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CHAPITRE 1 : LES ÉVOLUTIONS DE L’INDUSTRIE FRANÇAISE DE

2.1. La délocalisation de la production de vêtement

2.1.2. Les raisons du caractère inéluctable de la délocalisation

En 2003, le montant total des importations d’habillement (10,91 milliards € selon les Douanes, 2005) représente 35,5 % des dépenses de consommation des ménages en article d’habillement (30,68 milliards € selon l’INSEE, 2004). Ces chiffres traduisent l’importance du phénomène des délocalisations dans l’habillement. Selon, J. Arthuis (1993), le secteur du textile-habillement est en quelque sorte le prototype des délocalisations avec un produit souvent facile à réaliser avec une part élevée de coût de main-d'œuvre dans le prix de revient. Dans ce secteur, une série de producteurs localisés à Hong Kong, Taïwan ou sur l'île Maurice, sont parvenus à conquérir des parts de marché mondial. Pour faire face à ces nouvelles concurrences, les entreprises des pays industrialisés, qui font face à des échelles salariales nettement plus élevées, tendent de plus en plus à conserver localement leurs activités de développement de produits (recherche, design et prototypes) et mise en marché, et à délocaliser leur production dans les pays à bas coûts de salaires. Les segments qui sont moins soumis aux aléas de la mode sont les segments les plus touchés par ce phénomène de délocalisation, il s’agit notamment des accessoires et du vêtement masculin. Dans le vêtement de femme, le principe d’actualisation incite les entreprises à avoir recours à la sous-traitance nationale.

Le phénomène de délocalisation semble s'étendre inéluctablement pour trois raisons : les fabricants ou donneurs d'ordres ont exporté un savoir-faire en délocalisant ; beaucoup de confectionneurs français subissent une telle pression qu'ils n'arrivent pas à dégager

suffisamment de bénéfices pour maintenir leur parc de machines en l'état ; les accords de libre échange entre pays industrialisés et pays à bas salaires se multiplient. Ainsi, la performance des outils industriels dans les pays à bas salaires de plus en plus accessibles, semble s'améliorer sans cesse, alors que dans les pays industrialisés, elle semble se détériorer ou du moins rester stable.

L'Europe multiplie les accords bilatéraux avec les pays du Maghreb, le Mexique, l'Afrique du Sud (Fouquin M. et alii, 2002). Les quotas attribués aux pays d'Europe centrale et orientale (PECOS) depuis la chute du mur de Berlin dans le cadre du trafic de perfectionnement passif15, après avoir été régulièrement élargis ont complètement disparu aujourd'hui. Les échanges avec ces pays se sont multipliés. L'Union européenne travaille actuellement à la création d'une zone paneuroméditerranéenne de libre-échange dans les domaines du textile et de l'habillement qui inclurait l'espace économique européen, l'Europe Centrale et Orientale, la Turquie et les pays du pourtour méditerranéen.

Selon le cabinet Werner International, spécialisé dans l’analyse des coûts horaires et des temps travaillés dans le textile-habillement, pour le coût d'un salarié français, en 2003, on emploie 46,8 pakistanais, 31,8 indonésiens, 38,8 chinois, 8,3 slovaques, 6,75 tchèques, 5,5 polonais, 9 tunisiens, 8,4 marocains et 3 portugais.

Tableau 1.6. : Coût hor air e textile –habillement (US $)

France Italie Portugal Espagne Turquie

15.93 15.60 5.36 10.67 2.13

Rep. Tchèque Pologne Slovaquie Bulgarie Estonie

2.36 2.90 1.90 1.01 1.98

Tunisie Maroc 1.77 1.89

Ile Maurice Madagascar Costa Rica Argentine

1,41 0,4 2,38 1.70

Chine (continent)

Pakistan Inde Indonésie Malaisie Thaïlande Vietnam

0.41 0.34 0.57 0.50 1.16 1.24 0.32

Source : Werner International, Bruxelles, 2003

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Le terme de Trafic de Perfectionnement Passif (TPP) désigne la délocalisation de la production de produits confectionnés à partir de fils et de tissus fournis par le donneur d'ordres.

Les salaires asiatiques sont certes plus attractifs que ceux d'Europe de l'Est, du Portugal ou d’Afrique du Nord, mais la proximité reste un atout déterminant. Néanmoins, la délocalisation de la production vers les pays asiatiques devient de plus en plus importante étant donné la hausse des salaires dans les pays proches de la France, l’amélioration de la performance de leurs outils industriels et la baisse des tarifs de transport.

Ainsi ces dernières années, la Chine et les pays d’Asie du Sud-ouest (Inde, Bangladesh, Pakistan) ont pris une place grandissante dans les importations françaises au détriment des PECO (Pays d’Europe centrale et orientale). Les importations en provenance de Chine représentaient 13,6 % des importations françaises en 2002 contre 16,4 % en 2004 ; en valeur, elles ont augmenté de 16 %. Les importations en provenance d’Asie du Sud-ouest représentaient 9,3 % des importations françaises en 2002 contre 9,8 % en 2004 ; en valeur, elles ont augmenté de 7 %.

Parallèlement à ce phénomène, les importations en provenance des PECO ont diminué en valeur de 6 % tandis que celles en provenance de l’Afrique du Nord ont diminué de 12 %. La part des importations en provenance de Pologne a baissé de 0,6 %, celle des importations en provenance de Roumanie de 0,5 %, de Tunisie de 1,5 % et du Maroc de 1,3 %.

Ainsi, les importations en provenance de la Chine sont devenues plus importantes que celles en provenance d’Afrique du Nord (la première provenance des importations françaises derrière l’Europe occidentale en 2002). De même, l’Asie du Sud-Ouest est passée devant les PECO (la 4ème provenance des importations françaises en 2002).

Figure 1.6. : La place grandissante des pays d’Asie dans les importations françaises 0 5 10 15 20 25 30 35 Europe occidentale Afrique du Nord

Asie du Nord PECO Asie du Sud- Ouest Afrique australe Asie du Sud- Est % d an s l es i m p o rt at io n s f ran çai ses 2002 2003 2004

Source : Base B.A. net concernant les articles d’habillement, poste 18 en NAF 70016

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Chiffres envoyés par courrier électronique par le service de renseignement douanier et statistique contacté par l’auteur par téléphone le 20/07/2005

Tableau 1.7. : Provenance des importations françaises d’habillement en 2002 et 2004

Sous-zône

Part (en %) dans le total des importations françaises

en 2002

Part (en %) dans le total des importations françaises en 2004

Europe occidentale 32,6 34,2

dont 25,4 % proviennent de dont 25,9 % proviennent de

Italie 9,2 9,7 Turquie 5,5 5,4 Belgique 3,5 4,6 Espagne 3,4 3,2 Portugal 3,8 3 Asie du Nord 17 19,4 Chine 13,6 16,4 Afrique du Nord 19,8 17,1

Dont 19,6 % proviennent de Dont 16,8 % proviennent de

Tunisie 10,7 9,2

Maroc 8,9 7,6

Asie du Sud-Ouest 9,3 9,8

Dont 8,9 % proviennent de Dont 9,2 % proviennent de

Inde 4,7 4,5

Bangladesh 3 3,5

Pakistan 1,2 1,2

PECO 9,5 8,8

Dont 6,6 % proviennent de Dont 5,9 % proviennent de

Roumanie 3,3 3,8

Pologne 1,8 1,2

Hongrie 1,5 0,9

Asie du Sud-Est 5,7 5,3

Dont 4 % proviennent de Dont 3,5 % proviennent de

Thaïlande 1,4 1,3 Indonésie 1,5 1,2 Vietnam 1,1 1 Afrique australe 2,6 2,3 France (retour) 1,5 1,1 CEI 0,7 0,8

Amérique (Nord/Sud et centrale) 0,4 0,5

Proche et Moyen-Orient 0,6 0,5

Autres 0,3 0,2

Total 100 100

Source : Base B.A. net concernant les articles d’habillement, poste 18 en NAF 700

L’accélération des délocalisations des industriels de l’habillement dès le milieu des années 80 et plus particulièrement le recours à la sous-traitance internationale, impliquent un retour des produits finis sur le territoire (national) qui fait progresser à un rythme soutenu les importations qui ont été multipliées par plus de huit ces vingt-cinq dernières années (elles sont

passées de 1,34 milliards d'€ en 1984 à 11,2 milliards d'€). Le déficit de la balance commerciale du secteur habillement qui était de 5,5 milliards d’euros en 2004 risque encore de s’accentuer.

La délocalisation des unités de production entraîne un changement dans le paysage de l’industrie française : les producteurs intégrés sont de plus en plus rares et la taille des unités de production qui restent sur le territoire se réduit.