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Limiter le débit d’eau provenant des formations géologiques sus-jacentes, traversées par les ouvrages d’accès

3.7 Analyse des fonctions de sûreté en phase de post-fermeture

3.7.3 S’opposer à la circulation d’eau

3.7.3.1 Limiter le débit d’eau provenant des formations géologiques sus-jacentes, traversées par les ouvrages d’accès

Cette fonction contrôle le débit d’eau dans le stockage en limitant la progression de l’eau par les cheminements privilégiés que constituent les voies d’accès remblayées du stockage. Celles-ci mettent en effet en relation les formations sus-jacentes, plus ou moins aquifères, avec le stockage lui-même.

L’objectif est ici double : avant resaturation, cette fonction permet de retarder l’arrivée d’eau sur les colis de déchets, et de s’assurer par ailleurs que la saturation des ouvrages est contrôlée majoritairement par le débit d’eau provenant de la formation hôte, dont la chimie est mieux maîtrisée.

Après resaturation, elle contribue à la limitation des circulations d’eau au sein du stockage.

En premier lieu, le regroupement des puits d’accès est une option retenue à ce stade du projet.

L’implantation des puits groupés, et excentrés par rapport aux zones de stockage annule pratiquement la différence de charges entre eux au sein des formations plus aquifères traversées, et la composante associée dans les ouvrages liés au gradient horizontal dans les aquifères. Seul intervient le gradient vertical, ascendant ou descendant, dans l’argilite.

z Limitation de la zone endommagée

Une fois cette disposition générique posée, il convient d’étudier plus avant les différentes voies de passage possibles pour l’eau, au sein des ouvrages. En plus des voies d’accès à proprement parler (remblais et revêtement laissé en place), la zone d’argilites endommagées par le creusement, qui borde les ouvrages, constitue elle aussi une voie privilégiée potentielle.

On distingue au sein de celle-ci trois zones : la zone fracturée, la zone microfissurée, la zone influencée [7].

La zone fracturée, au plus près des ouvrages, apparaît si le seuil de rupture des argilites, qui correspond à la résistance maximale de la roche, est dépassé ; elle se caractérise par l’apparition de fractures plus ou moins connectées et pouvant induire une augmentation de la perméabilité de la roche.

La zone microfissurée apparaît soit derrière la zone fracturée, soit directement au contact des ouvrages si la zone fracturée n’existe pas. La décharge mécanique liée au creusement des ouvrages a pour effet des déformations qui se traduisent sous la forme d’une microfissuration diffuse peu connectée. Cette faible connectivité limite l’augmentation de la perméabilité.

La zone influencée, qui s’étend au-delà de la zone microfissurée, n’est le siège que de modifications limitées du champ de contraintes, sans incidence sur les propriétés de la roche (notamment hydrauliques). Elle ne se distingue pas, en pratique, de la roche saine.

On utilisera le terme de « zone endommagée » ou le sigle anglais « EDZ » pour désigner l’ensemble constitué par les zones fracturée et microfissurée (voir Figure 3.7-2).

Figure 3.7-2 Représentation de la zone endommagée (EDZ)

La zone fracturée peut constituer une zone de circulation privilégiée de l’eau, au même titre que les remblais. C’est moins probable pour ce qui concerne la zone microfissurée, du fait de la faible connectivité de l’endommagement.

Deux types de dispositions de conception sont mis en œuvre pour assurer la limitation du flux d’eau dans les galeries. Les premières visent à limiter la formation de la zone endommagée, et en particulier fracturée, ou à empêcher son extension après le creusement, à court et long terme. Les autres visent à intercepter les voies d’accès.

Les techniques de creusement à employer pour réaliser le stockage ne sont pas figées à ce stade du projet ; il existe une variété de techniques minières, déjà éprouvées dans d’autres contextes, qui permettent de limiter l’endommagement. À titre d’illustration, on peut mentionner que, pour la réalisation de puits de grand diamètre, la méthode traditionnelle consiste à foncer le puits à partir de la surface en abattant la roche à l’explosif ou à la machine à attaque ponctuelle, et à mettre en place au fur et à mesure du fonçage le soutènement et le revêtement du puits. Cette méthode est bien adaptée aux diamètres envisagés pour les puits, mais peut être combinée à d’autres le cas échéant.

Pour les galeries, la technique de la machine à attaque ponctuelle (voir Figure 3.7-3) ou le creusement à l’explosif en pleine section, peuvent s’avérer des méthodes adaptées selon les cas.

Figure 3.7-3 Exemple de machine à attaque ponctuelle de grande puissance

L’orientation de la plupart des ouvrages (galeries d’accès accueillant les scellements, alvéoles) dans la direction de la contrainte mécanique principale majeure est également une disposition permettant de réduire l’extension de la zone endommagée. La mise en place du soutènement, puis du revêtement, en paroi d’alvéole permet de contraindre les déformations différées de la roche, lors de la phase d’exploitation et très au-delà, jusqu’à ce que le béton perde progressivement sa résistance mécanique.

Elle doit cependant s’effectuer en évitant de créer un endommagement supplémentaire, particulièrement à hauteur des futurs scellements (voir plus loin).

Dans le puits, le soutènement en béton est mis en place par boulonnage. Pour minimiser l’endommagement de la roche dans les zones de scellements, on pourra adapter la méthode de creusement. De même, plutôt que des boulons, on pourra utiliser du béton projeté et/ou des cintres.

Dans les galeries, on cherche une rigidité maximum du revêtement pour minimiser l’extension de la zone endommagée, et on ne prévoit pas non plus de mettre en place de boulons, à proximité des scellements.

L’endommagement peut être a priori accentué par les conditions régnant en exploitation : oxydation de la roche, désaturation renforcée en paroi sous l’effet de la ventilation des ouvrages, etc. Ces phénomènes ont une influence réduite et ne modifient ni la nature, ni l’ordre de grandeur de la zone fracturée. Dans le cadre de la réversibilité, il apparaît prudent de ne pas contraindre dès à présent la durée pendant laquelle des galeries pourraient être laissées ouvertes, de manière à laisser aux générations futures la plus grande latitude pour organiser la gestion du stockage. La stratégie est donc, compte tenu de l’impact faible de l’oxydation de la roche, d’évaluer l’influence de l’oxydation sur la roche sans prendre a priori de disposition de conception pour y parer, autre que des mesures de protection classiques (parement pour que la roche ne soit pas à nu).

Lors de l’exploitation, peu après fermeture, la zone endommagée pourrait évoluer du fait du fluage de la roche. La RFS.III.2.f. recommande d’étudier ses propriétés mécaniques, qui sont un « critère important ». Les argilites présentent un fluage très lent, qui est favorable [17]. Le rôle de soutien mécanique assuré d’abord par le revêtement, puis par les remblais et les scellements à très long terme permet de limiter l’endommagement différé des argilites. Le remblai peut être constitué de béton ou d’argilites du site recompactées et mélangées le cas échéant à de l’argile gonflante ce qui lui permet en se resaturant de reprendre la charge due au fluage différé de la roche, après dégradation du revêtement.

Au niveau des alvéoles, le rôle de protection de la roche est tenu par la minimisation des vides. Le taux de vide résiduel autour des colis de stockage ne dépasse pas 5 % du volume total (voir Figure 3.7-4). Il est compatible avec la manutention des colis dans l’alvéole et avec leur récupérabilité. À long terme, quand les colis de stockage n’assurent plus un rôle de soutien mécanique, les vides à prendre en compte sont à la fois ceux dus aux jeux de mise en place, mais également ceux internes aux colis primaires, ainsi que la porosité des matériaux.

Figure 3.7-4 Taux de vide résiduel dans les alvéoles (principe des alvéoles de déchets B – à gauche et des alvéoles de déchets C – à droite)

Il convient également d’éviter que la zone fracturée, une fois formée, ne se dégrade à long terme par d’autres actions que celles strictement dues au mouvement de la roche : interactions chimiques, interactions mécaniques dues aux gaz, etc. Une contrainte prise est compte est liée aux possibles déformations d’origine thermomécanique à proximité des alvéoles de déchets C ou de combustibles usés. C’est une des raisons conduisant à limiter la chaleur issue des déchets et à en maîtriser les flux (voir paragraphe 3.7.6).

z Maîtrise hydraulique des voies d’accès

Afin de limiter les circulations d’eau, il est nécessaire de reconstituer une faible perméabilité au sein des voies d’accès. Cette fonction est attribuée à des dispositifs particuliers, les scellements, et non au remblai comme cela aurait également pu être imaginé a priori.

En effet, les remblais employés au sein du puits et des galeries pourraient limiter le débit d’eau par leur perméabilité propre. À ce stade du projet, il ne leur est cependant pas attribué de fonction particulière sur ce point. Une perméabilité de l’ordre de 10-8 m/s est atteignable mais n’est pas un paramètre dimensionnant pour le projet. En effet, les revêtements laissés en place dans le puits et les galeries constituent, en limite du remblai, des zones qui en se dégradant pourront être d’une perméabilité significativement supérieure et court-circuiter le remblai quelle que soit sa perméabilité.

La fonction repose donc sur les différents scellements mis en place dans les ouvrages : scellements de puits et de galerie, scellements d’alvéoles B et à titre complémentaire bouchons d’alvéoles C et de combustibles usés (dont on verra plus loin que leur fonction première est autre). Ces ouvrages sont constitués par un corps très peu perméable, en argile gonflante (de la bentonite, argile gonflante

« MX80 »). Une fois que celui-ci a été resaturé, il permet : - d’intercepter les voies d’accès elles-mêmes ;

- d’assurer un contact très peu perméable avec la paroi de la roche, en exerçant une pression sur elle au fur et à mesure qu’il gonfle.

Une telle pression est suffisante pour comprimer la zone fracturée si elle demeure d’une extension modérée et restaurer des propriétés hydrauliques performantes.La disposition de scellements redondants au sein des différentes voies d’accès (puits, galeries, modules) permet un fractionnement du stockage en modules pour assurer un bon degré d’indépendance hydraulique. Cette disposition permet de se prémunir, de manière très générique, contre la propagation d’un incident affectant une petite partie du stockage à l’ensemble de l’installation. Un exemple emblématique de ce type d’incident est le forage traversant un module de stockage : on s’attend à ce que son influence reste limitée à un nombre restreint de modules. On pourra donc tester l’efficacité de cette disposition de protection dans le cadre du scénario d’évolution altérée « forage » (voir chapitre 7).

Les scellements de puits sont établis dans la partie supérieure de la formation d’accueil, plus carbonatée. Cette tranche correspond à un horizon géotechnique (horizon A) dont les caractéristiques mécaniques sont plus favorables. Les connaissances acquises conduisent à prévoir que le creusement des puits ne crée pas de zone fracturée dans cet horizon d’argilites. Il est prévu, pour la réalisation des scellements de puits, de déposer le revêtement sur des tronçons de hauteur plurimétrique, de façon à mettre l’argile gonflante en contact direct de l’argilite.

Les scellements de galeries seront situés au niveau principal du stockage, dans l’horizon géotechnique C, horizon médian plus argileux, aux caractéristiques différentes de celles de l’horizon A et à une profondeur, au niveau du site du laboratoire, de 500 mètres (voir Figure 3.7-5).

Figure 3.7-5 Schéma de principe des scellements de galerie

Les voies d’accès (les galeries en particulier) ont un diamètre tel que la zone fracturée qui peut s’y développer, proportionnelle à leur rayon, peut devenir importante vis-à-vis du seul corps de scellement. Il peut alors être nécessaire de l’intercepter par une coupure hydraulique, solidaire du corps.

Les dispositions de mise en place des scellements de galeries et d’alvéoles B consistent à créer une saignée dans la roche et à y insérer la coupure hydraulique en bentonite qui, en se saturant, exercera une pression suffisante sur le milieu géologique pour créer une discontinuité dans la zone fracturée et résorber localement cette dernière [41]. Des essais méthodologiques réalisés au Mont-Terri ont montré la faisabilité technologique de la mise en place d’une telle coupure [42]. Comptée à partir de la paroi d’excavation, sa profondeur peut atteindre celle de la zone microfissurée. L'Andra a cherché à minimiser la section des ouvrages à sceller, en particulier afin de limiter l’extension de la zone fracturée.

Les scellements sont adossés à un massif d’appui ou à un remblai en béton qui contribue à les mettre en pression au fur et à mesure qu’ils gonflent sous l’effet de la resaturation. Autour des scellements dans les galeries, un ajout de quartz dans les remblais permet de leur assurer un meilleur coefficient de frottement, toujours dans l’objectif de favoriser un gonflement des scellements dans la direction radiale.

Les performances des scellements en bentonite peuvent être sensibles à la perturbation apportée par l’eau ayant percolé dans le béton (perturbation alcaline) ou s’étant chargée en fer (interaction fer-argile). Ces interactions sont évaluées et peuvent conduire à des dispositions de protection spécifiques pour les scellements : dépose du soutènement à proximité, surdimensionnement de la longueur du corps pour disposer d’une masse « perdue » de bentonite faisant tampon, emploi d’un béton « bas pH » à proximité si le besoin s’en faisait sentir.

L’ensemble des dispositions prises à ce stade du projet pour remplir la sous-fonction « limiter le débit d’eau en provenance des formations géologiques sus-jacentes » se résume en définitive aux éléments suivants :

- regroupement des puits d’accès ;

- maîtrise des techniques de creusement et de soutènement ;

- orientation des ouvrages, autant que possible, dans le sens de la contrainte majeure (en particulier ceux dans lesquels sont mis en place des scellements et des bouchons) ;

- mise en place de scellements peu perméables ;

- rôle de soutien mécanique du remblai et des scellements ;

- minimisation des vides au sein des alvéoles et dans les colis de stockage (hors des colis primaires) ;

- ancrage des scellements dans la zone fracturée, voire au-delà, autant que nécessaire ; - dimensionnement des scellements prenant en compte les perturbations alcaline ou ferreuse.

On notera que ces dispositions sont en grandes parties identiques à celles qui permettront d’assurer la fonction « limiter la vitesse de l’eau entre le stockage et les formations sus ou sous-jacentes ». Les mêmes dispositions servent les deux objectifs : limitation des arrivées d’eau et des possibilités de sortie de l’eau hors du système de stockage.

On constate qu’un large ensemble de dispositions complémentaires (visant à maîtriser l’EDZ ou à réduire la perméabilité d’ensemble des voies d’accès) contribue à la fonction. Une certaine redondance est assurée par la présence de dispositifs de scellements en série (dans les puits et dans la galerie).

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