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Conclusion du chapitre 1

Section 1 : Le poids de l’ offset dans le PIB mondial

1.2. Le countertrade dans le commerce mondial

Le premier moyen pour estimer la part des offsets dans les échanges mondiaux consiste à dénombrer les opérations de countertrade. Les offsets appartiennent à cet ensemble comme

nous l’avons vu au chapitre 1. Ils partagent une caractéristique commune : la réciprocité dans les échanges, caractéristique qui est absente des contrats commerciaux ordinaires.

L’intérêt pour les pratiques qui relèvent du champ des opérations de countertrade naît dès les années 1980 (Cho, 1995; Martin, 1996; Mirus & Yeung, 1987, 2001). Face aux problèmes posés par l’ampleur de la crise de la dette, à la montée du protectionnisme et à la baisse de confiance dans le système commercial mondial, nombre de pays recourent à ces pratiques non conventionnelles afin de résoudre des difficultés liées à l’accès aux devises. Parallèlement à

ces évolutions, divers travaux académiques ont été consacrés à ces pratiques, afin d’expliciter, d’une part, les raisons qui pourraient expliquer la multiplication de ces formes d’échanges dans le commerce international et de comprendre, d’autre part, son évaluation empirique

(Amann & Marin, 1994; Caves & Marin, 1992; Chong Ju Choi, Lee, & Kim, 1999; Fletcher, 1998; Martin, 1996; Mirus & Yeung, 1987).

Les premières données officielles avancées par les organismes responsables de la normalisation et de la veille du commerce international concernent toutes les formes de countertrade. L’objectif est de rendre compte de l’importance du phénomène de

compensation dans sa globalité. Ainsi, le rapport de 1985 de l’OCDE estime que la part des opérations de countertrade représente approximativement quatre-vingt milliards de dollars, soit environ 5 % des exportations mondiales (OCDE, 1985b, p. 11). Pour parvenir à ce

résultat, l’OCDE procède en quatre temps (OCDE, 1985b, p. 12) :

i) Il détermine d’abord la proportion des opérations de countertrade par catégorie de pays. Sur la base des statistiques de 1983 du commerce mondial publiées par le GATT, les proportions étaient les suivantes :

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industrialisés

Pays de l’Est Pays pétroliers PED (non exportateurs de pétrole) Pays industrialisés 2% (≈ 4,3 mds $) 15% (≈15,6 mds $) 2% (≈4,3 mds $) 5% (≈16,6 mds $) Pays de l’Est 15% (≈15,6 mds $) n/a (Clearing bilatéraux) 30% (≈14,2 mds $) Pays pétroliers 2% (≈4,3 mds $) 30% (≈14,2 mds $) 10% (≈12,5 mds $)

PED (non exportateurs de pétrole)

5% (≈16,6 mds $)

10% (≈12,5 mds $)

En compilant ces différentes estimations, l’OCDE arrive à la conclusion qu’environ 5% des

exportations mondiales peuvent être imputées aux opérations de countertrade (soit quatre-vingt milliards de dollars) en 198352. Ces chiffres ne prennent pas en considération, d’un côté,

le commerce mutuel des pays de l’Est car il s’effectue dans le cadre de clearing bilatéraux, de

l’autre, les courants commerciaux entre pays appartenant à d’autres zones géographiques (qui s’effectuent également sous forme de clearing) (OCDE, 1985b, p. 12).

L’estimation de l’OCDE reste à ce jour la plus citée dans la littérature spécialisée. Toutefois, d’autres chiffres, plus élevés, ont été avancés. Selon le GATT, la part de ces pratiques dans le commerce international pourrait avoisiner les 8 %, au milieu des années 1980 (Gupta, 1995, p. 121; Martin, 1996, p. 17). Le ministère du Commerce et de l'Industrie britannique, quant à

lui, estimait, en 1989, qu’elles concernaient 10 à 15 % des échanges mondiaux (OCDE, 1985b, p. 11). Le rapport de 1986 de la CNUCED et celui de 1988 de l’institut de l’économie

allemande optent pour une hypothèse plus haute, entre 15 et 20% du commerce mondial (Martin, 1996, p. 17; Saekel, 2004, p. 37). Alors que, d’après les estimations de Liesch (2001) et Wesser (1992) la part des opérations de countertrade pourrait avoisiner 25% du commerce mondial (voir Saekel, 2004, p. 37). L’Asia Pacific Countertrade Association (2002) va

jusqu’à affirmer qu’il s’agit d’un pourcentage allant de 20% à 30% (idem).

Les données sur les opérations de countertrade sont donc anciennes et fournissent une estimation approximative de la part de ces pratiques dans le commerce mondial exprimé en pourcentages. Nous pouvons constater que ces évaluations sont très variables d’un organisme

à un autre et sont donc peu fiables. Elles se situent entre 5 et 30 pour cent des échanges internationaux de marchandises. Il est ainsi impossible de confirmer comme de réfuter, travail

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Certains pays en développement sont beaucoup plus engagés que d’autres dans les transactions de type

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scientifique à l’appui, les évaluations accessibles sur la part des opérations de countertrade dans le commerce mondial. Premièrement, elles sont généralement fondées sur des tendances relatives observées dans les échanges et non pas sur des grandeurs financières exactes (Fletcher, 1998). L’exemple de l’OCDE montre que les montants de countertade potentiels sont calculés en partie à partir des estimations que la presse a diffusées. Deuxièmement, les montants évalués dans les années 1980 semblent peu pertinents pour estimer la part de ces

accords aujourd’hui. À l’époque les pays de l’ex-COMECON recourent régulièrement à cette forme de commerce pour protéger leur balance commerciale et leurs activités industrielles. Par défaut de devises ou de crédits : « le commerce intrarégional par compensation » totalise « entre 60% et 90% des échanges entre les pays membres » (Roux, 2001, p. 127). Or, avec la

dissolution de l’URSS et la conversion des économies planifiées en économies de marché, ce

type d’échange perd en importance53.

Quelques études empiriques ont également tenté de quantifier la part des offsets dans les countertrade. Par exemple, Fletcher (1998) a mené une étude exhaustive composée de 2580 cas sur les countertrade signalés entre 1987 et 1996 à l’échelle mondiale. Il a déterminé que la part des offset représente environ 12,2 pour cent du nombre total de transactions de countertrade (Fletcher, 1998, p. 515). En l’absence d’estimations financières fiables sur la valeur monétaire des transactions, l’auteur se fonde uniquement sur le nombre de transactions

effectuées durant cette période. Il convient également de préciser que l’auteur de l’étude opte

pour une définition étroite des offsets. Ils désignent ici uniquement les contreparties offertes

dans le cadre des marchés publics d’armement (tels que les transferts de technologies, les

investissements, les activités de recherche et développement, etc.). L’étude de Fletcher démontre une augmentation constante de la part de ces accords dans le countertrade, elle passe de 7,2% sur la période 1987-1990 à 25,8% entre 1993 et 1996 (voir Tableau 1). À

l’inverse, l’incidence des accords de contre-achat semble diminuer, ce qui s’explique par l’intégration progressive des économies à planification centralisée dans le commerce mondial.

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Néanmoins, comme l’indique Roux (2001, p. 127), ces transformations sont lentes, car en 2001, « environ 10% à 15% du commerce mondial se réalise [encore] par compensation ».

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Tableau 1: Le countertradepar type d’accord, 1987-1996

1987-1990 1990-1993 1993-1996 1987-1996 (n=963) (n=1114) (n=503) (n=2580) Type d’accord Contre-achat 63,3 % 55,6% 42,3% 55,9% Achat en Retour 21,4 % 28,0% 14,5% 22,9% Offsets 7,2 % 10,4% 25,8% 12,2% Dette54 6,9 % 4,1% 9,6% 6,2% Troc 0,4% 1,9% 7,8% 2,5% Autres 0,8% _ _ 0,3% Total 100 % 100 % 100 % 100 % Source : (Fletcher, 1998, p. 519) Les études quantitatives réalisées sur les opérations de countertade sont insuffisantes. Elles ne représentent pas un outil pertinent pour une estimation d’offset en raison des marges d’erreur

importantes liées à leur ancienneté et leur manque de fiabilité. Les écarts entre les estimations peuvent être dus aux problèmes de définitions mentionnés plus haut.