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1.2.1 Les fondements de la démarche de sûreté

L’étude de faisabilité s’attache à évaluer les conditions dans lesquelles un stockage pourrait être construit, exploité, observé, fermé, tout en accueillant l’ensemble de l’inventaire des déchets radioactifs HAVL aujourd’hui existants ou prévus d’être produits dans un avenir à court et moyen terme, et sans qu’à aucun moment la sécurité des travailleurs, du public et la protection de l’environnement ne soient compromises. La Règle Fondamentale de Sûreté III.2.f [2] formule cet objectif de protection de la manière suivante : « la protection des personnes et de l’environnement à court et long terme constitue l’objectif fondamental assigné à un centre de stockage de déchets en formation géologique profonde ».

Une autre exigence est exprimée par la RFS III.2.f. en ces termes : la sûreté à long terme du stockage ne doit pas « dépendre d’un contrôle institutionnel sur lequel on ne peut pas se reposer de façon certaine au-delà d’une période limitée ». Au-delà d’une phase de surveillance du site, celui-ci doit pouvoir évoluer en restant sûr, sans qu’une intervention humaine soit nécessaire et sans que l’on soit contraint de maintenir la mémoire du stockage et une surveillance. Cela n’interdit à l’évidence pas de maintenir une telle mémoire et une telle surveillance tant que cela apparaît possible.

La notion de faisabilité renvoie donc à l’acquisition d’une conviction étayée, au regard d’un site spécifique que :

- il existe des technologies permettant de mener à bien l’ensemble des phases de vie du stockage ; - la mise en œuvre de ces technologies reste accessible (et donc en particulier qu’elle n’impose pas

un coût ou des besoins de développement rédhibitoires) ;

- ces technologies permettent de réaliser, puis de maintenir ouvert ou de fermer et laisser évoluer le stockage dans des conditions sûres ;

- l’évaluation de la sûreté des concepts de stockage, à court et à long terme, peut être conduite avec une confiance suffisante.

La faisabilité fait donc appel à la notion de confiance dans l’évaluation, sur des échelles de temps longues (jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’années). La notion de « confiance » a été particulièrement développée dans le cadre des réflexions conduites par l’Agence pour l’énergie nucléaire [3, 4] de l’Organisation pour la coopération et le développement économique. Le fondement de cette confiance repose sur la qualité de l’argumentation technique, sous tous ces aspects : confiance dans le concept de stockage, dans les données, les modèles, les analyses, mais également dans l’approche elle-même qui organise l’ensemble de ces données techniques en un ensemble cohérent, le

« safety case » (traduisible par « dossier de sûreté »).

La confiance ne naît pas uniquement des seules analyses présentées par l’organisme en charge du développement du stockage, indépendamment du contexte dans lequel elles ont été produites. L’appel à des normes prédéfinies, à des objectifs de sûreté clairs et à des méthodologies partagées, et jusqu’à un certain point harmonisées au niveau international, contribue à rendre plus solide le dossier. Au-delà de ce seul point, une grande importance doit également être accordée à la crédibilité des analyses présentées ; cela dépasse le champ du débat technique, et renvoie aux modalités d’établissement du dossier. L’organisation mise en place, les procédures permettant de s’assurer que les données ont été acquises et traitées dans des conditions garantissant un traitement transparent et fiable des données, font partie intégrante du « safety case ». Pour illustrer ces points, les principes généraux qui ont guidé l’approche sont évoqués au paragraphe 1.3 ; les critères d’acceptabilité (objectifs vis-à-vis de l’impact du stockage) que se fixe l’Andra, et les références aux textes internationaux et nationaux qui les fondent, sont évoqués au paragraphe 1.4. L’organisation mise en place pour la structuration et la maîtrise de la production du dossier est évoquée au paragraphe 1.5.

1.2.2 Le processus itératif de développement du stockage et la place des incertitudes La connaissance des phénomènes qui régissent l’évolution des colis de déchets, des ouvrages de stockage, du milieu géologique et de son environnement, ainsi que la maîtrise1 de ces évolutions par des dispositions de conception adaptées, et ce, pour toutes les phases de vie du stockage, permettent d’asseoir sur des bases scientifiques fortes un jugement sur la faisabilité, ou non, du stockage, au regard des objectifs, notamment de sûreté, qui lui sont assignés.

L’acquisition des connaissances est un processus progressif qui s’étend au-delà de la phase de faisabilité. Porter un jugement sur la faisabilité du stockage induit d’avoir préalablement acquis un corpus de connaissances scientifiques important et d’avoir développé des architectures jusqu’à un niveau de détail suffisant. Pour autant, ni l’acquisition de connaissances, ni la démarche de conception ne s’arrêtent à la phase de faisabilité. L’intégration progressive du retour d’expérience des études, puis le cas échéant des phases de creusement, d’exploitation et de surveillance permettra, au fur et à mesure de la vie d’un éventuel stockage, d’en connaître de plus en plus finement les caractéristiques physiques et le comportement afin d’optimiser au fil du temps les dispositifs mis en œuvre.

À tous les stades du programme d’acquisition de connaissances, les limites de ce programme induisent des incertitudes tant qualitatives (maîtrise incomplète du déroulement d’un phénomène physique) que quantitatives (évaluation incertaine des caractéristiques quantifiées dudit phénomène). La phase de faisabilité ne fait bien évidemment pas exception. Ces incertitudes pourraient, dans les cas les plus défavorables, conduire à une évolution du stockage différente de celle qui était envisagée par le concepteur (non maîtrise de l’évolution du stockage dans le temps). Il convient de ne statuer sur la faisabilité d’un stockage de déchets radioactifs qu’après avoir acquis la pleine conscience des incertitudes résiduelles, et après s’être donné, le plus en amont possible, les moyens de prévenir une évolution non désirée du stockage ou d’en réduire les conséquences à un niveau acceptable. En ce sens, il n’est pas possible de définir ex nihilo un corpus de connaissances qu’il serait nécessaire et suffisant de maîtriser pour statuer sur la faisabilité du stockage. C’est au vu de l’exposé des données acquises et de la maîtrise des incertitudes résiduelles qu’il est possible de formuler une appréciation fondée à ce sujet.

Cette tâche est rendue plus délicate pour la phase de post-surveillance du stockage, de par la longue durée mise en jeu. L’évaluation est conduite sur un million d’années. Toutes les dispositions doivent être prises pour se placer dans les conditions qui permettent une telle évaluation (choix d’un milieu géologique très stable, mise en oeuvre de matériaux au comportement prévisible). Cependant, la capacité d’observation sur des périodes longues est limitée à l’utilisation d’analogues naturels ou archéologiques. Les incertitudes liées à la longue durée constituent ainsi une spécificité du dossier.

C’est la raison pour laquelle une section particulière est consacrée à leur analyse et leur traitement.

La faisabilité nécessite d’une part la vérification par le concepteur d’une bonne connaissance du comportement de l’ensemble des constituants du stockage (inventaire, milieu géologique, éléments ouvragés…), d’autre part une identification aussi large que possible des incertitudes résiduelles et un bon degré de maîtrise de leurs effets potentiels.

Une des manières d’assurer cette maîtrise des incertitudes est d’intégrer la sûreté dès les phases situées le plus en amont de la conception, de manière à orienter les choix vers les solutions qui offrent le plus de robustesse, c'est-à-dire qui sont les moins sensibles à l’influence de facteurs extérieurs ou aux manques de connaissances. Une intégration amont de la sûreté dans la conception permet également de prendre en compte les autres contraintes d’un projet (coût, constructibilité…) sans que celles-ci entrent en conflit avec la sûreté globale du stockage.

Le travail de recherche et de conception est donc, par nature, un travail interactif entre les ingénieurs en charge de l’ingénierie, des programmes de recherche et ceux en charge des évaluations de sûreté.

L’organisation mise en place au sein de l’Andra, et notamment les instances de coordination entre

1 On entend ici par « maîtrise » le fait de se placer, autant que possible, dans des conditions qui permettent une évolution des composants du stockage qui ne puisse être défavorable à la sûreté. Cela passe à la fois par le dimensionnement adéquat des composants ouvragés, et par la préservation des caractéristiques favorables du milieu naturel (voir chapitre 3).

unités différentes collaborant au projet, est garante de cette interaction constante. Les architectures de stockage proposées dans le cadre du dossier 2005 sont le résultat de ces échanges, et prennent notamment en compte les enseignements des évaluations de sûreté antérieures (dossier 2001 [5] en particulier). Le programme de recherche 2002-2005 s’appuyait également sur ces mêmes résultats. Si le travail de recherche et de conception du stockage profond devait se prolonger au-delà de 2005, les questions techniques mises en évidence dans le présent dossier constitueraient des guides pour le travail à accomplir.

1.2.3 Objectifs du dossier

L’objectif du présent tome est d’exposer le résultat des études sur la faisabilité du stockage en les plaçant dans la perspective de l’évaluation de sûreté. Il aborde la question par trois aspects qui sont traités successivement dans les pages qui suivent :

- mettre en évidence comment la sûreté a été prise en compte le plus en amont dans les choix de conception, afin d’aboutir à des solutions techniques concrètes, et définir des architectures intrinsèquement robustes et adaptées au contexte géologique ;

- évaluer la faisabilité du stockage, du point de vue de la sûreté, en définissant quels sont les critères qui permettent de statuer sur le niveau de sûreté du stockage à toutes les phases de temps, et vérifier que les solutions techniques proposées répondent à ces critères ;

- assurer que les incertitudes dans la connaissance et la conception du stockage sont identifiées et suffisamment maîtrisées pour ne pas remettre en cause l’évaluation.

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