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CHAPITRE 3 : L’INTENSITÉ VARIABLE DE LA COLLABORATION ENTRE

1.2. La nécessaire complémentarité entre les différents dispositifs de coordination

1.2.1. Limites du pouvoir comme unique mode de coordination

Une relation de sous-traitance dans laquelle le pouvoir est le seul mode de coordination est une relation dans laquelle les acteurs ne sont liés ni par la confiance ni par un contrat stipulant un engagement sur la durée ou des sanctions en cas d’adoption de comportement opportuniste. Dans ce type de relation, le marché est donc considéré comme pouvant assurer la coordination entre les parties grâce au système de prix et à la loi de l’offre

et de la demande, c’est-à-dire grâce à la mise en concurrence de chacune des parties. Pour montrer les limites d’un tel mode de coordination, le plus courant est de se référer au raisonnement proposé par Williamson (1985). Dès lors qu’une transaction implique l'emploi d’actifs qui, utilisés pour d’autres transactions avec d’autres partenaires, auraient une moindre valeur, elle ne peut être coordonnée par le marché dans la mesure où les participants risquent d’être enfermés dans une relation de dépendance qui rend vulnérable chacun des partenaires, si elle n’est pas encadrée par des dispositifs formels.

Ce raisonnement est construit sur l’hypothèse qu’il existe des asymétries informationnelles entre les agents et que ces derniers sont tenter d’utiliser ces asymétries à leur profit. Ils sont rationnels et interprètent la détention d’informations non connues des autres comme un " monopole " informationnel leur offrant une opportunité de bénéficier de rentes de situation (Brousseau, 1993). On parle alors de risque d’opportunisme. En suivant Williamson, la notion d'opportunisme renvoie à deux problèmes d'asymétrie d'information qui recoupent les deux principaux temps d'une relation verticale inter-firmes : la sélection adverse qui apparaît dans la phase de négociation du contrat ; le risque moral qui intervient ex post.

Encadré 4.1. : Risques de sélection adverse et de hasard moral

Akerlof (1970), dans un article paru en 1970, fournit un exemple particulièrement éclairant du phénomène d'anti-sélection, à propos du marché d'occasion des véhicules automobiles.

Il est très difficile pour l'acheteur d'une voiture d'occasion d'apprécier précisément sa véritable qualité, car cette voiture peut en effet être ou ne pas être un mauvais véhicule. Et il n'a aucun moyen de pression, aucune autorité sur le vendeur qui l'inciterait à lui fournir un produit de qualité. Indubitablement, ex ante l'acheteur souffre d'une asymétrie informationnelle par rapport au vendeur car seuls les vendeurs connaissent la qualité exacte du véhicule. Du fait de cette répartition inégale de l'information, les bonnes et les mauvaises voitures sont vendues au même prix. Pour compenser cette situation d'asymétrie informationnelle, l'acheteur va tenir compte de la fréquence d'apparition des mauvais véhicules sur le marché et tentera de faire baisser les prix. De leur côté, les propriétaires de bonnes voitures considérant que le marché des voitures d'occasion sous-estime la valeur de leur bien, préféreront conserver leur véhicule. Mais les vendeurs de mauvais véhicules, eux, ont intérêt à vendre. Dès lors, le prix ayant tendance à baisser, la qualité moyenne des voitures vendues sur ce marché diminue. Il ne restera alors en vente que de mauvais véhicules et, à

terme, ce marché est menacé de disparition puisqu'il est déserté par les bonnes occasions et que le taux de mauvaises occasions augmente. Ce cercle vicieux s'explique par le fait que le prix joue tout à la fois le rôle d'indicateur de rareté relative et celui d'indicateur de qualité. L'incertitude sur une variable exogène empêche donc le prix d'être un parfait révélateur de l'information. Dans le cas de la relation d'emploi, l'incertitude est également liée à la difficulté d'apprécier ex ante les capacités du salarié. La situation est identique pour la relation inter- entreprises. L'achat devient alors un acte " risqué ".

Une autre situation d'asymétrie informationnelle est connue sous le nom de risque

moral (au sens de risque ou aléa de comportement).

Cette notion trouve son origine dans le domaine de l'assurance. Par exemple, " l'assurance incendie diminue les incitations aux précautions nécessaires pour prévenir ce genre d'incidents et peut même créer des incitations à l'incendie volontaire ; c'est l'origine du terme risque moral " (Arrow, 1984). L'assurance maladie génère aussi ce problème, dans la mesure où elle favorise une incitation à la consommation excessive des soins. Il en est de même pour l'assurance automobile : un conducteur à qui on garantit un remboursement total des dommages subis en cas d'accident prendra sans doute plus de risques. Les clauses bonus- malus ont ainsi pour fonction de pallier ce problème de hasard moral.

Autrement dit, il y a cette fois un problème d'observabilité de l'action ex post et non plus ex ante comme dans le cas de la sélection adverse. Dans le cas de la relation inter- entreprises, la situation de hasard moral provient de la difficulté pour le donneur d'ordres à contrôler l'action du sous-traitant : ce denier fait-il les efforts nécessaires pour diminuer ses coûts de production, améliorer la qualité du produit durant le déroulement du contrat ou encore pour assurer une livraison du produit dans les délais convenus ? L'acheteur est donc confronté au problème de la révélation de l'information exactement comme l'employeur vis-à- vis de ses salariés. Dès lors, la vérification des engagements conclus est susceptible d'engendrer des situations de litiges : différence de jugement sur la qualité, erreur sur les quantités, retards de livraison (Postel, 2003).

Ainsi, toute transaction économique implique le risque de choisir un partenaire incompétent et/ou de mauvaise volonté. L’existence de ces risques incite à recourir à des mécanismes contractuels de sanction. Il reste que la procédure contractuelle semble insuffisante pour réguler le fonctionnement des relations inter-entreprises.