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Les dispositifs de l’OMC en matière d’ offset

Conclusion du chapitre 1

Encadré 4 : Les effets des offsets sur les entreprises obligataires et les pays sources

3.1. Les dispositifs de l’OMC en matière d’ offset

Dans les instances officielles responsables de l’encadrement juridique des politiques commerciales, il existe une aversion de longue date pour les pratiques qui relèvent du champ des opérations de countertrade et plus particulièrement les offsets. En 1985, le rapport sur les échanges compensés de l’OCDE les qualifie par exemple, de forme « condamnable » de commerce car ces pratiques seraient associées à « la recherche d’un bilatéralisme commercial

qui amplifierait les distorsions dont souffre actuellement le système commercial multilatéral » (OECD, 1985, p. 7). La quête de bilatéralisme aurait en effet des conséquences négatives sur la division internationale83 du travail et réduirait la capacité d’exportation des pays qui en ont le plus besoin (Martin, 1996, p. 18; OCDE, 1985, p. 26). Les offsets sont donc jugés

discriminatoires à l’égard des producteurs étrangers et synonymes de distorsion de

concurrence, d’entrave à la libre circulation des produits et d’inefficience à cause des mécanismes de subventions masquées accordées à des industries non compétitives (BIS, 2009a; Hadjiminas, 2004; B. M. Hoekman & Mavroidis, 1997; Markusen, 2004; Martin, 1996; Struys, 2004; Youssef & Ianakiev, 2009). Selon Czinkota & Talbot (1986), les opérations de countertrade (et les pratiques connexes) sont globalement antagoniques avec les clauses fondatrices de l’OMC : la transparence, la consultation, le multilatéralisme, l’équilibre dans les échanges. Elles iraient à l’encontre de la volonté de « réduire les distorsions commerciales ». On comprend donc la détermination des organes officiels à restreindre

l’utilisation de ces contrats (Czinkota & Talbot, 1986, p. 158).

Dans cette optique, il n’est pas étonnant que dès 1981, lors des premières négociations sur un accord-cadre des marchés publics à GATT, les offsets fassent l’objet d’un débat. À cette époque cependant, ils ne rencontrent pas une forte opposition. Les offsets sont perçus comme une solution temporaire et non pas comme un véritable instrument de politique commerciale

ou un moyen d’échange attractif. Les offsets sont jugés archaïques et on prévoit leur disparition avec le développement des marchés et la globalisation. On concède toutefois qu’ils

peuvent être un moyen de contrer les difficultés économiques auxquelles font face les pays de

l’ancien bloc soviétique et les pays soumis aux plans d’ajustements structurels. Par

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Par exemple, pour obtenir un contrat, les fournisseurs sont amenés à remplacer leurs fournisseurs actuels par des sous-traitants moins efficaces. Ceci biaiserait les échanges et impliquerait une perte globale de bien-être.

95 conséquent, le premier AMP de 1981 du GATT ne les interdit pas. Il recommande simplement aux pouvoirs adjudicateurs des pays membres de s’abstenir d’utiliser ces

techniques de commerce (OMC ,1981, p. 43) :

« les entités devraient normalement s'abstenir de toute adjudication qui serait subordonnée à la condition que le fournisseur assure des possibilités d'achats compensatoires, ou à d'autres

conditions analogues. […] L'adjudication ne devrait normalement pas être subordonnée à

l'octroi d'une licence pour une technologie; les cas dans lesquels une telle condition serait exigée devraient être aussi peu fréquents que possible, et les fournisseurs du ressort d'une Partie ne seront pas favorisés par rapport aux fournisseurs du ressort de toute autre Partie »

(souligné par l’auteur).

Les offsets sont donc jugés contraires au principe de non-discrimination des accords du GATT mais ils sont tolérés dans des conditions économiques exceptionnelles (grands déséquilibres

monétaires, transition des pays vers l’économie de marché). Ce n’est qu’avec l’Accord sur les

marchés publics de 199484 que les offsets dédiés au développement d’un pays ou à l’amélioration du compte de la balance des paiements sont explicitement et formellement prohibés (article V de l’AMP) :

« Dans la qualification et la sélection des fournisseurs, produits ou services, ou dans l'évaluation des soumissions et l'adjudication des marchés, les entités n'imposeront, ne demanderont et ni n'envisageront d’[offsets] »

Les dispositions de l’AMP comportent deux exceptions : celle d’un traitement différencié des pays en développement (article XVI §2) et celle liée à la Défense. Cette dernier exception concerne autant les pays développés que les pays en développement (article XXIII §1 et §2). La portée et le champ d’application relativement restreint de l’AMP, eu égard à ces deux exceptions, font que les offsets échappent de facto et de jure à toute réglementation internationale.

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L’AMP actuellement en vigueur date de 1994. Il a été révisé pour la dernière fois en avril 2014. Sa portée est

environ trois fois supérieure à celle de l’AMP de 1979 et s’étend dorénavant à 65% des marchés publics des administrations locales (Audet, 2003, p. 9; OMC, 2015).

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3.1.1. Les dispositions spéciales relatives aux offsets pour les pays en développement

Dans le cadre des dispositions spéciales pour les pays en développement, les offsets sont autorisées sur une période de temps prédéterminée. L’Article XVI §2 stipule : qu’« eu égard aux considérations de politique générale,[…] un pays en développement pourra, au moment de son accession, négocier des conditions pour l'utilisation des [offsets] ». L’article V de l’AMP autorise l’entité adjudicatrice à tenir compte de ces pratiques dans la procédure

d’attribution des marchés, dans les pays en développement, « considérant la nécessité où ils se trouvent :

a) de sauvegarder leur balance des paiements et de s’assurer un volume de réserves

suffisant pour la réalisation de programmes de développement économique ;

b) de promouvoir la création ou le développement de branches de production nationales,

y compris le développement de petites industries et d’industries artisanales dans les zones rurales ou retardées, ainsi que le développement économique d’autres secteurs de l’économie ;

c) d’apporter un soutien aux établissements industriels aussi longtemps qu’ils

dépendront entièrement ou substantiellement des marchés publics ;

d) d’encourager leur développement économique au moyen d’arrangements régionaux

ou mondiaux entre pays en développement, qui auront été présentés à la Conférence

ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce […] et qu’elle n’aura pas

désapprouvés » (OMC, 1994).

Toutefois, les pays concernés par l’accord sont tenus de définir explicitement leur politique de

compensation selon des « conditions […] objectives, clairement définies et non

discriminatoires » (idem). Ils doivent formuler ces dernières dans l’Appendice 1 de leur

accord sur les marchés publics, les notifier au comité de l’OMC85 et les indiquer dans l’avis

de marché.

Ce même article précise que ces prescriptions ne doivent pas être un « critère pour

d’adjudication du marché ». Elles « seront utilisées uniquement aux fins de la qualification

85

On fait référence ici aux comités que compte l’OMC : le comité du commerce et du développement, le sous-comité des pays les moins avancés et les sous-comités établis dans le cadre du programme de Doha. Ces sous-comités sont essentiellement chargés de répertorier, définir et examiner la mise en œuvre des dispositions en faveur

97 pour la participation au processus de passation des marchés ». L’entité adjudicatrice est donc

tenue d’examiner les offres des soumissionnaires en se fondant uniquement sur les éléments

techniques et les critères d’évaluation de leurs prix. Autrement dit, les propositions d’offset

sont tolérées en tant qu’élément de rattrapage économique mais elles ne doivent pas

influencer l’adjudication du marché. Par exemple, lorsqu’un soumissionnaire propose un projet d’offset qui dépasse largement le minimum requis par l’appel d’offre, cela ne peut pas

justifier le choix du soumissionnaire.

Pour garantir le respect des règles en vigueur, l’AMP s’est dotée d’un mécanisme coercitif

complexe. Trionfetti (2000, p. 142) le place « à la frontière de l’innovation juridique en

raison de son mécanisme particulier de mise en application » car l’accord prévoit des

mesures transitoires rapides (Challenge Procedure) pour remédier aux violations constatées et

préserver les possibilités commerciales (Article XX de l’AMP). L’aspect innovant réside dans le fait que les soumissionnaires étrangers ont un droit de recours auprès d’un tribunal national

du pays importateur, s’ils estiment qu’un marché a été traité de manière incompatible avec les prescriptions de l’AMP. Il n’est ainsi plus nécessaire de faire appel au Mémorandum sur le règlement des différends de l’OMC, mécanisme qui s’avère trop lent pour être efficace dans des conditions réelles d’achats publics (Hoekman & Kostecki, 2009, p. 520). Les effets de ce mécanisme peuvent se traduire par une suspension du processus de passation de marché, la mise en place de mesures correctives ou une compensation pour la perte ou les dommages

subis (même s’il ne s’agit que des coûts liés à la préparation de la soumission ou des coûts

afférents au recours). À notre connaissance, aucun différend concernant les marchés publics

n’évoque les offsets.

La position de l’OMC concernant ce type des pratiques est sceptique. En effet, les membres de l’OMC (et plus précisément ceux qui participent activement à la formulation de l’AMP) s’efforcent de limiter et d’encadrer le recours aux pratiques d’offset, sans chercher à les

éliminer systématiquement. Les pays membres de l’OMC les considèrent comme une

technique possible pour réduire les écarts entre les pays développés et les PED. À cet égard, les offsets jouissent dans les négociations commerciales d’une légitimée analogue à celles des

autres arguments protectionnistes. L’accord prévoit, par exemple, que les autres pays membres de l’AMP s’engagent à prendre « dûment en considération toute demande de coopération technique et de renforcement des capacités présentée par un pays en

développement en rapport avec son accession au présent accord ou la mise en œuvre de cet

98 Toutefois, ces pratiques doivent demeurer à la marge des pratiques canoniques dans les marchés publics car elles ne doivent en aucun cas affecter le processus d’adjudication. Ainsi, l’AMP, comme tous les autres accords de l’OMC, exempte les pays en développement du

principe de réciprocité dans la procédure de passation des marchés avec les pays développés. Il les autorise à utiliser les pratiques discriminatoires d’offset dans la passation de marchés publics pour promouvoir la réalisation de projets sociaux, économiques ou environnementaux.

Néanmoins, ces outils doivent rester limités et exceptionnels dans l’adjudication de marché public.

3.1.2. Dans le respect des dispositions liées à la sécurité et à la Défense nationale, tous