dont les durées normale et maximale sont balisées par le droit, et un temps de repos, constitué d’une période de repos

14 Loi sur la fête nationale, RLRQ, c. F-1.1. 15 L.n.t., art.66-77

16 Droit du salarié de s’absenter pour cause de maladie, d’accident ou d’acte criminel dont il serait victime (L.n.t.,

art.79.1-79.6) ou parce qu’il est réserviste des Forces canadiennes (L.n.t., art.81.17.1-81.17.6).

17 L.n.t. art.79.7-81.17.

18 Loi sur les tribunaux judiciaires, RLRQ, c. T-16, art.5.2. 19 Loi sur les jurés, RLRQ, c. J-2, art.47.

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hebdomadaire d’une durée minimale continue, de congés et de vacances, aussi délimité par la loi» (Vallée, 2010 :10).

Cependant, au regard de ces dispositions législatives encadrant la durée du travail et des fondements de l'obligation de disponibilité du salarié, il est possible de cerner un troisième temps, le temps de disponibilité «où le salarié ne travaille pas et n’est pas rémunéré, tout en étant subordonné à une éventuelle demande de l’employeur» (Vallée, 2010 :11). Bien que de plus en plus présent dans la vie de plusieurs salariés, nulle norme législative n’évoque explicitement ce temps de disponibilité. Concept relativement nouveau exacerbé par les exigences de flexibilité organisationnelle et les TIC, le temps de disponibilité ne bénéficie pas d’un cadrage juridique, et s’identifie actuellement par opposition au temps de travail et au temps de repos. C’est pourquoi la prochaine section tentera de répondre à la question suivante : Quelle est la nature juridique de l’obligation de disponibilité?