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Chapitre V. Discussion, conclusion et perspectives

2. Discussion

2.2. Compréhension des mécanismes de déformation du 15-15Ti AIM1

2.2.2. Limite de la transposition des résultats

Aspects macroscopiques

De la même manière que dans le paragraphe précédent, nous allons voir maintenant la limite de la transposition des résultats à l’échelle macroscopique en utilisant les courbes de traction. Nous nous intéressons dans ce cas à la température de 200°C.

Chapitre V : Discussion, conclusion et perspectives

139 La Figure V. 3 présente la comparaison des courbes de contrainte-déformation rationnelles à 200°C des états hypertrempé et écroui issues des essais de traction du Chapitre III. Si l’on translate horizontalement pareillement à la Figure V. 2 la courbe de l’état écroui jusqu’à 0,25 d’allongement rationnel, on observe alors que les deux courbes sont très différentes et ne se superposent plus du tout. Cette différence de comportement s’explique trivialement par le fait que l’état écroui est en réalité déformé au préalable par étirage à 20°C.

Pour évaluer l’effet d’un étirage sur le comportement mécanique, nous avons tenté d’en reproduire l’effet par un essai de traction uni-axial « composite ». La procédure expérimentale est la même que celle décrite au Chapitre III § 1.2.1 à l’exception que la machine de traction est programmée pour arrêter le déplacement du vérin après une certaine déformation (ici en l’occurrence égale à 0,25 en rationnel). Les résultats de cette expérience sont présentés en Figure V. 4.

On observe sur la figure :

- En pointillés bleus, la courbe rationnelle de traction (issue du Chapitre III) jusqu’à rupture de

l’état hypertrempé déformé à 20°C à 𝜀̇ = 10−1 𝑠−1 (vitesse représentative de la déformation

des tubes sur le banc d’étirage) ;

- En pointillés rouges, la courbe rationnelle de traction (issue du Chapitre III) jusqu’à rupture de

l’état hypertrempé déformé à 200°C à 𝜀̇ = 3. 10−4 𝑠−1 (conditions quasi-statiques).

Figure V. 4 : Courbe de traction rationnelle de l’essai interrompu jusqu’à 0,25 d’allongement à 20°C à 𝜀̇ = 10−1 𝑠−1, puis prolongé jusqu’à rupture à 200°C à 𝜀̇= 3. 10−4 𝑠−1, comparée à celles de l’état hypertrempé déformé à 20°Cà 𝜀̇ = 10−1 𝑠−1 et à 200°C à 𝜀̇ = 3. 10−4 𝑠−1.

Il est également tracée sur la figure la courbe de l’essai « composite », apparaissant comme une courbe continue découpée en 3 segments :

- Le premier segment, i (ligne bleue continue), représente la reproduction de l’étirage. Il s’agit

d’un essai effectué à 𝜀̇ = 10−1 𝑠−1 jusqu’à 0,25 d’allongement rationnel à 20°C sur une

éprouvette bi-jambe hypertrempée ;

𝜀 ̇ = 3. 10−4 𝑠−1

𝜀̇ = 1020°C −1 𝑠−1 200°C seg. i seg. ii seg. iii

- Le deuxième segment, ii (ligne noire continue), représente une phase de décharge de

l’éprouvette et de chauffe du four de 20 à 200°C ;

- Le troisième segment, iii (ligne rouge continue), représente la reprise de l’essai à 200°C jusqu’à

rupture à la vitesse 𝜀̇ = 3. 10−4 𝑠−1.

Après interruption de l’essai à 𝜀̇ = 10−1 𝑠−1 à 20°C (segment i), décharge puis chauffe à 200°C (segment ii), on constate que la courbe de traction du prolongement de l’essai à 𝜀̇ = 3. 10−4 𝑠−1 à

200°C (segment iii) se rapproche et tend vers celle de l’état hypertempé testé à 𝜀̇ = 3. 10−4 𝑠−1 à

200°C (courbe en pointillés rouge).

Autrement dit, cela signifie que l’acier peut continuer à se déformer à 200°C en adoptant les mécanismes d’écrouissage actifs à cette température malgré la pré-déformation à 20°C.

D’une manière plus précise, il est maintenant possible de comparer directement les courbes des essais de traction à 200°C suivantes :

- L’état écroui par étirage (courbe bleue sur la Figure V. 3),

- L’état pré-déformé en traction uni-axiale jusqu’à 0,25 d’allongement rationnel à 20°C (seg. iii sur la Figure V. 4).

Cette comparaison est effectuée sur la Figure V. 5. On observe alors que la courbe de l’état pré-déformé en traction se situe au-dessous de la courbe de l’état écroui (par étirage) en terme de contrainte. Cela signifie que la pré-déformation à 20°C en traction uni-axiale ne permet pas de générer parfaitement le niveau d’écrouissage introduit par un étirage. De plus, l’allongement homogène de l’état pré-déformé est plus de trois fois supérieur à celui de l’état écroui (0,032 contre 0,009).

Figure V. 5 : Comparaison des courbes des essais de traction à 200°C de l’état écroui et pré-déformé en traction (𝜀̇ =

Chapitre V : Discussion, conclusion et perspectives

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Par conséquent, la traction uni-axiale est insuffisante pour reproduire un étirage et il existe donc une spécificité propre à ce mode de déformation, qui justifie le comportement à 200°C. Elle va être discutée au prochain paragraphe.

Aspects microscopiques

La différence majeure entre une passe d’étirage et un essai de traction concerne la nature de la direction des contraintes : lors d’un essai de traction, la contrainte est appliquée de manière uni-axiale en tension sur l’éprouvette. Dans le procédé d’étirage, la composante en tension est toujours présente dans la direction axiale des tubes, mais il faut également ajouter une composante de compression dans la direction radiale liée à la pression de contact au niveau de la filière. Nous pouvons alors nous poser la question de quel est l’effet d’une telle composante sur la microstructure du 15-15Ti.

Rappelons tout d’abord que la direction de la contrainte vient directement influer sur les systèmes de glissement et de maclage qui s’activent durant la déformation. Or, l’activation de ces derniers est régie par le facteur de Schmid. Le Tableau V. 2 rassemble donc les valeurs des facteurs de Schmid maximum des dislocations parfaites et partielles selon le type de grains pour une sollicitation en compression. Par rapport au Tableau V. 1, les facteurs de Schmid des dislocations parfaites sont inchangés mais la situation est différente pour les dislocations partielles. Pour les grains de type I, le facteur de Schmid maximal des dislocations partielles de tête augmente fortement et vient dépasser celui des dislocations parfaites. Ainsi, lors d’une sollicitation en compression, c’est le maclage qui est le mécanisme de déformation énergétiquement favorable dans ces grains. Au contrainte, dans les grains de type II, le facteur de Schmid maximal des dislocations partielles de tête baisse et devient inférieur à celui des dislocations parfaites. Par conséquent, le maclage n’est plus favorable énergétiquement et ces grains doivent se déformer uniquement par glissement des dislocations parfaites.

Type de grains

Facteur de Schmid maximum

Dislocations parfaites Dislocations partielles de tête de queue

I 0,41 0,47 0,23

II 0,28 0,16 0,31

Tableau V. 2 : Valeurs des facteurs de Schmid maximums des dislocations parfaites et partielles en fonction du type de grains pour une sollicitation en compression.

Par conséquent, le procédé d’étirage, combinant à la fois traction et compression, est susceptible d’aboutir au maclage de tous les grains (et pas seulement ceux de type II comme lors des essais de traction). Même si cela ne transparait pas clairement sur la cartographie EBSD du 15-15Ti AIM1 à l’état de réception (Chapitre III - Figure III. 11(a)), des grains de type I maclés sont bien présents dans la microstructure brute d’écrouissage. Par exemple, la Figure V. 6 montre un grain proche d’une orientation <001> avec deux systèmes de maclage activés.

La question est maintenant de savoir quel est le devenir de ces macles dans les grains de type I lors d’un essai de traction uni-axial où elles ne sont pas supposées se former.

Dans la mesure où elles correspondent à des systèmes de maclage qui ne peuvent plus s’activer, on peut penser qu’elles restent présentes sans évoluer. Dans ce cas, leur rôle se limite à réduire la taille initiale des grains de type I, ce qui provoque tout de même un durcissement supérieur de la microstructure par rapport à l’état hypertrempé par effet Hall-Petch « statique ».

Figure V. 6 : Cartographie EBSD (IPF+ IQ) présentant un grain de type I maclé dans un tube de gaine en 15-15Ti AIM1 à l’état à réception.

Bien que nous n’ayons pas réalisé d’étirage à 200°C, il nous semble plausible d’avancer que le maclage mécanique possible dans tous les grains durant l’étirage à 20°C est l’élément le plus défavorable pour la ductilité de l’état écroui à cette température. En effet, cela permet d’introduire une quantité importante de défauts dans la microstructure, qui est nettement supérieure à ce que pourrait stocker le matériau si le maclage n’était pas activé. Ainsi, dès le début de l’essai à 200°C, la microstructure se retrouve très chargée voire saturée en défauts, et comme aucun mécanisme de durcissement n’est disponible pour en emmagasiner plus, la déformation se localise très précocement.

En conclusion, les résultats obtenus sur le 15-15Ti hypertrempé sont bien transposables au 15-15Ti AIM1, sous réserve d’une spécificité liée aux contraintes de compression présentes lors du procédé d’étirage.