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CHAPITRE 3 : L’INTENSITÉ VARIABLE DE LA COLLABORATION ENTRE

1.2. La nécessaire complémentarité entre les différents dispositifs de coordination

1.2.2. Limites des contrats comme unique mode de coordination

L’analyse des contrats proposée par la théorie de l’agence et des incitations implique que la régulation des relations de sous-traitance est assurée si les parties évaluent correctement le gain d’une stratégie opportuniste. Autrement dit, cette analyse suppose qu’un contrat bien fait est un dispositif de coordination qui se suffit à lui seul. Ce point de vue serait juste si l’information circulait librement entre des agents capables de la traiter dans sa totalité, autrement dit, si la rationalité des agents était parfaite et l’avenir certain ou probabilisable.

Dès lors qu’on suppose que la rationalité des agents est limitée et que la connaissance de l’avenir est imparfaite, le contrat n’apparaît pas comme un moyen suffisant pour annuler les risques liés à une transaction économique.

En effet, sous l’hypothèse d’incertitude radicale, les agents ne sont pas en mesure de déterminer avec précision l'ensemble des caractéristiques de l'avenir, ils ne connaissent pas tous les événements susceptibles de se produire et les chances d'occurrence de chacun des possibles (avenir risqué). L'environnement n'est plus entièrement descriptible en termes mathématiques et la décision n'est plus assimilable à un simple calcul (Brousseau, 1993).

D’autre part, sous l’hypothèse de rationalité limitée, les agents ne disposent pas d'un savoir prêt à l'emploi sur toutes les alternatives qui s'offrent à eux, ils tentent de mettre au point des alternatives satisfaisantes ou, du moins, préférables aux solutions pré-existantes et les décideurs méconnaissent souvent l'intégralité des conséquences de leurs choix. Un manque de connaissance des données décrivant l'état du monde en est la cause, de même que la limitation des connaissances théoriques et scientifiques. Enfin, les individus ne disposent pas nécessairement d'une fonction d'utilité qu'ils sont en mesure de maximiser, ils ne sont pas en mesure de savoir comment les différentes variables jouent pour déterminer un niveau de satisfaction. Quand bien même ils connaîtraient cette fonction, il n'est pas évident qu'ils disposent des ressources de calcul nécessaires pour optimiser de telles fonctions complexes incluant des milliers de variables (Brousseau, 1993).

Ainsi, les agents sont incapables de mettre au point un contrat prévoyant le comportement des deux parties compte tenu de l’ensemble des éventualités que leur réserve l’avenir (radicalement incertain). Les contrats ne peuvent pas préciser chacune des actions requises par les co-contractants.

Sous ces hypothèses, les agents économiques sont donc incapables de concevoir des systèmes d'incitation parfaits interdisant a priori tout comportement opportuniste (Brousseau,

1996) et ainsi les contrats sont incomplets (Williamson, 1996), ils ne jouent qu’un rôle partiel dans la régulation des relations entre acteurs économiques.

En suivant ce raisonnement, on peut affirmer que les TPE ont relativement plus de difficultés à concevoir des contrats qui diminuent les risques liés aux transactions qu’elles effectuent puisque leur avenir est relativement plus incertain, leur système d'information étant souvent limité (Baillette, 2000 ; Jaouen, 2004). En effet, du fait que les TPE n'ont pas un service achats ou production suffisamment développé pour s'appuyer sur une procédure de recrutement " scientifique ", la sélection du fournisseur ou sous-traitant devient une affaire de " réseaux ", c’est-à-dire qu’elle se repose sur la connaissance directe ou indirecte (de réputation) (Baudry, 1995). " Le nez dans le guidon ", elles manquent de ressources qui permettraient de connaître et de comprendre les rouages du système dans lequel elles sont insérées.

Williamson (1996) présente les mécanismes de surveillance et des mesures de sauvegarde comme des dispositifs complémentaires aux contrats pour assurer la régulation des relations. Ces mesures de sauvegarde peuvent être des dispositifs destinés à inciter le sous-traitant à acquérir des actifs ou des ressources spécifiques. Buckley et Casson (1988) recommandent de mêler des mécanismes de types " obligations contractuelles " garanties par le système judiciaire (obligations dont la réalisation est facilement observable afin de pouvoir porter les litiges devant la Justice), avec des dispositifs économiques non juridiques tels que des mécanismes de punition interne (afin de pouvoir mener des représailles " mesurées " en cas de déviations mineures) et des mécanismes de partage des conséquences des comportements collectifs (à travers des mécanismes de rémunération basés sur le résultat collectif). Ces représailles sont des sanctions économiques non juridiques liées au pouvoir des co-contractants. Ces sanctions et ces incitations économiques permettent de palier le défaut des dispositifs juridiques qui est la non répression des comportements inobservables.

Du fait du caractère incomplet des contrats, d’autres auteurs (Brousseau, 1996 ; Giddens, 1994 ; Charreaux, 1990) mettent en avant la nécessité d’une confiance minimum entre les partenaires.

La confiance entre partenaires s’impose davantage comme une nécessité dans les petites entreprises que dans les moyennes ou grandes structures étant donné leur capacité limitée à prévoir l’avenir et l’absence de contrainte de qualité " durcie " qui les dispense d’une évaluation scientifique des compétences de leurs partenaires.

Ainsi, il est généralement admis que le relationnel et l'affect caractérisent fortement la stratégie des TPE (Julien, 1990 ; Saporta, 1997 ; Marchesnay, 2003). Ainsi, les TPE sont caractérisées par des relations avec leurs partenaires fortement personnalisées, centrées le plus souvent autour du dirigeant (Jaouen, 2004). La confiance joue un rôle particulièrement important dans leurs relations néanmoins elle peut rarement être l’unique mode de coordination.