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CHAPITRE 2 : LE LIEN ENTRE STRATÉGIE ET MODE DE RELATION DE

2.2. Les risques provenant de l’omission du lien entre partenariat et stratégie de

2.2.1. Généralités sur les dangers des préconisations hors contexte

Le succès des firmes qui nouent des relations de partenariat pousse certains consultants à conseiller de mettre en œuvre ce mode de coordination qui paraît, au vu des analyses scientifiques, le plus adapté au contexte de la période donnée. Or, en laissant croire qu'il suffirait d'appliquer les principes d'un modèle canonique jugé supérieur pour que l'entreprise soit viable, ces préconisations font oublier que le modèle de gestion d'une firme résulte d'un processus, souvent long et contradictoire, de mise en place de routines qui semblent les plus adaptées aux incertitudes qui surviennent sur le marché du produit, ou sur le marché du travail dans lesquels une firme est implantée (Boyer, 1998). Préconiser un seul type d’organisation productive ne représenterait aucun danger si l’environnement compétitif des firmes était homogène. Néanmoins, la demande pour les produits n'est pas la même selon le positionnement de la firme : les exigences en termes de fonctionnalité et de qualité sont différentes. De plus, étant donné la vitesse actuelle d’évolution de la concurrence et des marchés, il semble indispensable d’avoir pour objectif central de créer en permanence de la perturbation (Saïas et Métais, 2001) ou du moins de s’adapter au mieux aux conditions changeantes de l’environnement plutôt que de chercher à acquérir un avantage concurrentiel qui a permis à d’autres de gagner durablement des parts de marché.

Les analyses prescriptives, séductrices et simplificatrices peuvent avoir des répercussions néfastes sur la compétitivité des entreprises. Dans l’industrie automobile, par exemple, Boyer (1998) explique que dans les années d'après-guerre, les entreprises japonaises ont rencontré de grandes difficultés parce qu’elles ont appliqué les principes du modèle fordien à leur organisation sans réfléchir à l’inadaptation de ce modèle à l’environnement social, économique et financier dans lequel elles évoluaient. De même, l’échec de l’implantation de l’usine Ford en Angleterre s’explique par le fait que les dirigeants n’avaient pas pris en compte le fait que les Anglais, contrairement aux Américains, n’étaient pas attirés par des produits standardisés, mais par l’innovation, la qualité et la différenciation. Ainsi, les mêmes principes de gestion peuvent être à la fois sources de succès dans un certain contexte et source d’insuccès dans d’autres contextes. Définir le contexte

dans lequel ils seront sources de succès apparaît d’une complexité extrême étant donnée l’infinité d’éléments qui ont initialement influencé leur adoption. Les principes de gestion innovants et efficaces naissent en effet d’une tentative de mise en adéquation entre les différentes tactiques définies au niveau de chacune des fonctions de l’entreprise (conception, production, vente, gestion des ressources humaines, gestion financière) qui elles mêmes ont été définies en tentant de mettre en cohérence tous les éléments qui les composent. Sans la prise en compte de tous les dispositifs déjà en vigueur au sein de l’entreprise, l’adoption d’un nouveau dispositif organisationnel réputé le plus efficace par les spécialistes n'aboutira au succès qu'avec le soutien de la chance.

Par ailleurs, le partenariat est un élément qui participe à optimiser le profit des firmes leaders dans l’industrie. Or, de nombreuses petites entreprises, si ce n’est la majorité, ont d’autres objectifs déterminants que celui d’optimisation du profit. Julien et Marchesnay (1987) mettent en avant le fait que les petites ou moyennes entreprises ont parfois pour objectifs prioritaires la pérennité et l'indépendance. En effet, certains patrons de petites entreprises sont mus par le " désir d'être leur propre patron ", et ce dernier conduit parfois à un refus de croissance. Ils recherchent aussi parfois prioritairement la survie de l'entreprise à son créateur, la transmission à des héritiers. La pérennité est leur but suprême quitte à lui sacrifier la croissance, car leur entreprise est perçue comme l'unique moyen pour la famille et leurs descendants d'avoir une place reconnue dans la société :

" L'entreprise est perçue comme un élément du patrimoine, permettant de "tenir son

rang" dans la hiérarchie sociale " (Weber, 1988)

Ainsi, pour ce type d'entrepreneurs, une progression assurée est l'objectif principal tandis que l'optimisation du profit n'est que très secondaire. Selon Weber (1988), la grande majorité du patronat de PME correspond à ce type d'entrepreneurs.

Cette perception des dirigeants de petites entreprises permet de mieux comprendre la diversité des stratégies au sein d'un même secteur et la diversité des managements des relations de sous-traitance, particulièrement lorsque les petites entreprises sont les acteurs principaux du secteur comme dans l'habillement qui est composé pour plus de 80 %, d'entreprises de moins de vingt salariés (Billiotet K., 1999).

Ainsi, les stratégies présentées comme les plus efficaces se diffusent certes, mais ne se généralisent pas pour autant. Les différences existantes sont nombreuses et d’importance significative. Lorenz et Valeyre (2004) ont démontré, à partir d’une enquête menée auprès de

21703 personnes dans différents pays de l’union Européenne, travaillant dans le secteur secondaire ou tertiaire, qu’au sein d’un pays, la diffusion d’un modèle d’organisation du travail dépend du niveau national des dépenses de recherche et développement, de dépôt de brevet. Dans des conditions opérationnelles différentes, un processus imitatif mécanique et ponctuel n’est pas seulement irréalisable, mais aussi inadéquat. Il est irréalisable car les firmes ne peuvent pas modeler comme elles veulent le scénario dans lequel elles agissent. Il n'est pas adéquat car les différences existantes dans les scénarios rendraient inutile un processus simplement imitatif.

L’approche one best way paraît donc séduisante, mais simpliste et particulièrement inadéquate dans l’habillement où le modèle productif " idéal " est efficace sur un segment de marché qui arrive à maturité. Cet élément constitue un argument supplémentaire sur les dangers de l'omission du lien entre stratégie de réactivité et partenariat que nous développons dans la section suivante, à partir de chiffres sur la distribution d'habillement.

2.2.2. Argumentation empirique basée sur l'étude de l'évolution des parts de marché des