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Conclusion du Chapitre 3 :

CHAPITRE 4 Les Conditions minimales pour un

1.2. Les limites de notre analyse

La distinction habituelle entre efficacité et efficience dans l’évaluation des politiques

publiques est fondée mais peu opératoire. Quelle que soit la politique publique concernée, son impact à long terme est difficile à évaluer car les retombées économiques et sociales n’ont pas

des effets immédiats. En outre, ces politiques ont toujours des effets indirects qu’il est

pratiquement impossible de cerner (voir Perret, 2010). Par exemple, il est difficile de

déterminer l’impact d’un offset sur les entreprises domestiques situées en amont de

l’entreprise bénéficiaire de ce type de projets.

En outre, il est nécessaire de distinguer les effets de court terme, de ceux de long terme.

Quand un contrat d’offset montre une inefficience statique de répartition142 due à

l’augmentation du prix du contrat primaire, celle-ci peut être compensée à long échéance par la croissance de la productivité, le soutien à l’innovation, les avantages de l’intégration des

entreprises locales dans les chaînes de valeur mondiale. Les effets de l’offset ne peuvent pas être un facteur explicatif de la compétitivité en tant que tel de manière statique, mais c’est le

dynamisme des connaissances transmises par ces transactions et transformées en produits

nouveaux qui constitue un véritable aspect de l’efficience de ces pratiques à long terme.

Comme les offsets sont par essence destinés à soutenir les industries stratégiques, la notion

même d’industrie stratégique admet une dimension à long terme, résultant d’effets cumulatifs et de rendements d’échelle croissants (Cohen & Lorenzi, 2000, p. 81).

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Nous avons vu au chapitre 3 que les offset directs sont un moyen contractuel plus efficace que les contrats

ordinaires dans les situations d’imperfection d’information où le risque existe que l’entreprise obligataire triche sur la qualité de son produit ou n’exécute par les termes du contrat. Même dans le cas où l’offset augmente le

159 Par conséquent, l’évaluation de l’efficience d’une politique de d’offset (supposant une multitude de contrats avec de très probables interférences entre leurs effets) ne doit pas être

conduite sur un temps bref. La raison d’être d’une politique d’offset (et une des conditions de

son efficience) est de s’inscrire dans une perspective à moyen-long terme. Il faut évaluer ce type de politique en dynamique sur une période suffisamment longue pour pouvoir prendre en

compte des effets décalés, cumulatifs ou retardés, des mouvements d’entraînement ou de

blocage, des synergies ou des freins. En somme, il s’agit de mesurer des changements structurels et les possibles rendements croissants qui caractérisent tout processus de développement.

En somme, la possibilité pour l’économiste de mesurer l’efficience complète d’une politique

d’offset demeure limitée, car le chercheur est confronté à des problèmes d’information et d’analyse redoutables. D’abord, séparer les effets des offsets des conséquences d’autres

mesures de politique économique est difficile. En effet, les offsets dans les marchés publics servent généralement à compléter voire à soutenir les autres instruments de politique industrielle (subventions diverses, aides fiscales et sociales) mis en place par le pays hôte pour promouvoir ses secteurs phares.

Il ne faut pas non plus négliger les problèmes d’hétérogénéité et de complexité de l’offset.

Bien qu’il soit aisé de vérifier le degré d'exécution formelle d’un contrat de ce type, il est

presque impossible d’évaluer ces pratiques dans leur ensemble. Elles couvrent un large panel

d’activités et sont parfois très compliquées à cerner. Pour ces raisons il est difficile de trouver des instruments appropriés pour mesurer leurs impacts socio-économiques (Sköns, 2004; Wellmann, 2010). Selon ses formes et ses manifestations, les différents contrats d’offset peuvent avoir des objectifs socio-économiques variés dont les effets sont parfois opposés : certains visent à restreindre le commerce (en diminuant les importations) pour promouvoir

l’industrie locale alors que d’autres ont pour objectif de l’intensifier (en augmentent les exportations) (cf. chapitre 1). Ces contradictions nous obligent à mettre en place différentes méthodes et techniques d’évaluation. Il est donc impossible de mener une simple analyse coût-bénéfice de ces programmes. Chaque transaction doit être évaluée indépendamment, en fonction de ses objectifs, en faisant appel à des méthodes et techniques distinctes.

Le manque des données systématiques (indépendantes, exhaustives, officielles et légales) sur les achats publics d’envergure (et les projets d’offset qui leurs sont associés) reste toutefois une des plus importantes difficultés pour tout chercheur qui œuvre dans ce domaine. De ce

160 point de vue, aucune amélioration n’est envisageable tant que les entreprises impliquées dans ces opérations peuvent faire valoir le droit à la confidentialité pour refuser de dévoiler les informations nécessaires à notre travail. On craint fort qu’aussi long temps que ces données

demeureront inaccessibles, les intérêts variés des acteurs privés et publics resteront dans

l’ombre (Sköns, 2004).

Les obstacles mentionnés ci-dessus nous conduisent à choisir l’efficience comme un critère

ultime (ou idéal) dans une optique analytique. En revanche l’on se focalise sur celui de l’efficacité pour ce qui est de l’évaluation factuelle des politiques concernées. Ce critère n’est

certes pas dénué de défauts mais il présente tout de même moins de limites pour la mesure. Nous proposons ainsi une méthode à suivre pour évaluer dans quelle mesure une politique

d’offset peut être efficace ou à quelles conditions un projet d’offset garantit-il un surcroît

d’activité dans le pays ? Cette question est triviale si on raisonne en termes absolus puisque

l’offset consiste précisément en des engagements d’activités locales. Cette question prend

toutefois une autre ampleur si on la pose en termes relatifs : comment faire pour que l’offset garantisse la meilleure valeur possible des achats publics ? Autrement dit, comment un offset peut-il générer plus d’activité dans le pays qu’un contrat standard (c’est-dire sans offset).

Pour juger l’efficacité d’une politique d’offset, nous étudions les effets propres de l’ensemble des projets (des transactions) d’offset entrepris(es). Autrement dit, cela revient à comparer les impacts des projets à leurs objectifs. A cet effet, nous définissons au préalable un référentiel temporel et normatif. Le référentiel normatif est nécessaire, dans le sens où, il faut déterminer au regard de quels normes ou critères opératoires et politiquement légitimes doit-on mesurer

le succès d’un projet d’offset. Cette interrogation, à premier vue anodine, invite à porter un regard critique sur le message politique qui accompagne tout programme économique. Une analyse approfondie des objectifs, du moins « officiels », de la politique d’offset doit

permettre d’élucider et de préciser la volonté politique à l’origine du programme.

L’analyse de l’efficacité d’une politique d’offset nécessite donc de porter une attention

particulière au cadre dans lequel ont lieu les transactions d’offset et dans lequel les projets de contrepartie se réalisent. En effet, le degré de performance des projets ou des transactions

d’offset est un indicateur de l’efficacité globale de cette politique. Le succès d’une initiative

de ce genre se détermine donc en totalisant les retombées positives obtenues dans chaque projet d’offset.

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Nous analysons les projets d’offset à travers deux critères évaluatifs standard, notamment : efficacité et efficience. Les limites analytiques et les lacunes informationnelles inhérentes à

l’évaluation de l’efficience nous conduisent toutefois à centrer notre analyse sur l’efficacité pour ce qui est de l’évaluation factuelle des politiques étudiées. Bien que, le critère

d’efficience soit considéré comme l’objectif final dans une optique analytique.

Section 2 : L’offset, comme résultat d’un jeu de négociation