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CHAPITRE 3 : L’INTENSITÉ VARIABLE DE LA COLLABORATION ENTRE

2.2. La confiance, une dimension centrale dans l’approche relationnelle

2.2.2. Facteurs déterminants de la confiance

Certains auteurs expliquent qu’il existe parfois dès le début de la relation, dans les structures préexistantes de l’espace d’action, une certaine confiance entre les partenaires. Et une fois la relation établie, l’intensité de la confiance peut augmenter ou diminuer au cours de la relation d’échange puisque les actions des acteurs peuvent agir sur cette confiance. Cette confiance dite relationnelle est à rapprocher des relations gérées par ce que Macneil (1980) ou Dumoulin (1999) appellent des contrats " relationnels " ou ce que Uzzi (1997) appelle des " embedded " relations (en référence aux écrits de Granovetter, 1985) à l'opposé respectivement de contrats ponctuels, transactionnels ou relations " arm's length " dans lesquels les rapports restent distants, impersonnels entre les parties.

Ainsi, on peut distinguer dans la littérature des facteurs de l’intensité de la confiance endogènes et des facteurs exogènes à la relation.

2.2.2.1. Facteurs déterminants endogènes du degré de confiance

Nous désignons la confiance qui naît de facteurs endogènes à la relation, par le terme de confiance relationnelle. Les sources de cette confiance sont multiples. Il s'agit en premier

lieu des échanges passés entre les partenaires, qui génèrent une expérience de la relation. La poursuite de la relation, la stabilité des partenaires et de l'organisation au sein de laquelle les parties sont engagées, constituent des éléments favorables au maintien de la confiance.

Au cours de la relation, les parties en présence élèvent leur niveau de connaissance mutuelle sur les intentions et les compétences de l’autre (Mendez, 2001). Et cet apprentissage croisé produit de la confiance relationnelle. La construction de cette confiance suppose donc du temps, de l'expérience (Lorenz, 1996).

Cet apprentissage concerne des caractéristiques relativement objectives que l’on attribue au partenaire comme la loyauté, l’intégrité, l’honnêteté, la fiabilité, la compétence, ou encore l’histoire de la relation, et éventuellement des caractéristiques plus subjectives comme la gentillesse, la sympathie, l’attention. Plusieurs auteurs (Jeffries et Reed, 2000 ; Lewis et Weigert, 1985 ; Mc Allister, 1995 ; Lepers, 2003) proposent d’utiliser dans le premier cas, le terme de confiance cognitive et dans le second, le terme de confiance affective. La confiance cognitive émerge lorsque chacun des partenaires respecte ses engagements formels ou informels, et n'exploite pas de manière abusive les droits dont il peut se prévaloir. La confiance basée sur l’affectif correspond à une relation très spécifique empreinte d’attachement émotionnel (Jeffries et Reed, 2000). Elle nécessite des interactions très fréquentes entre les individus (Lewis et Weigert, 1985). La confiance affective est ainsi associée à un investissement en termes de temps et de sentiments (Mc Allister, 1995).

2.2.2.2. Facteurs déterminants exogènes du degré de confiance

Bien que la confiance s'établisse en partie par un processus endogène, les acteurs ne peuvent toutefois pas agir entièrement sur cette caractéristique des relations. En effet, si les acteurs veulent prolonger leur relation et construire cette confiance relationnelle, souvent il faut au départ qu'un lien de sympathie se crée spontanément. Pour que des normes implicites de comportement soient adoptées, il faut que les contractants possèdent ex ante des valeurs en commun. Il faut qu’ils aient l’intuition que leur relation fonctionnera, autrement dit, il faut qu'il y ait une confiance structurelle entre les partenaires. Cette confiance a deux facteurs : la proximité géographique et l’appartenance commune à un groupe assurant la proximité culturelle.

L'appartenance à une famille, une ethnie ou un groupe donné

Cette confiance structurelle est attachée à des personnes en fonction de leur appartenance à un groupe qui a des normes qui encouragent des comportements de loyauté et

de fiabilité. Ainsi, un acteur qui appartient à un groupe qui a mauvaise réputation, aura beaucoup de difficultés pour établir des relations de confiance avec ses partenaires malgré son intégrité parfaite et répétée. Et inversement, un acteur qui appartient à un groupe réputé pour le comportement de loyauté de ses membres, nouera rapidement des relations de confiance avec ses partenaires.

De plus, l’appartenance à un groupe est un signe d’apparence qui permet à chacun des partenaires d’évaluer la proximité culturelle qui existe entre eux. Ce sentiment de proximité culturelle peut créer des liens de sympathie spontanés entre les partenaires. Or, la sympathie apparaît comme l’antécédent le plus significatif dans l’établissement de la confiance interpersonnelle (Doney et Cannon, 1997). Elle se réfère " au jugement de l’individu dans la firme acheteuse qui perçoit le vendeur comme amical, gentil, plaisant à côtoyer " (Doney et Canon, 1997, p40).

Ainsi, l’appartenance à un groupe peut favoriser l’émergence de la confiance entre deux acteurs, d’une part parce qu’elle est le signe d’une adhésion à des normes qui encouragent des comportements de loyauté, et d’autre part parce qu’elle est le signe d’une proximité culturelle favorisant des liens de sympathie.

Ces thèses culturalistes sont discutées puisqu'elles portent sur des représentations supposées et s'appliquent de manière générale à des acteurs qui sont insérés dans des cultures spécifiques, mais qui ne sont pas moins dans des contextes qui leur sont particuliers, qui disposent donc d'une autonomie individuelle. Au-delà de ce constat, on ne peut nier que certaines cultures favorisent plus que d’autres l’existence d’une confiance structurelle (préexistante à l’espace d’action) entre les partenaires (Levet et Paturel, 1997).

La proximité géographique comme facteur favorable à l'émergence de la confiance relationnelle

De nombreux auteurs présentent la proximité des entreprises dans des districts industriels ou des Systèmes Productifs Localisés comme un des facteurs qui favorise l'émergence et la stabilisation de relations de coopération. Une justification serait que la proximité, en assurant des contacts directs entre les acteurs (le face-à-face) réguliers et spontanés, renforce les liens entre les partenaires (fournisseurs d'inputs ou de services, sous- traitance). La proximité assure la fréquence des interactions, qui conduit à la confiance car elle permet d’observer le comportement de l’autre partie à travers une grande variété de situations (Doney et Cannon, 1997). Cette proximité facilite la construction de codes communs et favorise l’émergence de relations de confiance relationnelle.

" Les relations inter-firmes comportent toujours une dimension non apparente, non évidente souvent peu ou non consciente et cependant essentielle quoique non " formelle " : humaine, culturelle jouée sur les mille petits riens qui établissent la relation de confiance, toujours partielle et provisoire, mais toujours nécessaire au-delà des accords formels, à la mise en pratique effective d'une coopération. " (Planque, 1991)

Parfois grâce à la proximité entre les partenaires qui nouent des relations inter- individuelles, se constitue avec le temps, une " atmosphère industrielle " dans laquelle baigne une communauté locale (Marshall, 1919) . Dans cette communauté, le comportement des individus est contraint au respect de certaines règles, certaines conventions. Emerge alors, en son sein " un système de valeurs et de pensée relativement homogène, expression d'une certaine éthique du travail et de l'activité, de la famille, de la réciprocité, du changement " (Beccatini, 1990).

Autrement dit, la proximité spatiale facilite l'inter-connaissance et " favorise la proximité organisationnelle (capacité qu'ont les agents de se coordonner en raison des règles de comportement formelles ou informelles, qu'ils acquièrent en raison de leur appartenance à une organisation, entendue au sens large.) " (Jovène et Clerc, 1997). Ces règles de comportement sont la base d’une confiance entre les acteurs.

Les auteurs qui adoptent une approche relationnelle des relations inter-firmes font de la confiance le mode de coordination caractéristique de ce type de transactions économiques ou en tout cas le mode dominant car un contrôle formel peut se révéler a priori, sinon inopérant, du moins insuffisant en raison de l’autonomie juridique qui caractérise les co- contractants. D’autres auteurs préfèrent considérer la confiance comme un mode de coordination agissant en complémentarité avec d’autres modes. On parle alors d’une approche intégratrice des différents modes de coordination.

2.3. Interprétation de la notion d’intensité de collaboration fondée sur l’approche relationnelle

Les échanges transactionnels ou discrets et les échanges relationnels (Macneil, 1980) ou les relations arm’s length et les relations embedded (Uzzi, 1997), apparaissent comme les extrémités d’un même continuum. Dans cette perspective, l’échange relationnel peut être

considéré comme une collaboration de forte intensité tandis que l’échange discret peut être considéré comme une collaboration de faible intensité. Ces approches des relations inter- firmes incitent à prendre en compte une dimension supplémentaire à la durée de la relation pour caractériser l’intensité de la collaboration : la confiance interpersonnelle. Ainsi, l’intensité de la collaboration augmente avec la durée de la relation et la fréquence des communications entre les parties qui renforce la confiance qui unit les parties.

Une représentation de la notion d’intensité de la collaboration entre entreprises fondée sur l’approche relationnelle peut être la suivante :

Figure 3.3. : L’approche relationnelle de l’intensité de la collaboration entre entreprises

Référents théoriques Intensité faible de collaboration Formes intermédiaires de collaboration Intensité forte de collaboration Granovetter ; Uzzi Macneil

Relation arm’s length

Echange transactionnel

Embedded relations

Echange relationnel

Si on adopte une approche de la confiance en tant que convention, alors le degré de confiance dépend du degré de connaissance réciproque et de concordance entre les motivations, les normes et les valeurs des partenaires.

Ce degré de connaissance réciproque dépend de facteurs exogènes à la relation -- nous disons alors qu’il existe une confiance structurelle entre les parties -- et/ou endogènes -- nous utilisons le terme de confiance relationnelle.

Ces approches mettent en avant des caractéristiques essentielles des relations durables entre acteurs économiques. Néanmoins, elles en offrent une représentation partielle car en se focalisant sur la confiance qui s’instaure entre les parties dans les échanges relationnels, elles font oublier l’existence de conflits au sein de ces relations comme si, avec le temps, s’effaçaient les déséquilibres dans les rapports de pouvoir et la volonté du plus puissant d’influencer le comportement du dominé pour qu’il agisse dans son intérêt. L’observation de ces relations montre qu’il n’en est rien et que le pouvoir est une dimension incontournable dans l’analyse des relations inter-entreprises.

Degré de confiance

Degré d’intensité de la collaboration

III - L’approche par le pouvoir de l’intensité de la collaboration entre firmes

Nous considérons le pouvoir et les jeux de pouvoir comme une dimension des relations inter-entreprises. Cette dimension est l’objet d’analyses empiriques en management stratégique (Provan, Beyer et Kruytbosch, 1980 ; Skinner, Donnely et Ivancevich, 1987 ; Provan et Gassenheimer ; 1994), ou en marketing (Etgar, 1976 ; Heide et John ; 1990 ; Frazier et Raymond, 1991, Buchanan, 1992, Lusch et Brown, 1996 ; Lepers, 2003). Dans ces écrits, le pouvoir apparaît comme une capacité d’influence (§3.1.) et sa force, son intensité sont déterminées par la combinaison de plusieurs facteurs (§3.2.). Pour clore cette section, nous proposons une modélisation des relations inter-entreprises en adoptant une approche par le pouvoir (§3.3.).